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«J’ai vécu cloîtrée dans un monastère avec des religieuses»

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Lena Matasci est assistante-doctorante à l’Institut d’ethnologie de l’Université de Neuchâtel. En décembre 2022, elle y publiait «Moniales en chemin: de la résonance dans la vie monastique».

© GUILLAUME PERRET

C’est un monde fascinant que l’on ne connaît guère: celui des monastères et de celles et ceux qui choisissent d’y entrer. Lorsqu’elle étudiait l’anthropologie, Lena Matasci a voulu en savoir plus sur les moniales, ces femmes qui choisissent de vivre cloîtrées. Elle décide de partager leur quotidien à plusieurs reprises.

«Je voulais choisir une expérience immersive, mais je ne pouvais pas partir loin, et c’est comme ça que j’ai pensé aux monastères en Suisse», se souvient-elle. Pour ce premier projet lors de son bachelor à Fribourg, elle s’intéresse à la question du temps: «Ce n’est pas une réalité tangible et cela explique pourquoi, afin de cerner ce rapport au temps qu’ont les moniales, je devais le vivre à travers mon corps.» La méthode par excellence, finalement, de tout bon anthropologue.

Lena, âgée alors de 20 ans, prend contact avec une mère abbesse (la supérieure dans les communautés monastiques) qui se montre très intéressée par le projet. Le courant passe bien entre la jeune femme – qui ne connaît encore pas grand-chose sur cet univers – et la religieuse. «Elle s’est rendu compte que je pouvais comprendre leur vie en étant avec elles, qu’il n’y avait pas le risque que je torde leur réalité, et elle m’a acceptée.» Durant cet entretien, la jeune étudiante lui montre un symbole chinois qui se trouve sur son ordinateur et qui signifie «persévérance», un mot qui va droit au cœur de son interlocutrice.

Vive la récréation

Puis vient le début de l’observation. Nous sommes en 2018. «Je me réjouissais, même si je ne savais pas à quoi m’attendre. Je partais à l’aventure et cela m’amusait énormément», témoigne Lena, les yeux toujours brillants d’excitation. Une fois à l’intérieur, elle n’en sortira plus avant cinq semaines et se passe même de son téléphone.

«Tout était nouveau, l’ordre social, la communication, la manière d’être, c’était le paradis pour une anthropologue», décrit-elle.

La Tessinoise suit les moniales dans leurs activités journalières, ponctuées avant tout par les prières, mais aussi par le travail, les repas, la vaisselle. L’horaire à respecter est précis, le silence tient une place importante, mais il y a également des moments de pause et de discussion, appelés récréations. «Elles en profitent pour prendre des nouvelles des autres et elles rigolent énormément», se remémore la chercheuse.

Rires à foison

Lena sera d’ailleurs marquée par tous les rires partagés. Elle se souvient avec affection d’un atelier de théâtre qu’elle a organisé pour expérimenter son rapport au corps, auquel les moniales ont participé avec plaisir. Durant ses immersions, elle a dû s’ouvrir à sa spiritualité: «J’ai joué le jeu de la prière et petit à petit ça m’a ouvert une dimension tout à fait intéressante.»

Après avoir travaillé sur le temps, l’universitaire s’intéresse à une nouvelle thématique pour son travail de master et retourne dans trois monastères en 2020. «Il y avait un aspect qui m’avait énormément marquée. Quand je voyais le visage des moniales, ils étaient tellement lumineux, alors qu’au sein de notre société, les visages sont davantage fermés, et je me suis dit qu’il y avait quelque chose à étudier autour de ça.»

Éclairer les préjugés

Le décalage entre le fait de vivre cloîtrée – une vie en apparence très dure – et l’épanouissement, le bonheur que dégageaient les moniales l’interpelle. Son mémoire se penche sur la notion de rapport résonant au monde qu’entretiennent les religieuses. Il éclaire également certains préjugés sur la vie au monastère.

«Elles ne sont pas cadenassées dans un moule, mais elles peuvent cultiver et exprimer leur unicité, souligne Lena. Elles ont beaucoup de contact avec l’extérieur et s’intéressent à ce qui se passe dans le monde.»

Une vie contemplative qui peut nous servir d’exemple. «C’est un témoignage que l’on peut vivre heureux, en restant dans la simplicité. Pour les moniales, le bonheur est dans les petites choses, ramasser les mauvaises herbes, faire la vaisselle, elles sont dans le moment présent.» En plus du côté scientifique de la démarche, la future anthropologue s’est retrouvée marquée humainement. «Elles se sont ancrées en moi et elles représentent une partie importante de mes relations sociales, encore aujourd’hui.»

Publication

Lena Matasci, assistante-doctorante à l’Institut d’ethnologie de l’Université de Neuchâtel, a sorti un livre issu de son travail de master en décembre 2022. Il s'intitule Moniales en chemin: de la résonance dans la vie monastique.

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