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L'application Lensa AI impacte-t-elle notre confiance en nous?

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«Le fait de corriger systématiquement notre apparence sur les réseaux sociaux peut nous rendre encore plus intolérant-e-s à nos imperfections physiques, réelles ou imaginaires, et renforcer la croyance interne que nous ne sommes pas aimables tel-le-s que nous sommes.» - Brigitte Favre, psychologue et psychothérapeute FSP.

© LENSA AI

Si vous êtes actif-ve sur les réseaux sociaux, il est presque impossible que vous n'ayez jamais aperçu les fameux «avatars magiques» générés par l'application Lensa AI. Grâce à l'intelligence artificielle, celle-ci permet en effet de créer des portraits modifiés d'une personne, en lui ajoutant certaines caractéristiques physiques ou costumes de héros et d'héroïnes. Les portraits sont parfaitement symétriques et inspirés d'univers visuels très différents, si bien que chacun-e peut décider de poster le cliché qui lui correspond le mieux. Bonnet de Père Noël, oreilles d'elfe, portraits vintage, costumes de voyageur-euse dans l'espace... Il suffit de payer 3 francs, de télécharger une dizaine de selfies, et voilà que l'application produit une flopée de clichés plutôt impressionnants: c'est un peu nous, et en même temps pas du tout.

Avec plus de 489 millions d'occurrences sur TikTok, Lensa AI s'est facilement hissée au sommet des applications les plus téléchargées aux États-Unis et en France, début décembre 2022. De nombreuses personnes utilisent désormais leurs avatars en guise de photo de profil sur les réseaux sociaux.

À première vue, le concept semble amusant, intrigant et inoffensif. Or, l'app créée en 2018 par l'entreprise Prisma se trouve désormais au cœur de plusieurs virulentes polémiques. De nombreux-ses stars et internautes soulignent notamment que Lensa AI tend à sexualiser ses utilisateurs-trices, en modifiant certaines parties de leur anatomie. C'est le cas de l'actrice Megan Fox qui, le 9 décembre 2022, se demandait sur Instagram pourquoi la plupart de ses avatars sont «tous nus».

Les autres critiques massivement relayées sur les réseaux sociaux concernent le plagiat d'artistes, dont le style serait impunément copié et utilisé par l'application pour générer les différents portraits. Des centaines de créateurs-trices du monde entier ont exprimé leur désarroi, soulignant même que certains avatars préservent les traces d'une signature, gommée par la technologie utilisée. D'après le site Tech Crunch, le programme d'intelligence artificielle AI, qui génère les images de Lensa, a effectivement été créé sur la base de 2,3 milliards d'images disponibles sur Internet, avec ou sans copyright. Ainsi, les artistes spécialisé-e-s dans la création digitale craignent désormais que ce type de technologie remplace leur travail original.

Face à cette vague de colère, les responsables de l'application ont diffusé plusieurs explications, via leur compte Twitter. «Pour résumer, l'intelligence artificielle produit des images uniques basées sur des principes dérivés de certaines données, mais elle ne peut imaginer des choses par elle-même. [...] L'IA ne remplacera pas les artistes, mais peut devenir un outil génial.»

Ce message n'a pas empêché des vagues de commentaires mécontents, appelant au boycott de Lensa AI, sur Instagram, Twitter et TikTok.

Quels effets sur notre confiance en nous?

Autre problème souligné par certain-e-s utilisateurs-trices de l'app: le fait de se découvrir ainsi modifié-e, de manière aussi détaillée, peut avoir des effets néfastes sur l'acceptation de notre visage et de notre corps, tels qu'ils sont dans le monde réel. Dans certains cas, elle peut également mener à de la dysmorphophobie, un trouble consistant en une inquiétude excessive envers un défaut physique, discret ou même imaginé.

«Cette voix odieuse a résonné à nouveau dans ma tête, partageait une utilisatrice d'Instagram, le 30 novembre 2022. "Ce n'est pas vraiment toi. C'est la version super belle et glamourisée de toi. Tu ne ressembles pas vraiment à ça." J'ai payé pour avoir d'autres images, en me persuadant que je pourrais voir des caractéristiques communes entre elles, mais en fait j'attendais de voir apparaître la "vraie moi" moche.» En outre, d'autres internautes accusent l'application de grossophobie, après avoir découvert leur corps notablement affiné dans les portraits.

Pour Brigitte Favre, psychologue et psychothérapeute FSP, la frontière entre l'amusement et l'exagération est parfois très mince: «Le concept peut être intéressant et drôle, tant qu'on reste ancré-e dans la réalité, explique-t-elle. Toutefois, quand cela va trop loin et qu'on se perd dans ce type d'application, on risque de ne plus supporter notre visage imparfait et de vouloir ressembler à tout prix au filtre qui nous a tant plu».

«Quand nous ne pouvons plus poster une photo de nous sans la corriger, sans y ajouter un filtre, nous sommes à risque de voir notre confiance en nous se dégrader et, dans certains cas, de développer une dysmorphophobie.»

En outre, pour la psychothérapeute, le fait de corriger systématiquement notre apparence sur les réseaux sociaux peut nous rendre encore plus intolérant-e-s à nos imperfections physiques, réelles ou imaginaires, et renforcer la croyance interne que nous ne sommes pas aimables tel-le-s que nous sommes.

Un attrait naturel

Rappelant que le problème se situe - comme souvent - dans les extrêmes. Notre experte souligne en effet que ce phénomène n'est pas totalement nouveau et que son succès vient d'une impulsion normale et naturelle: «Enfants, nous nous découvrons à travers le jeu, avec nos poupées, en s’amusant à être un personnage avec d’autres enfants, avec nos parents», note-t-elle.

Par ailleurs, les effets des portraits générés par l'IA ne sont pas si différents de ceux des filtres créés par Snapchat ou TikTok, par exemple: «Les humains ont un attrait naturel pour la symétrie et la beauté, précise Brigitte Favre. Nous avons tendance à attribuer des qualités psychologiques à des gens attrayants».

«Il n’est donc pas étonnant que la possibilité de modifier notre image, de pouvoir endosser une meilleure apparence soit extrêmement attractive, voire addictive.»

Il en va de même pour les influenceurs-euses qui, ainsi que le rappelle notre experte, postent des photos très lisses et perfectionnées sur les réseaux sociaux: «En voyant ce type d'images, on a l'impression que ces personnes sont follement heureuses et que tout leur est dû, en raison de leur physique. Ce n'est évidemment pas la réalité! On associe ces images virtuelles à une vie rêvée, alors que ce n'est pas réel. Par conséquent, on investit énormément de temps et d'énergie dans un monde faussement idéal.»

L'apparence n'apporte pas le bonheur

Afin d'éviter de se perdre dans ce type d'applications ou de voir notre confiance en nous s'effriter, Brigitte Favre conseille plutôt de se focaliser sur notre curiosité, nos passions, nos relations et notre épanouissement. «Le développement personnel (ou la réalisation de soi) consiste à développer nos ressources et nos compétences, mais également à accepter les parties de nous que nous aimons le moins», conclut-elle.

«Cette acceptation nous permet de mieux tolérer les défauts des autres et ainsi développer notre bienveillance.»

«Naturellement, nous trouvons sympathiques les personnes qui nous écoutent, nous sourient et s’intéressent à nous. Ces qualités relationnelles nous marquent: elles laissent un souvenir moins périssable sur le long terme qu’une belle apparence.»

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