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Vie de famille

Le rôle de belle-mère, ou l'amour en terrain miné

Le rôle de belle-mère, ou l'amour en terrain miné

L’actrice Virginie Efira incarne Rachel, quadra sans enfants qui rencontre Ali, père de la petite Leila, dans Les enfants des autres.

© GEORGE LECHAPTOIS

En personnifiant Rachel dans Les enfants des autres, de Rebecca Zlotowski, Virginie Efira savait de quoi elle parlait. À l’instar de l’héroïne qu’elle incarne – et de milliers de femmes en Suisse aujourd’hui –, elle a en effet aussi vécu une relation amoureuse avec un homme divorcé et déjà père de famille.

À l’époque, l’actrice avait 22 ans et, comme elle le confiait à Version Femina, elle en a bavé: «Les questions que se pose mon personnage dans le film ont aussi été les miennes: la place de la «marâtre», souvent reléguée au second plan ou caricaturée en méchante sorcière, l’âge, le désir de maternité (…) On ne sait plus si l’on compte, si notre avis est valable, si l’on doit s’effacer, participer à l’éducation…»

Bref, endosser ce rôle de «vient-après» n’est pas facile à gérer tant les problématiques sont nombreuses: rejet ou acceptation, statut donné ou pas par le père, interventions indélicates ou carrément malveillantes de la maman, problèmes financiers liés à la pension alimentaire, désir de créer sa propre famille, divergences de valeurs éducationnelles, chantage affectif des enfants, etc. En d’autres termes, être belle-mère, c’est aimer en terrain miné. Mais pas forcément (trop) explosif, comme l’explique Marie-Luce Iovane, fondatrice du Club des marâtres et «multirécidiviste de la belle-méritude».

Comment se faire accepter?

Pour Marie-Luce Iovane, la règle N°1 ne dépend pas de la belle-mère elle-même… mais du père et de la place qu’il va donner à sa nouvelle conjointe dans la famille: «Il faut qu’il se positionne clairement. En gros, son rôle est de faire comprendre à sa progéniture que «la Dame» est la femme qu’il aime, avec qui il vit et pose les règles, et que si elle n’est en effet pas la maman et qu’il n’y a aucune obligation d’amour, elle n’en est pas moins une adulte responsable qui a droit au respect et a pleinement voix au chapitre dans le fonctionnement de la maison.»

Dit comme ça, ça paraît simple. Dans la réalité, les choses sont souvent plus compliquées: «Le hic, c’est que lorsque nous tombons amoureuses, on a des papillons partout… avec la fâcheuse tendance à oublier de régler ce point-là dès le début. Or, il est crucial», insiste l’auteure de Belle-mère ou marâtre (Éd. L’Archipel). Évidemment, ce n’est pas tout. Parmi les «à éviter à tout prix»: les remarques ou critiques sur l’ex devant ses beaux-enfants – même si l’on n’en pense pas moins; rester neutre permet de ne pas exacerber le quasi inévitable conflit de loyauté qu’ils et elles ressentent. De même, on se gardera de laisser le père se contenter d’être le «gentil papou» qui passe tout et ne sévit jamais en laissant le sale boulot de discipline à sa conjointe: «S’il les oublie, il faut lui rappeler gentiment mais fermement ses devoirs de père!»

De plus, note Marie-Luce Iovane, «il est aussi important de se rappeler que nous n’avons aucune obligation. De ce fait, on est en droit de prendre ses distances, d’être absente, de refuser d’entrer dans un jeu de pouvoir.» Comment? En étant au clair avec soi-même:

«Contrairement à la mère, qui sait que l’attachement entre elle et son enfant est inconditionnel, la nouvelle compagne est toujours dans la «preuve», dans la démonstration pour se faire accepter, voire aimer.»

«Quitte à se renier. C’est épuisant et insatisfaisant. Mieux vaut donc rester naturelle: on a envie? On fait. On n’a pas envie, on ne fait pas! À mon sens, il est inutile, voire contreproductif, de chercher à séduire à tout prix la progéniture de notre amoureux si on s’oublie au milieu.» À noter que l’humour est une arme redoutable: une blague, un bon mot ou même une grimace permettent de désamorcer des tensions ou conflits, d’alléger l’atmosphère et même de créer de la complicité.

