Société
L'édito de Géraldine Savary: «Courage, génération sandwich!»
Quel que soit notre âge, on reste toujours les enfants de nos parents. On les aime pour l’éternité, en même temps qu’ils nous énervent. On en a besoin et on rêve qu’ils nous lâchent la grappe. On s’engueule comme si les années n’avaient rien apaisé, comme si nous n’avions pas grandi, les petits drames de l’enfance restent vifs. Ce sont eux que nous appelons quand on a le moral en berne, ou que le sentiment de solitude nous tombe dessus, vers eux que l’on court se réfugier quand vraiment tout foire dans nos vies.
Et puis un jour arrive où nos parents vieillissent. Ils semblent moins forts, ils alignent les gros ou les bénins pépins de santé, ils paraissent plus pâles, plus vulnérables. De rocs, ils deviennent argiles, matière jolie mais plus friable. On se met à les protéger, à les entourer d’une sollicitude que nous ne leur avions jamais témoignée. On téléphone plus souvent, on se fait du souci. Comment vont-ils? Est-ce qu’ils ont pris leurs médicaments? fait leurs pas quotidiens mais regardé où ils posaient les pieds? mangé correctement, mis la pédale douce sur l’alcool et le sucre, mâché des fibres? On pense à leurs artères, à leur intestin, à leurs os, à leur mémoire.
Un renversement des rôles
Dans l’agenda chargé de nos jours et de nos nuits, où il s’agit d’être une employée parfaite, une amoureuse joyeuse, une amante imaginative et une amie fidèle, l’amour que l’on porte à ses parents flotte telle une ombre coupable. Suis-je assez présente pour eux, en fais-je assez? Est-ce que je leur donne autant qu’ils m’ont donné?
Et puis, il y a celles et ceux qui ne se sont pas précipité-e-s dès les premiers éveils hormonaux pour enfanter et qui cumulent parents vieillissants et enfants turbulents. Qui rangent les chambres de leurs ados toute la semaine et donnent un coup de poussière dans celles de leurs géniteur et génitrice le dimanche, qui emmènent les petit-e-s chez le pédiatre et accompagnent père ou mère chez la cardiologue, qui organisent les 20 ans de l’aînée et les visites de l’infirmière à domicile.
Vous qui passez des plus jeunes aux plus âgé-e-s, sans une pause pour vous consacrer à vous-mêmes, avez un nom, un rôle, désormais une identité sociale: vous faites partie de la génération sandwich. Je sais, ça vous fait une belle jambe et pas grand-chose dans le frigo. Je ne vois qu’une solution: par moments, confiez vos parents à vos enfants, ou vice et versa. Ils vous aimeront toujours autant.