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Les jeunes qui ne boivent pas d'alcool ne veulent plus être montré-e-s du doigt

De plus en plus de jeunes font le choix de ne pas boire d'alcool

Pour la plupart des jeunes interrogé-e-s lors de l'étude menée par Unisanté, ne pas consommer d'alcool est synonyme d'exclusion sociale. Certains préfèrent ne pas sortir plutôt que de devoir expliciter leur choix.

© STOCKSY/VIKTOR SOLOMIN

Selon les derniers chiffres de l’OFSP, la consommation d’alcool a fortement augmenté ces dernières années dans la catégorie des 15 à 24 ans, et un-e ado sur quatre entre 15 et 19 ans boit au moins une fois par mois de manière excessive. En parallèle et un peu dans l’angle mort, il y a aussi toute une frange de jeunes qui choisissent de ne pas ou de ne plus toucher aux boissons alcoolisées. Le Groupe de recherche sur la santé des adolescent-e-s d’Unisanté, à Lausanne, s’est intéressé à ces jeunes abstinent-e-s un peu minoré-e-s et largement stigmatisé-e-s. Ils seraient pourtant entre 9% et 17%, selon les échantillons étudiés dans une première partie quantitative, à faire ce choix, comme le révèle l’étude menée par Unisanté. La Dre Yara Barrense-Dias, qui a codirigé ce travail, nous explique pourquoi.

FEMINA Pourquoi avoir choisi de vous intéresser à cette population d’abstinent-e-s parmi les jeunes?
Yara Barrense-Dias L’impulsion vient de la Fédération vaudoise contre l’alcoolisme (FVA) qui mène des interventions dans les écoles pour faire de la prévention contre la consommation excessive d’alcool chez les jeunes. Les intervenants de la FVA ont remarqué qu’à chaque fois il y avait dans les classes un petit pourcentage non négligeable de jeunes qui ne consommaient pas du tout d’alcool, et ils se sont alors demandé si leur message de prévention faisait sens pour ces jeunes et ce qu’on devrait leur dire. On a voulu creuser ça pour leur donner des bases pour en parler avec eux lors de leurs interventions et les inclure dans la thématique.

Est-ce qu’on peut vraiment parler d’abstinence?
Les jeunes interrogé-e-s ne s’identifient pas à ce terme car il a beaucoup de connotations négatives, sexuelles ou religieuses. On a donc préféré parler de «non-consommation d’alcool» lors de nos échanges avec les 63 jeunes qui ont participé à la deuxième partie de l’étude dans des groupes de discussion. Les douze groupes étaient composés de jeunes entre 14 et 20 ans réunis par âge et par statut de consommation et nous avons également voulu y inclure des jeunes qui buvaient pour qu’on puisse avoir leur point de vue sur ces jeunes qui ne boivent pas.

Pourquoi?
L’aspect social de l’alcool joue un rôle important, d’autant plus chez les jeunes. Pour un grand nombre d’entre eux, ne pas boire pose des problèmes d’inclusion dans les soirées et la vie sociale.

Certain-e-s disaient ne plus aller du tout aux soirées où il y a de l’alcool car ils ne sont pas à l’aise ou ne savent pas quoi répondre à ceux qui demandent pourquoi ils ne boivent pas. Ce choix étonne beaucoup.

Ce choix est-il difficile à assumer?
Oui, et ce sont surtout les plus jeunes qui ont des difficultés à s’assumer comme non-buveur ou non-buveuse. Ce qui est intéressant, c’est qu’à 14 ou 15 ans, légalement, ils ne sont pas censés boire, donc on ne peut pas vraiment parler de choix. Mais la pression du groupe à devoir tester, se lâcher, revient régulièrement et pèse particulièrement. À partir de 16 ans en revanche, la pression est différente. Face à des parents qui les invitent à trinquer «parce qu’ils en ont l’âge», c’est parfois difficile d’assumer et d’expliquer son choix. On constate quand même qu’avec l’âge ça devient de plus en plus facile de dire qu’on ne boit pas. À l’âge de 18 ans, on a vu qu’il se passait quelque chose, on s’assume davantage… et il y a l’excuse du permis de conduire qui peut être avancée et couper court à toute discussion.

Pour quelles raisons renoncent-ils-elles à alcool?
Certain-e-s ne boivent pas car ils ou elles n’ont pas l’âge et ne veulent pas être «hors la loi». D’autres ont eu de mauvaises expériences au sein de leur famille avec une personne qui a des problèmes d’alcool ou des amis qui ont eu des comas éthyliques, ce qui les encourage à ne pas «tomber dedans». Parmi les raisons qui arrêtent directement la discussion au moment d’expliquer le choix de ne pas boire, l’aspect religieux et le permis de conduire reviennent très souvent et sont respectés. Pour toutes les autres raisons, les encouragements à boire continuaient.

Et les préoccupations pour leur santé?
Les sportif-tive-s avançaient cet argument oui, et certain-e-s jeunes arrivaient à voir la santé sur le long terme, mais pour la majorité des ados, c’est compliqué de se projeter.

Chez les filles principalement, la notion de perte de contrôle, la peur de se faire mettre quelque chose dans son verre et de se faire violer est revenue très souvent lors des discussions.

Celles et ceux qui ont essayé n’en boivent plus aussi parce qu’ils n’aiment pas le goût et l’effet que l’alcool a sur eux.

Au terme de votre étude, pouvez-vous déterminer ce que les jeunes ont besoin d’entendre en matière de prévention?
Elles etils ont besoin qu’on les inclue et qu’on les considère dans la prévention, qu’on rende sensible les adultes et les autres jeunes au fait qu’ils existent, qu’ils ont fait un choix à respecter.

Ce n’est pas parce qu’ils ne boivent pas qu’ils ne peuvent pas s’amuser, et ils aimeraient que leurs pairs, comme les adultes, intègrent la donne au moment de leur proposer un verre.

C’est une validation nécessaire pour éviter les questions et les remarques qui pèsent. Elles et ils souhaitent normaliser cette non-consommation alors qu’ils ont plutôt l’impression qu’on normalise la consommation d’alcool. Elles et ils n’acceptent pas d’être catalogué-e-s d’abstinent-e-s alors que, selon elles et eux, ce sont les jeunes qui boivent qui devraient être étiqueté-e-s car ce n’est pas la norme de boire de l’alcool à 14 ou 15 ans. Ces jeunes ne veulent plus être montré-e-s du doigt.

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