Société
L'édito de Géraldine Savary: «2024, l’année chambre à coucher»
Le pénis est-il en voie d’extinction? C’est la thèse, volontairement provocatrice, de l’écrivaine et essayiste Marcela Iacub, dont nous vous parlons cette semaine dans le magazine Femina (numéro du 31 décembre) pour clore l’année 2023 et s’élancer vers la prochaine. Selon elle, le mouvement #MeToo aurait culpabilisé la sexualité, éteint les flammes du désir, et les hommes et les femmes ne sauraient plus comment communiquer avec leurs corps.
Déjà que l’année 2023 qui se clôt laisse un goût amer avec des territoires qui s’embrasent, un pouvoir d’achat en berne, des âmes et des icebergs qui errent, voilà encore que s’allument partout des conflits autour du genre. Comme un acmé, les tribunes et tribunaux qui se haranguent autour de l’acteur Gérard Depardieu. Des femmes ont porté plainte contre lui, des images honteuses le confondent, des actrices (Anouk Grinberg ou Sophie Marceau) racontent ses comportements douteux alors que d’autres (Nathalie Baye, Fanny Ardant) le défendent. Les statues et les certitudes vacillent, ébranlées par la parole des femmes. À l’évidence, leur voix porte, leur voix interroge, voire s’oppose, leur voix change parfois les lois. Cela a atteint les sphères du travail, de l’espace public, de l’art, et les chambres à coucher ne sont pas épargnées.
Sans bûcher aux sorcières
Qui pourrait s’en désoler? À ceux qui considèrent que le féminisme va trop loin, rappelons que, de nos jours, il n’a, à ma connaissance, jamais ni agressé ni tué personne, ni renversé les régimes démocratiques. On pourrait même ajouter que la société gagne à laisser s’épanouir en son sein des personnes autonomes, goûtant avec gourmandise leur liberté, et laissant éclore leur créativité, leur audace et leur appétit, y compris en matière de séduction et de sexualité.
Que souhaiter de mieux pour 2024 que de pouvoir non seulement arrêter les guerres et augmenter les salaires, mais aussi débattre de notre sexualité, du couple, de l’égalité entre les genres, sans anathème, sans marqueur idéologique, sans tribunal populaire, sans bûcher aux sorcières? De se demander: et toi, qu’aimes-tu? Et toi, me désires-tu? Et toi, que veux-tu? Apprendre à donner avant de prendre, à jouer avant de posséder, à sourire surtout, plutôt que d’excommunier. Femina lance le débat. Bonne année!
Retrouvez cet édito et l'entretien de l'écrivaine Marcela Iacub dans le magazine Femina du 31 décembre 2023.
