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Sérial killeuse: Belle Gunness, la Barbe-Bleue au féminin
Carte d’identité
Nom: Brynhild Paulsdatter Storset, alias Belle Gunness.
Née en: 1859 en Norvège.
Nombre de meurtres: 12 à 18 avérés, 40 supposés.
Mode opératoire: Empoisonnement, dépeçage.
Sentence: Présumée morte dans l’incendie de sa ferme en 1908. On croit la voir apparaître dans divers endroits des Etats-Unis jusqu’en 1935.
©Bettmann Archive
La Porte, Indiana, Etats-Unis. Il est 5 heures du matin ce 28 avril 1908 lorsque éclate un incendie qui ravage une ferme sur McClung Road. Dans les décombres encore fumants, une masse calcinée est retrouvée sur un matelas dans la cave: il s’agit des corps de deux fillettes et d’une femme décapitée tenant un petit garçon dans ses bras. De toute évidence, les cadavres sont ceux de la propriétaire des lieux, Belle Gunness, et de ses enfants, Myrtle, Lucie et Philip. Une enquête est ouverte pour déterminer les causes de l’incendie et surtout retrouver la tête manquante pour classer l’affaire.
Alors que l’enquête piétine, un invité surprise fait son apparition. Un homme est à la recherche de son frère disparu, Andrew Helgelien, qui aux dernières nouvelles était chez la veuve Gunness pour affaires. Occupé à fouiller dans les gravats de la cave et désireux d’aider le frère éploré, Maxson, un ex-employé de la ferme, se souvient alors d’une fosse récemment creusée à l’arrière du parc à cochons pour y mettre des détritus. Il ne faut aux hommes que quelques coups de pelle pour tomber sur un sac en jute contenant Andrew… découpé en morceaux. Un peu plus loin dans le jardin, un autre emplacement de terre fraîchement remuée attire leur attention. Ils en dégagent un squelette presque totalement dépourvu de chair, celui d’une jeune femme reposant sur un matelas pourri qui recouvre lui-même d’autres restes humains: la tête d’un brun moustachu, et deux squelettes d’enfants.
Quelques jours plus tard, les macabres découvertes de corps dépecés s’enchaînent, de la fosse d’aisances au poulailler. En tout, quinze dépouilles sont dégagées. Crânes, bassins, fémurs: l’enchevêtrement des ossements laisse même présager une quarantaine de victimes… Bienvenue dans ce que les journaux de l’époque surnommèrent «La ferme de l’horreur», bienvenue chez Belle Gunness, alias la femme Barbe-Bleue.
La main lourde sur la strychnine
Visage ovoïde aux pommettes saillantes, cheveux bruns courts, lèvres charnues et visage austère: Brynhild Paulsdatter Storset a 22 ans lorsqu’elle débarque à Chicago depuis sa Norvège natale à bord d’un transatlantique de l’American Line. La jeune femme vient y rejoindre sa sœur aînée pour lui prêter main-forte dans son ménage. De «Brynhild», elle devient «Belle».
Issue d’une famille d’agriculteurs pauvres, elle développe rapidement une obsession pour l’appât du gain, son moteur de vie. Deux ans après son arrivée, elle épouse un compatriote bien installé en ville, Mads Sorensen, avec qui elle aura quatre enfants. Deux d’entre eux décèdent en bas âge, sans doute empoisonnés à la strychnine par leur mère pour empocher les assurances sur la vie qui étaient souscrites à leurs noms. Des infanticides crapuleux courants à l’époque, qui ne font pas encore de Belle une affreuse criminelle. C’est à la mort de son mari, en 1900, que se révèle son plein potentiel de tueuse. Officiellement, Mads serait mort dans son lit d’une hémorragie cérébrale. Officieusement, sa femme lui aurait donné de la strychnine pour soulager un mal de tête. Il est la première victime officielle de Belle. Et il est mort – quel heureux hasard – le jour où deux de ses polices d’assurance sur la vie se chevauchaient. La veuve Sorensen empoche 5000 dollars. Son implacable machination criminelle se met en place.
