psychologie
Cancer d’un parent: Comment en parler aux enfants
L’information a secoué l’opinion publique. Après une longue absence médiatique laissant place aux spéculations les plus loufoques, Kate Middleton s’est adressée au monde le 22 mars 2024, dans un entretien solennel filmé par la BBC. Dans ces images tournées dans les jardins du palais de Kensington, la princesse de Galles a révélé être atteinte d’un cancer, détectée à la suite d’une opération chirurgicale subie en janvier. Elle a également expliqué suivre une chimiothérapie préventive. Cette annonce met en lumière un problème de santé public d’ampleur. Les chiffres d’une étude publiée en 2023 dans la revue BMJ Oncology démontrent en effet une forte hausse des cancers chez les moins de 50 ans. Ces trente dernières années, le nombre de cas a quasiment doublé. En cause? Des quadragénaires possiblement exposés de façon plus précoce, entre autres, au tabagisme, à la consommation d’alcool, à l’obésité et aux risques environnementaux.
De son côté, la belle-fille de Charles III, lui-même malade, n’a toujours pas révélé le type de cancer dont elle souffre. La mère de famille de 42 ans a en revanche abordé la façon dont elle et son époux, le prince William, avaient préservé le plus longtemps possible leurs enfants. Mais est-ce la bonne méthode à adopter quand l’un des parents tombe malade? Sarah Allart, l’autrice du guide Sunday Monday Happy Days, 101 expériences de psychologie positive pour être heureux 7 jours sur 7 (Éd. Larousse Poche, sortie le 17 avril 2024), livre ses conseils à destination des parents concernés. À savoir…
Ne pas tout cacher ni tout dire
Concernant la question cruciale de comment parler du cancer aux enfants, Sarah Allart, également autrice du livre I Feel Good & Sunday Monday Happy Days (Éd. Larousse), rappelle les deux extrêmes qui sont de tout dire et de tout cacher. «Ces deux comportements polarisés partent de bonnes intentions, et il est important de ne pas culpabiliser les parents. Toutefois, ils ne sont pas idéaux, note l’experte. Le cerveau des jeunes enfants n’est pas armé pour accueillir toutes les informations sans filtre. D’un autre côté, ne pas parler de la maladie est aussi néfaste. En réalité, les enfants captent tout - le langage verbal et le non verbal - et ils peuvent se créer des scénarios de façon inconsciente.» Même si les parents ont peur de craquer devant les enfants ou de leur faire de la peine, la psychologue préconise, dans la mesure du possible, de trouver une juste mesure dans leur communication.
Trouver le bon moment pour en parler
À propos de l’annonce du diagnostic, Sarah Allart rappelle qu’«il est nécessaire de trouver un moment où l’on est pleinement disponible et où l’on se sent prêt-e à accueillir l’émotion et/ou le chagrin de l’enfant. Il est important d’éviter les formules trop détournées et d’utiliser le vocabulaire du cancer. On respire profondément, on pèse les mots, on explique la situation et on accueille sa réaction.
Éviter les «cadeaux sparadraps»
«Dans notre société, on a tendance à offrir des cadeaux aux enfants tristes, souligne la spécialiste. Pourtant, il est important d’éviter la répression des émotions et les formulations comme «Ne pleure pas». Au contraire, il est normal d’être triste quand ses parents sont malades. Il est bénéfique de formuler aux enfants des mots tels que «Tu as le droit d’être triste et de pleurer» et «Je suis là pour toi»: ce sont des petits mots magiques qui les aideront toute leur vie. Les pleurs durent quelques minutes puis l’équilibre revient toujours, rassure l’experte. Les parents ont d’ailleurs le droit de pleurer devant leurs enfants!»
Communiquer un message d’espoir
Même si les parents se posent, à juste titre, une myriade de questions, Sarah Allart rappelle l’importance de «présenter les choses de façon juste, mais en laissant de la place à l’espoir. Un cancer de nos jours, ce n’est pas comme un cancer il y a 50 ans, nuance-t-elle. Il existe de nombreux traitements et beaucoup de gens guérissent. Les enfants ont, comme tout le monde, besoin d’entendre des messages d’espoir.»
Chasser le sentiment de culpabilité
Une autre information à retenir, c’est de ne pas créer un sentiment de culpabilité chez les enfants. «Dans la mesure du possible, il faut éviter des phrases comme «Tu me fatigues» ou «Je vais finir par être malade», alerte l’autrice de guides de psychologie positive. Il est au contraire recommandé de ne pas faire de lien entre le comportement de l’enfant et la maladie d’un parent.
Chercher à réguler les émotions
Comme la santé mentale et les résultats scolaires des enfants sont susceptibles de fluctuer au cours de la maladie de leur parent, la psychologue recommande de parler de la situation familiale à l’équipe enseignante. À l’école et en dehors, «le mémo, c’est de les aider à trouver une stratégie pour gérer leurs émotions. Certain-e-s vont parler du cancer à leurs ami-e-s, d’autres auront besoin de crier. D’autres encore exprimeront leur colère en dessin ou à l’écrit, liste l’experte. On peut aussi suggérer aux enfants (et aux parents) le rituel du shaking, soit de se secouer sur de la musique, dans le but de relâcher leurs émotions, ou encore de tester la boxe, la danse, le yoga ou la méditation (dès 4 ans). Personnellement, j’autorise mon fils à faire une minute de gros mots libératrice quand il en a besoin», s’amuse-t-elle. Sur un ton plus sérieux, si des signaux de mal-être se multiplient chez l’enfant - ou chez le parent malade -, l’experte rappelle qu’il est capital de prendre contact avec un-e psychologue ou un-e psychiatre.
Voir du positif, après tout
Toujours dans le but de vivre au mieux cette période complexe pour toute la famille, Sarah Allart exhorte à trouver un cadeau caché. «À cause de sa maladie, le parent reste possiblement davantage à la maison. L’idée est de tenter d’apprécier ces moments partagés, même si ce n’est pas évident, concède-t-elle. Dans les cas de cancer les plus graves, l’experte met au fait que «si l’on ne peut pas rajouter d’années à la vie, on peut rajouter de la vie dans les années», et invite encore à se créer de beaux souvenirs qui feront oublier la maladie, ne serait-ce qu’un temps, et resteront gravés pour toujours.
Cancer des parents: des ressources à connaître
Sur leur site internet respectif, les HUG et la Ligue suisse contre le cancer proposent des guides à destination des enfants quand le cancer touche leurs parents. hug.ch, liguecancer.ch
Le CHUV organise, dans les locaux de l’association lausannoise Ose Thérapies, des rencontres une fois par mois le mardi afin d’échanger librement sur le cancer avec des spécialistes. chuv.ch
Les livres jeunesse Voyage coloré à travers le cancer de maman, d’Angie Brice Hessbruegge et de Queen Mama (Éd. Visibles) et Le cancer, de Camille Laurans et de Stéphanie Rubini (Éd. Milan) apporteront du soutien aux parents et enfants.
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