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Droits des femmes: La Suisse recule, d'après le WEF

WEF Suisse egalite recule gender gap progres

«En soi la situation n’a rien d’inquiétant et le classement de notre pays reste honorable, mais il est vrai que cette perte de position est un signal dont on doit tenir compte.» - Laurence Boegli, co-cheffe de l’Office de la politique familiale et de l’égalité à l’État de Neuchâtel

© GETTY IMAGES/KLAUS VEDFELT

Une semaine après l’enthousiasme de la grève du 14 juin 2023, sa sororité incroyable et sa vague violette nationale laissant espérer des avancées folles, le combat pour les droits des femmes en Suisse avait la gueule de bois. En cause? La publication du Global Gender Gap Report 2023, le rapport annuel du Forum économique mondial (WEF) mesurant les inégalités entre hommes et femmes dans 146 pays de la planète. On y apprend en effet que la Suisse est rétrogradée de huit places en l’espace d’un an, passant de la 13e à la 21e position dans le classement. Une glissade qui n’est malheureusement pas la première, puisque notre pays avait déjà reculé de la 10e à la 13e place entre 2021 et 2022. Il a donc régressé au-delà de son classement de 2020, lorsqu’il était 18e…

Mais que s’est-il passé en un laps de temps si court, alors que le saut en arrière pointé par les statistiques n’est pas tellement palpable dans la société? Est-ce la Suisse qui a fait moins bien par rapport à ses scores précédents, ou les autres pays ont-ils progressé plus vite qu’elle au point de la reléguer vers l’arrière? La mauvaise nouvelle, c’est que la réalité semble bien être un mélange des deux phénomènes. En décortiquant le rapport du WEF, on s’aperçoit ainsi que nombre de pays d’Europe de l’Ouest ont vu leur score progresser au point de dépasser désormais la Suisse dans la liste: Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Belgique se sont installés dans le top 20, voire dans le top 10 grâce à des avancées très significatives. Comment y sont-ils parvenus? On constate que ces États ont fait pareil ou mieux dans au moins trois des quatre secteurs mesurés par le rapport: participation économique, éducation, santé et émancipation politique.

La Suisse, elle, a vu ses scores stagner depuis 2021 dans trois de ces quatre secteurs, avec des baisses minimes dans les secteurs politique et éducation et une immobilité totale dans celui de la santé, «avec un score qui demeure tout à fait honorable même s’il ne fait pas de notre pays le champion en la matière», constate Laurence Boegli, co-cheffe de l’Office de la politique familiale et de l’égalité à l’État de Neuchâtel.

Un signal à entendre

Le plus important recul semble concerner le domaine de la participation économique, où la Suisse perd des points sur presque tous les indicateurs: parité des salaires, participation au marché du travail, proportion de cadres. Seule la part des femmes dans les professions techniques enregistre une certaine amélioration. Certes, on pourra se rassurer un peu en découvrant que l’Autriche, l’Italie et même la France font bien pire côté pays européens, opérant une dégringolade plus nette dans le classement, avec une perte respective de score de 0,041, 0,015 et 0,035, quand la Suisse ne cède «que» 0,012 entre 2022 et 2023.

«En soi la situation n’a rien d’inquiétant et le classement de notre pays reste honorable, mais il est vrai que cette perte de position est un signal dont on doit tenir compte, estime Laurence Boegli, car il y a des éléments qui interrogent sur le plan économique: voit-on ici les effets de traîne du Covid qui tendraient à persister, quand la pandémie affectait majoritairement les professions les plus féminisées? Et les professions émergentes, notamment autour de l’intelligence artificielle, très fortement masculines, mettent-elles encore trop les femmes à l’écart de ces secteurs à hauts revenus? Ce sont des hypothèses à explorer.» On est également en droit de questionner l’efficacité des dispositifs légaux visant à améliorer la parité, par exemple l’objectif d’au moins 30% de femmes dans les conseils d’administration, qui n’est pas accompagné de mesures véritablement contraignantes, contrairement à ce qui se pratique dans plusieurs pays nordiques, qui eux occupent la tête du classement du WEF.

«La Suisse manifeste une véritable volonté d’améliorer les choses, mais parfois avec le moins de contraintes possibles, explique Laurence Boegli. Cela correspond sans doute à l’esprit helvétique et aussi aux attentes des milieux économiques, mais on voit que lorsque les lois sont vraiment contraignantes et touchent au porte-monnaie, cela va plus vite.

Je crois qu’amener à la fois la carotte et le bâton, en récompensant les entreprises qui font des efforts et en pénalisant celles qui renâclent est la meilleure méthode. Il faut réussir à aller au-delà de la simple volonté déclamatoire.» Les statistiques du rapport du WEF révèlent toutefois un phénomène préoccupant qui concerne la plupart des pays européens, qu’ils progressent, stagnent ou reculent dans le classement: ils sont en effet nombreux à voir les secteurs de l’émancipation politique ou de la participation économique marquer le pas, signe, peut-être, que les conservatismes qui se sont affirmés en réaction à la vague MeToo sont en train de gagner du terrain…

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