Le désir d’un enfant «à soi»

À force de s’occuper des enfants de l’homme qu’on aime, peut arriver l’heure où l’on a envie de fonder sa propre famille avec lui. Surtout si l’horloge biologique commence à sonner. Marie-Luce Iovane précise: «Là, c’est une décision de couple et je pense que les (beaux-)enfants n’ont pas à s’en mêler.»

«En revanche, une fois que les choses sont éclaircies à deux, il faut les préparer et… se préparer émotionnellement, aussi.»

Car il est facile de tomber dans l’hyperprotection de «son» petit, au risque d’avoir des comportements excluants pour les aînés. Et il faut être conscients qu’une naissance va immanquablement poser des problèmes de jalousie: «C’est normal – même dans une fratrie directe.» Cela dit, nuance-t-elle, «tout en leur disant qu’ils n’ont aucune obligation d’aimer ce nouveau membre de la famille et en leur faisant bien comprendre qu’ils ne seront pas délaissés mais qu’un nourrisson a besoin de plus d’attention «pratique» qu’eux, on peut essayer de les impliquer, par exemple en leur permettant de choisir le deuxième prénom du bébé.»

La séparation

    Dans un monde idéal, une belle-mère et des beaux-enfants qui se sont réellement attachés les un-e-s aux autres devraient pouvoir continuer à se voir sans restriction après une séparation. Dans la réalité, ce n’est pas souvent le cas – même si, dans certaines circonstances très précises, le Code civil suisse leur en donnerait le droit. En clair, à moins d’un désir exprimé par l’enfant, entendu et accepté par les parents biologiques, «la belle-mère n’a plus qu’un grand vide et ses yeux pour pleurer», conclut Marie-Luce Iovane.

    Témoignage de Norah, 66 ans, retraitée, Boudry (NE)

    La naissance d’une amitié

    «Quand je suis tombée amoureuse de Paul, j’avais 20 ans, lui 39. Divorcé depuis plusieurs années, il avait deux enfants de 11 et 8 ans. Avec l’aîné, il n’y a jamais eu de problème particulier: quelques rencontres où il m’a testée, et c’était bon. Par contre, sa cadette était odieuse avec moi. J’avais beau comprendre qu’elle avait superpeur que je lui «vole» son papa, son comportement de petite peste me faisait mal et me rendait dingue. Il m’est d’ailleurs souvent arrivé d’avoir envie de la claquer. Mon compagnon – qui est ensuite devenu mon mari – me rassurait et me promettait qu’elle allait se calmer. Il m’a donné deux conseils que j’ai suivis: arrêter de chercher absolument le contact et ne plus réagir à ses provocations… même si je bouillonnais intérieurement. Ça a fonctionné, puisqu’elle s’est effectivement adoucie.

    Petit à petit, la situation s’est donc normalisée et je me sentais toute triste le dimanche soir quand ces deux chenapans rentraient chez leur maman! Mais je savais qu’avec la Minette, rien n’était acquis et que nos liens restaient fragiles.

    Si bien que lorsque je suis tombée enceinte, j’ai eu très peur de sa réaction – ça me prenait la tête, ça me bouffait l’estomac.

    Quelque part, ça m’occupait plus l’esprit que ma grossesse. Un comble! Au bout de trois mois, son père, qui est un peu cra-boum, s’est donc chargé de lui parler… sans aucun ménagement. Or, contre toute attente, elle m’a sauté au cou: elle était aussi heureuse que moi stupéfaite et soulagée! Quand son frère est né, elle l’a instantanément adoré et j’avoue que j’étais presque jalouse de cet amour immédiat et inconditionnel auquel je n’avais pas eu droit. En même temps, cette naissance a complètement chamboulé notre relation: depuis, nous sommes devenues complices et profondément amies.»

