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Serial killeuse: Tamara Samsonova, mortelle Babouchka

Femina 30 Serial Killeuse Babouchka 00
© Naila Maiorana

Carte d’identité

Nom: Tamara Samsonova.
Née en: 1947, à Oujour, Russie.
Occupation: Employée d’hôtel à la retraite.
Nombre de meurtres: Probablement 11.
Période d’activité: 1995-2015.
Mode opératoire: Empoisonnement, puis dépeçage.
Sentence: Internée à vie.


©East2West News

Tamara aime Valya. Elle l’a inscrit noir sur blanc dans l’un des carnets qui composent son journal intime: «Je suis amoureuse de Valya.» C’est limpide. Passionné. Presque juvénile. C’est unilatéral, aussi. Depuis que Valya, 79 ans, partage son logement – l’un de ces appartements communautaires qui pullulent encore à Saint-Pétersbourg – Tamara ressent des choses qui vont au-delà de la cordialité pour sa colocataire. Du haut de ses 68 printemps, en 2015, elle nourrit en fait des sentiments fusionnels pour cette partenaire de vie, peut-être sa dernière. Mais Valya – Valentina pour l’état civil – est peu réceptive à ces étouffantes effusions. Au point d’interdire l’accès à son espace personnel. Manque de chance, se laisser repousser, ce n’est pas trop le style de Tamara.

Un soir du mois de juillet, alors qu’elle prépare une salade Olivier, aux pommes de terre, petits pois et carottes coupés en cubes très fins, Tamara y ajoute un ingrédient particulier: du Phenazepam. Ce puissant somnifère conçu durant l’ère soviétique, interdit en France et très contrôlé en Suisse, demeure un classique de l’armoire à pharmacie des foyers russes. Elle se saisit d’un cachet, le pile, puis verse la poudre dans l’assiette de Valya. Un deuxième suit, puis un troisième. Au cinquantième, Tamara décide que la salade est prête. Les deux babouchkas se mettent à table et dînent.

Une scie à la main

Tamara a l’habitude de se réveiller à 5 heures tous les matins, elle part donc se coucher peu après le repas. Au milieu de la nuit, quelque chose la réveille: l’absence de bruit. Où est Valya, cette couche-tard? Sortir du lit, chercher Valya… Valya? Cette dernière n’a même pas pu atteindre sa chambre. Elle s’est écroulée depuis longtemps dans la cuisine, dans une sorte de coma. Les haussements bruyants de sa poitrine prouvent que la vieille dame respire toujours. Qu’elle vit encore. Tamara se dit que c’est le bon moment pour commencer à la découper en morceaux.

Valya ne le saura jamais: sa colocataire un peu collante, qui cache un visage devenu ingrat avec l’âge sous un châle de vieillarde, est une tueuse en série. Transformer efficacement un bipède de 1 m 70 en reliques indécelables dans la nature, elle sait faire. A 2 heures du matin, Tamara s’agenouille donc sur le sol de la cuisine, une scie à la main. Valya, avec sa forte corpulence, n’est pas un cadeau, songe la bouchère, qui fignole ensuite le boulot dans la baignoire, avant d’empaqueter sa dame. Quelques colis à livrer, il est temps d’aller prendre l’air

Et puis, tout redevient normal. Dans Dimitrova, quartier de la banlieue sud de Saint-Pétersbourg, cette fin du mois de juillet est paisible. Le soleil se lève et se couche plusieurs fois, quand soudain, le 25, des escouades de policiers s’agitent dans les parages. Avec eux, des chiens qui reniflent nerveusement le bitume, reconstituant une piste qui remonte d’un point A à un point B.

