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Goût du risque: Les femmes l'ont autant que les hommes

Goût du risque: Les femmes l'ont autant que les hommes

«Il existe des situations où les femmes ont plus d’attitudes risquées que les hommes, notamment dans le contexte professionnel.» - Clara Kulich

© GETTY IMAGES/SORBETTO

Au premier abord, les choses semblent évidentes. Regardez les statistiques de la mortalité routière, où les hommes constituent la grande majorité des victimes. Jetez aussi un œil aux disciplines de sport extrêmes, les plus dangereuses, à très forte dominante masculine.

Penchez-vous en outre sur les chiffres du monde de la finance, où la profession amenée à prendre le plus de paris osés avec des conséquences possiblement catastrophiques à la clef est celle du trading, un cénacle presque exclusivement composé de messieurs. La liste est longue mais nul besoin de continuer à énumérer: les hommes seraient beaucoup plus enclins que les femmes à la prise de risque.

«Des travaux, encore aujourd’hui, arrivent à ce résultat, et il est vrai que dans certaines situations bien précises, on voit une moindre aversion au risque chez les hommes, observe Clara Kulich, chercheuse en psychologie sociale à l’Université de Lausanne. Mais on simplifie souvent les contextes au profit d’une vision du risque caricaturale très typée casse-cou. Ces biais méthodologiques influent sur les conclusions de pas mal d’études sur le sujet.»

Testostérone et compétition

Avec des arguments tirés de la biologie, des scientifiques ont notamment proposé que la plus grande propension masculine au risque soit due à une compétition sociale accrue entre hommes. Les comportements risqués permettraient d’accéder à un statut social plus élevé, garant d’une plus grande valeur auprès des femmes qui favoriseraient les partenaires au statut supérieur… Sauf que cette explication inspirée de la biologie évolutionniste ne convainc plus beaucoup de monde.

«Les éventuelles différences constatées entre hommes et femmes sur le goût du risque ne sont pas d’origine biologique mais découlent plutôt de facteurs culturels liés aux stéréotypes de genre», soulève Marie-Axelle Granié, directrice de recherches en psychologie sociale du développement à l’Université Gustave-Eiffel, en France.

«Les individus qui tendent à prendre plus de risques sont ceux qui se reconnaissent dans ce qui définit la masculinité comme codes de comportement, c’est-à-dire une sorte de rapport assez vertical avec autrui. Or, des hommes comme des femmes peuvent adopter cette manière de faire.»

«À l’inverse, des hommes vont aussi adhérer au modèle féminin, caractérisé par un rapport plus horizontal, plus à l’écoute d’autrui. Mais évidemment, la plupart des hommes sont amenés, par leur éducation, à se conformer au modèle masculin.»

Entretien à double tranchant

Car un homme, un vrai, est censé prendre des risques. «Dès le plus jeune âge, les garçons sont considérés comme étant plus robustes, alors que les filles sont regardées comme des petites choses fragiles, sourit Marie-Axelle Granié. La prise de risque est une attitude presque attendue chez le garçon. En outre, on va davantage lui pardonner des comportements risqués.»

Escalader un arbre, dévaler une pente à toute vitesse à vélo, rouler nerveusement, voilà des attitudes de casse-cou bien identifiées, plutôt apanage masculin, donc. Mais le risque, ce n’est pas que des comportements spectaculaires pouvant basculer à tout moment sur une tragédie.

«Il existe des situations où les femmes ont plus d’attitudes risquées que les hommes, notamment dans le contexte professionnel, assure Clara Kulich. On sait par exemple que demander une augmentation de salaire est plus susceptible d’être mal reçue et d’avoir des conséquences négatives au travail lorsqu’on est une femme.»

«Pour un homme, c’est une attitude qui sera perçue comme positive et légitime. Une étude avec des PDG des minorités dans les très grandes entreprises montre aussi qu’ils et elles ont pris le plus de risques pendant leur carrière, car cela est le seul moyen de se faire remarquer.»

Selon Marie-Axelle Granié, les femmes prennent également plus de risques à cause de certaines injonctions sociales fortes à leur égard, qui les poussent à adopter des comportements pouvant mettre en danger leur santé physique et mentale, «comme des régimes drastiques, par exemple».

On a donc beaucoup exagéré la dichotomie homme-femme dans la propension au risque. Excepté les contextes d'attitudes extrêmes mettant la vie en danger, bastions masculins, les attitudes téméraires se distribuent globalement de façon pas si déséquilibrée selon le sexe.

Des différences peu spectaculaires

Exemple: une enquête de l’Observatoire des femmes et de l’assurance, publiée en 2016, évoque une propension au risque chez 40% des hommes, contre 33% chez les femmes. La différence n’est pas flagrante. On peut même souligner que moins d’un homme sur deux aime agir de manière risquée…

Idem dans le rapport Future Risks 2023 réalisé par AXA: 65% des hommes déclarent prendre des risques au quotidien, pour 52% des femmes. Au regard de ces chiffres peu éloignés, difficile de dire que monsieur est un indécrottable casse-cou et que madame pêche par excès de prudence. Et si une différence subsiste, c’est peut-être aussi, tout simplement, parce que les conséquences des prises de risque sont plus lourdes pour les femmes.

«L’impact d’un échec ou d’un retour de bâton n’est pas forcément le même selon le genre, explique Clara Kulich. Les retombées négatives sont plus importantes pour les femmes, qui en sont conscientes et font donc un calcul du coût et du bénéfice.»

En cause? Elles se sentent plus vulnérables au quotidien, affirment plusieurs études. En 2023, un rapport français de la délégation aux droits des femmes du Sénat montre qu’elles sont non seulement surexposées à certains «risques invisibles et silencieux», mais qu’elles en sont également peu protégées, en particulier au travail et dans la sphère privée. Car avant d’oser prendre des risques, encore faut-il sentir qu’on vous le pardonnera et que vous possédez les ressources nécessaires pour rebondir en cas de crash.

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