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En couple, entre amies, en famille: En marche pour le 14 juin

En couple entre amies en famille elles manifestent le 14 juin

«Nous sommes quatre enseignantes et le 14 juin nous a inspiré une bière féministe.» - Pauline, Caroline, Aurélia et Marcela manifesteront à Lausanne.

© ELSA GUILLET / MAKEUP SANDRINE THOMAS

Quatre ans après l’immense mobilisation historique de 2019, qui avait vu quelque 500 000 participantes défiler à travers toute la Suisse, la grève du 14 juin s’est imposée comme LE rendez-vous annuel fondamental pour les femmes. L’occasion d’incarner cette sororité, cette solidarité et ce destin commun qui les lie face à toutes les inégalités dont elles sont victimes, encore maintenant en 2023. Certains iront manifester avec leur grand-mère, d’autres avec leur fils et sœurs, en famille, d’autres encore en amoureuses ou en groupe de copines. Leur parcours de vie les y pousse, leur regard sur le monde les y engage et aussi parce qu’elles considèrent qu’il y a encore beaucoup à faire: inégalités salariales criantes, harcèlement et violences sexistes et sexuelles pesant sur leur quotidien, système de retraites peu favorable, sans parler des menaces de plus en plus tangibles sur tous les acquis qu’on croyait gravés dans le marbre des luttes féministes et sociales du passé, tel le droit à l’avortement, ici et ailleurs. Témoignages de Romandes.

Maé et Frédérique, Lausanne: «Le temps des inégalités doit être révolu!»

© ELSA GUILLET / MAKEUP SANDRINE THOMAS

Frédérique, 80 ans tout juste. Maé, 28. Entre elles, de l’amour, des discussions. Et une immense complicité – qui se manifestera (!) une fois de plus ce 14 juin, à Lausanne: «J’accompagne ma petite-fille pour dire mon soutien et ma solidarité, explique Frédérique. Parce que je suis inquiète, aussi.» C’est-à-dire? «Dans ma jeunesse, ça m’a coûté très cher, au propre comme au figuré, de ne pas être une «petite femme comme il faut», soumise à un mari et aux injonctions d’une société complètement inégalitaire. Au fil des ans, les choses se sont un petit peu équilibrées mais… quand je vois que des droits féminins fondamentaux sont aujourd’hui remis en question et, pire encore, que ces volontés de retour en arrière trouvent un écho dans certaines franges de la population, ça me fait froid dans le dos!» Pour elle, comme pour Maé, les choses sont au fond assez simples: «Le temps des discriminations doit être enfin révolu» et tous les êtres, sans distinction de sexe, de genre ou d’ethnie, doivent pouvoir être libres de leurs choix sans craindre de représailles, et bénéficier des mêmes droits, des mêmes chances. «Personnellement, je manifeste pour que cette cause gagne en visibilité, avec l’espoir que les gens qui pensent que l’égalité est atteinte en Suisse réalisent que ce n’est malheureusement pas le cas et qu’il faut donc continuer à se battre», note Maé. Elle reprend: «On associe souvent féminisme à des qualificatifs dépréciatifs.

Mais est-ce se montrer «hystérique» que de dénoncer des problèmes de société bien réels et de vouloir en finir avec le sexisme ordinaire, l’homophobie, la transphobie, le racisme, les violences faites aux femmes, la discrimination à l’emploi, les biais de genres durant les études, etc.?

Franchement, je ne le crois pas. Et je milite donc pour un monde vraiment inclusif et égalitaire dont le maître-mot est: respect. Respect des autres mais aussi de la planète, d’ailleurs, puisque pour moi, tout est lié!»

Mathilde et Justine, Sion: «Même les crash-tests sont prévus pour les hommes»

© ELSA GUILLET / MAKEUP SANDRINE THOMAS

Mathilde Finsterwald, thérapeute et communicatrice animale, Sion. Justine Greiner, audioprothésiste, Réchy. En couple. Elles iront ensemble manifester le 14 juin, à Sion. Dès 13 h 30, il y aura des animations et des prises de paroles sur la place de la Planta et le cortège démarrera à 18 h. Le soir, un concert célébrera cette journée. Elles espèrent qu’il y aura autant de monde qu’en 2019, environ 12 000 personnes. Mathilde explique son choix:

«Je manifeste parce que je considère qu’il y a encore trop de violences faites aux femmes.

