maternité
L'édito de Géraldine Savary: «Rivalité entre mères et filles, vraiment?»
Aldo Naouri, dont nous vous proposons l’interview à lire dans le numéro de Femina du 29 octobre 2023, a écrit un livre qui a fait date, en 1998, Les filles et leurs mères, dont il a vendu 500’000 exemplaires. Il réédite ces jours l’ouvrage en édition collector (Éd. Odile Jacob, en librairie le 15 novembre). D’après le pédopsychiatre qui, au vu de son expérience, a dû voir passer de nombreuses patientes dans son cabinet, l’héritage que se transmettent les femmes dans une famille est empoisonné par l’incapacité d’une mère à accepter sa fille comme une personne à part entière, par des injonctions maternelles systématiques ou par un amour si débordant qu’il étouffe.
Certes, ses conclusions sonnent juste. On peut toutes se reconnaître dans les mécanismes décrits par le psychiatre. Les schémas récurrents ont ceci en commun avec les pommes et les horoscopes qu’ils finissent toujours par tomber pas très loin de l’arbre. Mais je me demande néanmoins si l’excellent Aldo Naouri n’est pas influencé par certains a priori. Par exemple, que la rivalité resterait le moteur le plus puissant des relations entre les femmes, y compris entre une mère et sa fille. Comme si nous étions toutes destinées à être un jour ou l’autre la pauvre Blanche-Neige puis la méchante reine. Les mères souffriraient de voir leurs filles devenir des femmes fortes et triomphantes, alors que de leur côté, elles parcourraient le chemin inverse, celui qui mène à l’effacement et à la vieillesse. Ainsi, une mère résisterait aux volontés d’indépendance des filles, histoire non seulement de les garder sous contrôle, mais aussi d’éviter qu’elles ne prennent sa place.
«Tu as des filles? Ça doit être dur!»
Tout ça fait écho aux questions qu’on m’a souvent posées. Du style: «Tu as des filles? Ça doit être dur!» ou «Tu n’es pas jalouse d’elles?» Je pense ne pas être à la seule à pouvoir répondre que chaque minute de ma vie, au contraire, je regarde mes filles grandir avec fierté, je me réjouis qu’elles n’aient pas pris mes défauts (myopie, procrastination, dépendances en tous genres), qu’elles soient inopinément grandes de taille, presque blondes, qu’elles pratiquent les langues étrangères ou se meuvent avec aisance dans les branches scientifiques. Qu’elles aiment la vie, leur vie. Leurs talents, que la génétique ne pouvait anticiper, m’étonnent et me comblent. Les voir grandir me donne envie de vieillir.
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