Réseaux sociaux
Comment TikTok dicte les tendances beauté
Il y a eu ce temps béni d’avant 2007 où les réseaux sociaux n’existaient pas (sauf MySpace, pour les geeks). Treize ans plus tard, ils ont pris tellement d’ampleur qu’on peut difficilement s’imaginer vivre sans eux… et qu’il devient compliqué de rester à la page tant cet univers évolue rapidement. Ainsi, 2020 et ses longs mois de confinement ont marqué l’avènement de TikTok, qui chamboule une fois de plus toutes les règles.
A moins d’avoir habité sur Mars, vous avez forcément entendu parler de cette appli de vidéos très courtes (3 à 60 secondes), dont la propriété chinoise a suscité la polémique, notamment aux Etats-Unis, pour son manque de transparence dans la collecte des données. Elle a été téléchargée 2 milliards de fois et compte 800 millions d’utilisateurs actifs par mois. Très populaire en Asie, elle l’est aussi chez nous, devançant Instagram chez les moins de 26 ans en Suisse, selon l’agence Havas.
TikTok a eu le nez fin en rachetant en 2017 Musical.ly, l’appli chérie des adolescents pour filmer des chorégraphies en playback. La plateforme est devenue un formidable générateur de tendances dans tous les domaines, à commencer par la mode et la beauté. C’est le lieu stratégique du marketing d’influence. Tout le monde s’arrache les tiktokeurs les plus suivis, comme la jeune Charli D’Amelio, 16 ans et 100 millions d’abonnés. L'Américaine a fait partie de l’aventure The Hype House, 19 influenceurs enfermés dans une villa de Los Angeles pour créer du contenu. Elle y a côtoyé une autre héroïne de success story numérique, Addison Rae, qui a depuis fondé sa ligne de maquillage clean, Item Beauty, et fait ses débuts au cinéma.
Dès lors, le statut d’influenceur est entré dans une nouvelle dimension et une vidéo de 15 secondes peut désormais faire ou défaire un produit. C’est en ces termes que le New York Times décrit Hyram Yarbro, un passionné de soin pour la peau suivi par 6,7 millions de personnes sur TikTok et 4 millions sur YouTube (lire son interview ci-après). Grâce à ses vidéos, dans lesquelles il analyse les routines beauté des stars 3.0, il est passé de 100’000 abonnés en mars 2020 à 6 millions quatre mois plus tard. Comment expliquer un tel succès? «Je pense que les gens recherchent une information différente, analyse le skinfluencer américain. A l’opposé du tuto maquillage qu’on voyait dans le passé, la génération Z cherche à approfondir ses connaissances et souhaite en apprendre plus sur la fonctionnalité des produits et leur efficacité. Le skincare est devenu très populaire, car il répond à cette demande constante d’information tout en aidant à améliorer la confiance en soi et l’image personnelle.»
Une des valeurs qui revient souvent pour expliquer le succès de TikTok est l’honnêteté. Une notion qui a peut-être causé le déclin des blogueuses et des Instagrameuses, trop acoquinées aux marques de luxe. Des avis jugés sincères peuvent soudain rendre un produit viral et voir des marques confidentielles devancer les géants de la branche. Le sérum contre l’acné de The Ordinary en est un exemple, il s’en vend actuellement un chaque 3 secondes dans le monde.
La course aux challenges
Les marques de cosmétiques ont donc tout intérêt à entrer dans le jeu, mais pour l’instant, elles restent prudentes. En Suisse, les chargés de relations publiques que nous avons sondés avouent ne pas avoir encore de stratégie. D’autres ont déjà saisi la vague, comme NYX Professional Makeup qui a lancé un challenge de maquillage pour Halloween. En France, Maybelline s’est associé à Bilal Hassani pour promouvoir son anticerne, créant un geste à reproduire sur une chanson de l’artiste. Bingo: 422 millions de vues pour le hashtag #maybellineclick!
