Une pièce, une histoire
La cravate s’impose dans le dressing féminin
Lors du dernier Met Gala, on célébrait l’exposition consacrée à Karl Lagerfeld. Le Kaiser de la mode, toujours habillé d’une chemise blanche, d’une cravate et d’un blazer noir a donné le ton aux looks des invités. La comédienne Kristen Stewart arborait un smoking blanc et une cravate régate noire, tandis que la chanteuse Cardi B a choisi une robe, tout en volume, agrémentée également de cet accessoire. Déjà très prisée des stars sur le tapis rouge cette saison, la cravate a aussi fortement inspiré les créateurs dans leurs collections automne-hiver. Valentino, Dior ou Dolce & Gabbana ont par exemple construit et décliné leurs silhouettes autour de ce tour de cou.
Indissociable de la tenue du business man travaillant dans le secteur tertiaire, la cravate est encore majoritairement réservée au vestiaire masculin. Bien qu’elle ne soit pas un accessoire fonctionnel, elle répond à des codes établis dans certains milieux qu’ils soient professionnels, universitaires, militaires ou politiques. Elle témoigne d’un certain sérieux. Et même quand on la nargue, on y voit un symbole phallique. En bref, là où il y a du pouvoir, il y a une cravate et forcément un homme.
Outil féministe
Il n’est donc pas étonnant que cette bande de tissu aussi chargée de symboles devienne un outil pour les femmes qui veulent s’émanciper. Dès le XIXe siècle, militantes ou intellectuelles s’approprient la cravate pour braver l’ordre établi et s’affranchir du patriarcat. Ainsi, les romancières George Sand et Colette lui apporteront une dimension revendicatrice. C’est une manière pour elles de chercher à accéder au même statut que les hommes en faisant passer un message par l’habillement.
Les Années Folles seront aussi un terrain favorable à la libération du corps et du genre. Marlene Dietrich, l’actrice allemande, n’a cessé de passer de la femme glamour à la garçonne. En avance sur son temps, elle a mis en lumière à Hollywood le costume-cravate féminin bouleversant ainsi le rapport de séduction entre homme et femme.
Ce n’est qu’à la fin des années 60, lorsque les créateurs de mode y mettent leur patte, que le phénomène touche un plus large public. Yves Saint Laurent a chamboulé les codes en allant puiser des références dans la garde-robe masculine pour habiller les femmes. Le smoking et le costume pantalon dessinent une nouvelle silhouette empreinte de pouvoir.
Paradoxalement, dans les années 70-80 l'association du costume et de la cravate est également l‘image d’une société technocrate et conformiste. La contre-culture, par exemple les punks, détourne ces signes distinctifs afin de faire un pied de nez au système.
Autres univers
Du côté des collections de l’automne-hiver, on revient aux classiques. Le duo cravate noire et chemise blanche est incontournable. Bien que les costumes soient toujours présents, c’est l’association avec d’autres pièces qui est intéressante. Par exemple, avec une jupe longue brodée de sequins chez Dior ou un blouson de motard chez GCDS. La cravate entre ainsi dans d’autres univers stylistiques. Chez Valentino, les robes du soir et les paillettes flirtent aussi avec cet accessoire pour un effet plutôt surprenant. Le seul moyen de se l’approprier, c’est de le voir porté là où on ne l’attend pas.
D’où vient la cravate?
Il est difficile d’établir avec précision l’apparition de la cravate, car elle partage les mêmes caractéristiques que le foulard ou l’écharpe. Mais il semblerait que ses premières traces datent de trois siècles avant notre ère, comme l’attestent les statues à l’effigie des soldats de l’armée de l’empereur de Chine, Qin Shi Huang, retrouvées dans son tombeau.
Également observée dans l’Empire romain, la cravate est portée par des militaires en guise de symbole de rigueur et comme marqueur social. Ce n’est qu’à partir du XVIIe siècle, lorsque la chemise commence à se dévoiler et à s’imposer, que la cravate se distingue. Elle a cette fois une fonction bien spécifique, celle de garder le col fermé.
Sa forme évolue pendant les siècles suivants, elle ressemblera à une lavallière, un jabot, une régate ou un nœud papillon. Il faudra attendre le milieu des années 1920, pour qu’un Américain nommé Jesse Langsdorf, invente et brevette la cravate telle qu’on la connaît de nos jours: coupée en trois parties et en biais.
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