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ÉDITO

Géraldine Savary: «11 minutes de viol, ce n'est pas la durée qui compte»

L'édito de Géraldine Savary

«Pour les juges donc, 11 minutes de pénétration et de fellation forcée dans une entrée d’immeuble en pleine nuit, pendant lesquelles la victime lutte et se débat, c’est court. À titre de comparaison, c’est plus long qu’un trajet entre Lausanne et Morges (10 minutes).» - Géraldine Savary

© ELSA GUILLET

Le 22 novembre 2023, le Tribunal fédéral a communiqué une décision d’une grande gravité. Il a confirmé que la durée d’un viol peut être prise en compte pour apprécier la peine d’un agresseur. Cette conclusion a suscité d’abord une levée de boucliers en France et, par effet de boomerang, elle nous revient en pleine figure.

Rappelons les faits d’abord. La Cour se prononçait sur des événements survenus en 2020, à Bâle. Une jeune femme rencontre deux hommes dans un bar. L’un a 33 ans, l’autre 17. Ils boivent, beaucoup, ils la raccompagnent. Dans l’entrée de son immeuble, les deux hommes se livrent à des pratiques d’une grande brutalité que nous ne pouvons décrire dans leur détail sans choquer. La jeune femme se débat, mais en raison de la quantité d’alcool consommé, ses capacités sont altérées. L’homme de 33 ans est condamné à 4 ans et 3 mois de prison pour trois infractions (coauteur du viol, contrainte sexuelle, tentative de viol). En 2021, le Tribunal d’appel du canton de Bâle-Ville réduit la peine, arguant entre autres que le viol «est relativement court», 11 minutes selon le président, 6-7 minutes selon le jugement. Le Tribunal fédéral, sollicité pour se prononcer à son tour, confirme cette dernière appréciation.

Au moment où la Suisse renforce la législation sur le consentement, les instances juridiques suisses introduisent donc de manière choquante la notion de «viol court». Comme s’il n’était pas déjà difficile pour une victime de fournir la preuve de son agression, de se laver de la honte injustement dans son camp, de guérir de ses blessures. Non, désormais, elle doit encore s’attendre, au moment où elle franchit les portes d’un poste de police, à ce que la gravité de l’acte se juge sur des questions de minuterie. Qui, franchement, va encore oser porter plainte?

Décompter les minutes, vraiment?

Pour les juges donc, 11 minutes de pénétration et de fellation forcée dans une entrée d’immeuble en pleine nuit, pendant lesquelles la victime lutte et se débat, c’est court. À titre de comparaison, c’est plus long qu’un trajet entre Lausanne et Morges (10 minutes). C’est le double de la durée médiane d’une relation sexuelle hétéro, techniquement mesurée à 5,4 minutes.

Décompter les minutes d’un viol pour juger de sa gravité est inacceptable. Le traumatisme ne dépend pas de la durée mais de la violence des actes. Une femme violée est souillée, salie. Son intégrité physique outragée. N’est-ce pourtant pas le rôle premier de la justice et de la société tout entière de la protéger?

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