Ken Moos est agent et project manager de trois influenceurs romands (Alison Liaudat, Whitney Toyloy et David Fernandez, aka Not an it Boy). Il ne croyait pas beaucoup à ce nouveau réseau social jusqu’au premier confinement où, soudain, tout le monde y était! Si, pour l’instant, les demandes de partenariat pour ce média en particulier sont rares, le Valaisan apprécie cette nouvelle façon de créer du contenu. «Honnêtement, je ne pensais pas que Tik Tok ferait le poids face à la nouvelle fonction Reels, d'Instagram, tout comme Snapchat n’a pas résisté à l’arrivée des Stories, explique le professionnel du digital. Je pense qu’on peut tout à fait produire des vidéos de qualité sur cette nouvelle plateforme, elle n’est pas uniquement dédiée au fun.»
L’important, pour tous les acteurs, est donc bien de ne pas rater le virage. Il y a évidemment un phénomène de génération avec ce nouveau média. Les millennials ont adopté Instagram au détriment de Facebook, colonisés par leurs parents. Aujourd’hui, les adolescents préfèrent TikTok à Instagram pour la même raison: parce que leurs parents n’y sont pas.
Hyram Yarbro: «TikTok vous propulse au sommet en une nuit»
A 24 ans, ce jeune Américain est devenu la référence en matière de soin de peau pour la Génération Z. Ses conseils sont ultra suivis et les stars des réseaux sociaux rêvent de soumettre leur routine beauté à son regard éclairé et toujours bienveillant.
FEMINA D’où vous vient cette passion pour la cosmétique?
Hyram Yarbro Je travaillais comme make-up artist dans un grand magasin où je voyais les gens dépenser des milliers de dollars en produits pour la peau. Quand j’ai commencé à m’intéresser aux compositions et à interroger mes amies esthéticiennes ou dermatologues à ce sujet, je me suis rendu compte que les formules contenaient des substances irritantes et des ingrédients qui ne justifiaient pas le prix. A ce moment-là, je n’y connaissais pas grand-chose, mais je voulais aider les gens à prendre soin de leur peau sans se ruiner, peu importe leur genre, leur carnation ou leur revenu. J’ai partagé mon apprentissage au fur et à mesure sur ma chaîne. J’ai aussi beaucoup appris de mes abonnés.
Pourquoi tant de trends sont-ils issus de TikTok?
Les trends beauté sur TikTok vont très vite. J’en ai vu émerger et disparaître dans la même journée et ça peut être difficile à suivre. Cependant, dans l’ensemble, TikTok pousse l’industrie à se concentrer sur la transparence, des ingrédients respectueux et une approche inclusive.
N’est-ce pas trop de pression de savoir que des millions de personnes suivent votre avis?
Pour être honnête, j’ai la chance de ne pas ressentir trop de pression. Je pense que c’est parce que je me vois toujours comme un modeste youtubeur qui filme avec son iPhone dans sa chambre à coucher, mais j’essaie petit à petit d’appréhender les chiffres que je vois en ligne. J’essaie juste de faire de mon mieux pour coller à mes valeurs et réfléchir en priorité aux besoins de mon public avant de me lancer dans la recommandation d’un produit.
TikTok ou YouTube?
J’adore TikTok parce que c’est drôle, idiot et que ça met en valeur les côtés les plus humoristiques de ma personnalité. Mais dans le fond, je pense que YouTube me correspond mieux.
Elle requiert un investissement à long terme, avec un engagement en amont, en temps et en énergie, avant de réussir à prospérer. TikTok propulse des créateurs au sommet en une nuit. Ceci étant dit, d’un point de vue business et monétisation, je crois que YouTube reste la principale plateforme vers laquelle les créateurs se tournent.
Combien d’heures par jour y passez-vous?
Pour le travail? Toute la journée. J’ai un emploi du temps parfois accablant, sept jours sur sept. Ma journée type commence à 7-8h et se termine vers 2 heures du matin, les bons jours. Dans les rares moments où je peux décompresser, la dernière chose que j’ai envie de faire, c’est consulter les réseaux sociaux par pur plaisir ou par ennui. J’aime généralement aller au bord de l’océan, faire une randonnée, un tour en voiture ou simplement déconnecter complètement du monde digital, me relaxer et remettre mon esprit à zéro.
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