    Témoignage de Louise, 57 ans, sans activité professionnelle, Sion

    «Je suis la méchante? J’assume!»

    «Mon homme et moi, on a 25 ans d’écart. C’est dire qu’il avait déjà roulé sa bosse quand on s’est mis ensemble, il y a trente ans. Je le savais et ça ne m’a jamais posé de problème… jusqu’à ce jour de 2015 où un grand gaillard dans la quarantaine a débarqué à la maison et dit à mon mari: «Salut, je suis ton fils et tu as trois petits-­enfants!» La mâchoire nous en est tombée! Évidemment, on a voulu en savoir plus. Tout ce qu’il nous a expliqué quant aux circonstances de sa naissance tenait la route. Le coup était rude émotionnellement parlant, mais bon… On a donc commencé à le voir souvent. Trop, à mon goût. D’autant plus que Jean, qui culpabilisait à mort, ne parlait plus que de «ce fils miracle» et de ses petits-­enfants. Il aurait donné sa chemise pour eux. Ce qu’ils avaient visiblement bien compris puisqu’ils en ont largement profité.

    Pendant des mois, pour épargner mon mari, j’ai fait le poing dans la poche et me suis retenue de commenter ce que je pouvais observer.

    Mais cette situation a fini par me devenir insupportable: si j’apprécie ses petits, je ne l’aime pas, lui. Non seulement parce qu’il représente tout ce que j’abhorre mais, en plus, il se conduit avec son père comme un gamin capricieux qui aurait tous les droits. Sans compter que j’avais l’impression qu’il me volait mon homme et mon histoire. Bref, j’ai fini par poser mes limites, en accord avec Jean, d’ailleurs: plus de visites surprises à tout bout de champ, plus de chantage affectif… Il n’a toujours pas compris et me considère comme une méchante marâtre qui le prive de son papa. Tant pis, j’assume!»

    Témoignage de Marine, 35 ans, céramiste dans le Jura

    «Il a compris instinctivement que je ne chercherai pas à remplacer sa mère»

    «La première fois que j’ai rencontré David, il avait 6 ans. Son père m’avait abondamment parlé de lui. Je connaissais donc toutes ses qualités, bien sûr, mais j’avais aussi été prévenue qu’il était hypersensible, timide, possessif avec son papa, facilement capricieux et boudeur… Bref, j’avais eu droit au tableau complet. Mais comme je suis d’une nature assez «Boaf, on verra bien!» je ne m’étais ni posé de questions ni spécialement préparée: le petit m’accepte telle que je suis? Génial, on va bien s’amuser. Il me rejette? Tant pis, on se débrouillera, j’irai faire des virées avec mes copines quand il est là. Très honnêtement, pour moi, il était un «plus» possible dans ma vie, mais en aucun cas un indispensable. Il se trouve qu’entre lui et moi, ça a collé tout de suite, comme une évidence: en quelques minutes, c’était quine, double quine, carton!

    En réalité, j’ai même été assez surprise et épatée de la facilité avec laquelle on s’est apprivoisés l’un l’autre.

    Ce d’autant plus que les enfants ne m’intéressent pas spécialement et que je n’ai strictement aucun désir de maternité. Bien entendu, il y a parfois des tensions entre nous: il a maintenant 10 ans et pense qu’il peut faire le petit maître dans la maison – mais je le remets gentiment à sa place. Ça le fait ronchonner… et moi rigoler! Et puis comme sa maman n’accepte toujours pas la séparation d’avec son père, elle ne cesse de nous critiquer devant lui et de modifier les plannings de garde ou de vacances pour nous compliquer l’existence, ce qui n’est pas toujours simple à gérer. Ni pour nous en termes d’organisation, ni pour lui émotionnellement. Mais on en parle à tête reposée, et les choses se calment vite, très naturellement.

    Au fond, je pense qu’il a compris instinctivement que je ne chercherai jamais à remplacer sa maman (Dieu m’en garde!), mais surtout… que son père et moi nous rendons heureux mutuellement…»


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