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Ma tante Betty a toujours été jolie. À dix-huit ans, elle gagnait le concours de Miss Carnaval dans la petite ville où elle a grandi. Comme débarquée directement de la jungle au bal, elle portait crânement une robe cousue dans une feuille de banane et un serpent en plastique qui enroulait son cou et se lovait autour de sa taille. Je ne l’ai pas vue en vrai, bien sûr, je n’étais pas née, mais on la perçoit sur la photo qui immortalise la montée sur la première marche du podium.

Ma tante Betty se prête au jeu de la reine de beauté mais, pas folle, comprend bien qu’un tel sacre est piégeux. Et ça n’a pas manqué: un Vaudois un peu sec débarque dans la contrée pour l’enlever et l’emmener à Lausanne. Elle passe alors, à peine adulte, du foyer de papa-maman à celui de la routine conjugale. Là, la vie de ma tante Betty s’étiole. Le mari est sévère (nous utiliserons cet euphémisme cachant les bleus à l’âme et la réalité, afin d’éviter des crises familiales), l’intelligence vive de Betty absorbée par les tâches ménagères et domestiques. Pour arrondir les fins de mois, elle vend des machines à coudre Bernina au Comptoir Suisse.

Bref, après de longues années de mariage, le mari meurt, Betty se retrouve seule dans un appartement. Elle s’occupe de ses petits enfants, joue aux cartes avec ses copines. Elle dit souvent, avec ce petit sourire en coin de celle qui a morflé et survécu «je n’ai pas besoin d’homme, j’ai déjà donné».

Puis sa santé se dégrade, Papillon léger, elle chute et se cogne la tête contre le frigo. Direction l’EMS. Et voilà que ressuscite le charme de Miss Carnaval. Un résident tombe fou amoureux d’elle. Il s’installe à ses côtés pour manger, la regarde avec des yeux mouillés, il lui tient la main sur le banc dehors, quand ils contemplent les feuilles de l’automne, lui écrit des lettres d’amour d’une main tremblante. Le soir, il échappe à la surveillance des infirmières pour lui chanter de vieilles mélodies sous sa fenêtre, s’enfuit de sa chambre et essaie d’entrer dans la sienne. Et qu’en pense Betty, elle qui n’a jamais connu d’élan si romantique?

Nous aimerions bien sûr qu’ici débute une jolie romance entre personnes très âgées. Cela nous donnerait du cœur à l’ouvrage et foi en l’avenir. Au début charmée par cet homme qui lui fait la cour à l’ancienne, Betty finit par s’en lasser. «Qu’est-ce qu’il est collant! Il ne peut pas me laisser en paix?» me confia-t-elle, en soupirant quelques mois avant son décès. Nous retiendrons ceci du récit de tante Betty: ce qui manque parfois pour vivre une histoire d’amour, c’est le temps de s’aimer soi-même.

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