La veuve noire de La Porte
Après quinze ans à tenir une boutique de confiseries avec feu son époux à Chicago, la mère de famille décide de changer d’air. Elle publie dans la «Chicago Tribune» une petite annonce pour échanger sa maison d’Alma Street contre une ferme d’une valeur comparable. En décembre 1901, Belle débarque avec trois enfants sous le bras dans une ferme située à 1 kilomètre de La Porte, aux confins de l’Indiana. Quatre mois plus tard, la veuve se remarie avec Peter Gunness, lui aussi Norvégien, de quatorze ans son cadet et père de deux filles d’un premier mariage. Une semaine après leurs noces, sa fille Jennie décède. Le couple empoche son assurance-vie. A la fin de l’année, Peter meurt le crâne fracassé par la chute d’un hachoir à saucisse… Un malheureux accident, dira Belle, qui encaisse 3500 dollars d’assurance-vie.
Veuve pour la deuxième fois, la quadra propriétaire d’une ferme de 30 hectares est un bon parti. Un filon qu’elle exploite largement en publiant à la chaîne des petites annonces pour trouver dans un premier temps des ouvriers agricoles, puis de véritables partenaires en affaires, à qui elle fait miroiter le mariage, en échange d’un dépôt de garantie de 1000 dollars. Tous sont d’origine norvégienne. Tous – ou presque – seront ses victimes et finiront en pièces détachées, enterrés dans son jardin.
Tout est dans la tête
Son évolution physique suit sa propension au crime: elle explose littéralement. Belle fait 120 kilos pour 1,75 m et on dit d’elle «qu’elle pouvait mettre d’une seule main un porc de 100 kilos dans sa carriole». Un physique presque masculin qui ne rebute pas ses prétendants. Olaf, Henry, Ole, Andrew… les hommes défilent, appâtés par les mots presque doux que la machiavélique échange épistolairement avec eux, leur promettant monts et merveilles, bons petits plats norvégiens et caresses d’alcôve. Chacun leur tour, ils débarquent avec leurs malles, vident leurs comptes en banque et ne repartent jamais… Belle les empoisonne, les dépèce et les enterre. Ses crimes sont remarquables plus par leur nombre que par leur mode opératoire répétitif. La veuve noire tue pour le profit, et cette particularité fait d’elle la première femme tueuse en série des Etats-Unis. En tout, elle se fera un pécule de près de 30 000 dollars grâce à ses crimes. Jusqu’à l’incendie.
Les thèses se succèdent pour déterminer si la veuve s’est suicidée cette nuit-là, emportant ses enfants avec elle, car se sentant bientôt démasquée, ou si elle a tout mis en scène avec l’aide de complices pour s’enfuir avec le magot. Sinon, comment expliquer la tête manquante sur la scène du crime, seul moyen de formellement identifier Belle Gunness, l’achat de kérosène et le testament rédigé quelques jours avant l’incendie? Ce dernier scénario reste le plus plausible, mais n’a jamais été prouvé. Jusqu’en 1935, des témoins affirment l’avoir vue en domestique dans le Minnesota, en infirmière dans l’Indiana, en tenancière de bordel dans l’Ohio… Le mystère de la «femme Barbe-Bleue» reste à ce jour entier.
La Porte, Indiana. La «Ferme de l’horreur», où Belle Gunness enterrait ses victimes après les avoir empoisonnées.
©Collection of Steven R. Shook
Arrivée à Chicago en 1881, Belle y passera vingt ans avant de s’établir à La Porte.
©Getty Images
Cliché pris par Henry Koch, photographe à La Porte, datant de 1904. On y voit Belle Gunness avec Philip sur ses genoux, et Myrtle et Lucy à sa droite.
©Getty Images
Dans le film «Method», réalisé par Duncan Roy (2004), Elizabeth Hurley incarne une actrice qui reprend le rôle de Belle Gunness… et finit par un peu trop entrer dans la peau de la tueuse en série.
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