Collab mode et pop
Quand Tina Turner faisait son come-back, en Alaïa ou Versace
Tina Turner, c’est une silhouette immédiatement reconnaissable et une énergie sur scène qui fait des étincelles, comme ici à Rotterdam, en 1990.
Elle fait partie de ces personnalités que l’on pensait éternelles, tant elles font partie du paysage. Et puis non. La mort finit par rattraper Tina Turner mercredi 24 mai 2023. À 83 ans, la plus suisse des rock stars américaines s’en est allée paisiblement, entourée de ses proches, à Küsnacht, au bord du lac de Zurich, où elle avait élu domicile en 1994.
Son héritage culturel est colossal. Tina Turner, c’est avant tout une voix. Rugissante. Mais aussi un look mémorable et une énergie puissante. L’instinct de survie peut-être. Car si Tina Turner confie dans sa toute dernière interview au Guardian, en avril 2023, qu’elle ne craint pas de mourir, elle a vécu plusieurs vies.
Dépêtrée du duo ultratoxique qu’elle forme à ses débuts avec Ike, son époux jaloux et violent, elle ressuscite en 1984 avec son titre solo What’s Love Got To Do With It. Un carton international qui augure de son come-back sur le devant de la scène à 45 ans. Du jamais-vu à cet âge-là pour une chanteuse noire dans le showbiz, alors essentiellement régi par des hommes blancs.
Déambulant dans les rues de New York dans le clip, elle cache bien son jeu sous sa veste en jean et sa minijupe en cuir. Mais ses collants ornés d’une surpiqûre au dos allant de la ceinture jusqu’aux talons ne sont que les prémices de ce qu’elle réserve pour la suite.
Une crinière et beaucoup de paillettes
Sa silhouette est reconnaissable en ombre chinoise: crinière en pétard, robes courtes dévoilant une paire de jambes sculpturales et une façon de danser que tout le monde tente d’imiter. Un tel charisme et un tel physique représentent une aubaine pour les créateurs de mode.
Le goût des paillettes et des robes à sequins scintillant de 1000 feux sous les projecteurs se cristallise chez Tina dans les créations fantastiques de Bob Mackie durant les premières années de sa carrière. Au milieu des années 70, l’extravagant designer américain compte Judy Garland, Diana Ross, Elton John et Cher dans la A-list de sa clientèle. Le glamour à toute épreuve, Tina Turner en connaît quelque chose, elle qui a pris l’habitude de laisser ses malheurs en coulisses.
Après cette décennie flamboyante, elle fait une rencontre déterminante avec Azzedine Alaïa, qui deviendra l’un de ses meilleurs amis. Le timing est parfait. Pendant que son nom brille à nouveau et en solo, le sien à lui est synonyme d’une mode ultrasexy.
Arrivé de sa Tunis natale à la fin des années 50 à Paris, le discret couturier avait commencé par peaufiner sa technique chez Christian Dior. Mais c’est réellement dans les années 80 que sa mode prend son envol, notamment aux États-Unis, où les riches et célèbres s’entichent de ses robes sculpturales et ajourées de façon extrêmement sexy. Les ambassadrices de son style sont des femmes fortes. Grace Jones et Béatrice Dalle ne jurent que par lui.
Avec sa complicité, elles montent en épingle et non sans humour leur image publique comme des félins dans des campagnes scénographiées par Jean-Paul Goude. Tina Turner ne peut décemment pas manquer à son palmarès. Habillée par les bons soins de son ami pendant ses tournées mondiales, elle se délecte à contempler son jeu de jambes sur scène. Toujours dans la même ultime interview accordée au Guardian, qui lui demande quel est son superpouvoir, elle répond: «Peut-être tous les concerts en solo que j’ai donnés sur des talons de 15 centimètres!»
Beyoncé lui rend hommage
Pour varier les plaisirs, il lui arrive de faire quelques incursions stylistiques transalpines du côté de Versace. Habillant des stars du rock telles que Prince et Elton John, son ami Gianni sublime tout autant l’aura sexy de la reine du rock’n’roll. Aujourd’hui, Tina Turner et ses deux amis designers ne sont plus de ce monde. Mais leur héritage n’a rien perdu de son éclat.
Pionnière, la chanteuse a pavé le chemin de celles qui, comme elle, utilisent leurs voix pour amplifier celles des femmes. À commencer par Beyoncé, qui lui rend un vibrant hommage en reprenant River Deep, Mountain High lors de son Renaissance World Tour.
En reprenant à son compte le titre de sa chanson phare du 3e volet de Mad Max dans lequel elle joue, il n’est pas exagéré d’affirmer qu’avec Tina Turner, star ultime du rock du XXe siècle, nous n’avons pas besoin d’une autre héroïne.