Le point A, c’est une décharge sauvage, où des restes humains viennent d’être découverts: un bout de torse auquel est encore attaché un bras, enveloppé dans un rideau de douche, et un sac plastique contenant des hanches, prolongées par des moignons de cuisses. L’odorat des canidés ne tarde pas à détecter le point B. C’est un immeuble tout proche. Les pandores sont dans un moment de veine: plusieurs caméras de surveillance tapissent le corridor et les escaliers. Des heures et des heures passées à visionner, jusqu’à ces images. Stupéfiantes. On y voit une femme âgée descendre et remonter les marches. Sept fois. En pleine nuit. Traînant ou portant des sacs. Un véritable ballet. Lors d’un des voyages, l’étrange noctambule, vêtue d’un anorak bleu, transporte une marmite. On le saura plus tard, celle-ci contenait la tête et les mains de Valya, mais ces parties ne seront jamais retrouvées. Forts de leur découverte, les policiers n’ont plus qu’à toquer à la bonne porte…

Tamara Samsonova, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, avoue aussitôt. Ce meurtre, mais également deux autres, qu’elle aurait commis au cours de la dernière décade. Les enquêteurs la croient sur parole: dans l’appartement, outre des traces de sang lavées à la hâte, ils découvrent des carnets rédigés dans un sabir mêlant russe, allemand et anglais. La retraitée y détaille ses assassinats – une dizaine – dont certains remontent à la fin des années 1990. Des dégustations anthropophages émaillent ces sordides comptes rendus. L’auteure appréciait manifestement les organes internes, surtout les poumons. La bibliothèque, elle, recèle une collection d’ouvrages de sorcellerie et de magie noire. Dans l’un d’eux, des pages déchirées. Les fragments manquants «parlent» à la police pétersbourgeoise: ils avaient été retrouvés, en 2003, sur les morceaux d’un cadavre masculin découverts dans le même quartier.

Très vite les soupçons s’accumulent. Tamara Samsonova serait la clé d’autres affaires non résolues recensées dans le district depuis le début des années 2000. Ainsi, son mari Leonid, évaporé en 2005 pour suivre une autre femme – comme elle le racontait à l’époque – pourrait bien être enterré dans le coin. Et sa belle-mère, décédée dans des conditions étranges, est aussi rajoutée à son possible tableau de chasse.

Un bisou aux journalistes

Symbole de la sagesse pour les Russes, la babouchka, avec Tamara, s’est transformée en un monstre maléfique. Autorités, médias et habitants frissonnent devant celles qu’ils surnomment Mamie l’éventreuse. Celle-ci raconte qu’elle a été actrice. Ou plutôt non, danseuse. Avant de changer de version. En fait, c’est une employée d’un palace de Saint-Pétersbourg à la retraite. Lors de sa comparution devant le juge, en août 2015, la vieille dame reconnaît, penaude, sa culpabilité, avant de souffler un baiser aux personnes présentes à l’audience…

Mais la présumée coupable finit par se rétracter. Certes, elle a supprimé Valya, mais les morts de son journal ne sont que les fruits pourris de son imagination. Plus tôt, cette année, un comité d’experts l’a diagnostiquée schizophrène paranoïde, scellant son destin: malgré son potentiel de nuisance, Tamara ne peut pas être reconnue responsable de ses actes. Par grande prudence, on l’avait quand même internée définitivement à l’hôpital psychiatrique spécial de Kazan, dès février 2016.

Pas de sentence, mais pas de révélations non plus. Des corps sont peut-être ensevelis à jamais sous des constructions récentes du quartier de Dimitrova. «Samsonova est soit beaucoup plus stupide, soit beaucoup plus intelligente qu’elle n’y paraît», déclarait une source proche de l’enquête. Elle-même, le sait-elle?

Serfs surexploités au XVIIIe siècle, attentats contre le tsar, révolution d’Octobre, meurtre de Raspoutine, siège dramatique pendant la Seconde Guerre mondiale: la belle Saint-Pétersbourg a une histoire tourmentée.


©iStockphoto

Une photo de Tamara Samsonova prise durant sa jeunesse. La future tueuse travaillait alors dans un prestigieux hôtel de la ville.


©NTV East2West

Tamara Samsonova était obnubilée par le plus célèbre tueur en série russe: Andrei Chikatilo, alias le boucher de Rostov. Ce professeur de littérature a commis 55 assassinats entre 1978 et 1990, pour la plupart des femmes et des enfants, dont il découpait et goûtait la chair. Arrêté une première fois en 1984, relâché, il a enfin été stoppé après une vaste opération de police, puis exécuté en 1994.


©Sygma via Getty Images

Une page de l’un des carnets retrouvés par la police. Ils mélangent des paragraphes en allemand, en anglais et en russe.


©East2West

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