Non seulement physiques ou sexuelles mais aussi psychologiques et sociales. Je vous donne un exemple: une amie vit actuellement une séparation avec son mari. Elle s’est toujours occupée des enfants, des repas, des courses, du ménage, et de la garde pour économiser des frais de garderie. Maintenant, c’est son époux qui a la jouissance de la maison, tout en refusant de lui payer un loyer. Elle se retrouve sans domicile et doit encore se battre pour faire valoir ses droits, ce qui prend du temps et coûte cher en avocat. Autre sujet qui me tient à cœur: la différence entre les hommes et les femmes dans la relation intime. On dira d’un homme qui accumule les relations que c’est un Don Juan, il sera valorisé par ses amis. Et la femme? On la dénigrera. Pourtant, dans une relation, il faut être deux!»

Justine ajoute: «Le domaine du care m’est très important. La reconnaissance sociale et financière du travail des mères au foyer est primordiale. Il est encore et toujours difficile pour une femme d’allier la carrière et les enfants. Elle est doublement pénalisée puisqu’un temps partiel réduit sa rente au moment de la retraite. De plus, qu’il s’agisse de l’allaitement ou des règles, le corps de la femme est encore un tabou dans la société. De manière générale, le système actuel ne prend pas suffisamment en compte les femmes. Même les crash-tests des voitures sont prévus pour les hommes. De plus, j’aimerais aussi qu’on agisse pour l’éducation sexuelle proposée dans les écoles. Tournée sur une vision cis-hétérosexuelle, elle a pour effet que toutes les personnes ne se retrouvant pas dans ce schéma peuvent se sentir perdues. Cela peut avoir des conséquences allant jusqu’à la dépression ou au suicide.»

Patricia et son fils Abel, Lausanne: «Dans sa logique d’enfant, l’égalité coule de source»

© ELSA GUILLET / MAKEUP SANDRINE THOMAS

«C’est important de continuer à se mobiliser, tant que nous n’avons pas atteint l’égalité salariale, c’est pour cela que j’irai manifester le 14 juin, jour par ailleurs de mon anniversaire! Je ne fais pas grève, car dans mon travail, je pense que cela passerait totalement inaperçu! Pour moi, une grève a du sens quand elle a un impact. Si toutes les caissières de la Migros, de la Coop, faisaient grève, cela aurait un impact. Ce serait intéressant de lancer une collecte pour qu’elles puissent se le permettre, car il ne faut pas oublier qu’on n’est pas payé lors des grèves. C’est malheureux mais c’est souvent ceux qui en auraient le plus besoin qui n’en ont pas les moyens.

J’y vais avec mon fils de 10 ans, et mon mari, en famille, car l’égalité concerne tout le monde, pas seulement les femmes.

Nous avons commandé des badges, une banderole et un t-shirt. Nous avions déjà manifesté en famille en 2019, à cette époque Abel était encore petit, il avait trouvé ça très rigolo, même si au bout d’un moment, la foule, ce n’est pas ce qu’il préfère. Cette année, il comprend un peu mieux les enjeux et si, au début, il rechignait un peu à venir, à cause du monde, il a décrété ensuite qu’il soutenait tout à fait le combat, et qu’il serait présent. C’est amusant, car dans sa logique d’enfant, l’égalité coule de source, il ne comprenait pas quand je lui expliquais que souvent, quand un homme ou une femme font le même travail, ils n’ont pas le même salaire, il trouvait ça idiot.

Est-ce que j’espère que les choses puissent changer rapidement, oui; est-ce que j’y crois, non. Cela dépend néanmoins des milieux. Il y en a certains où les choses sont en marche depuis longtemps et la situation a déjà bien progressé, et d’autres pas du tout, et comme je l’ai dit plus haut, cela reste l’apanage des classes plutôt privilégiées, des gens éduqués qui ont tendance à vivre en vase clos et qui ont de la peine à voir ce qui se passe ailleurs, dans d’autres milieux socioculturels. Comme aux États-Unis, où les droits des femmes reculent et les masculinistes reprennent le dessus. En Suisse, certes, l’égalité n’est pas encore atteinte, mais nous avons de la chance par rapport au reste du monde.

Cela m’énerve de constater que dès qu’il y a davantage d’hommes qui occupent des emplois dits féminins, on commence à parler du fait que les salaires sont bas, alors qu’auparavant cela ne dérangeait personne.»

Ornella, Oyanna et Cesare, Genève: «La solidarité qui se crée nous encourage»

© ELSA GUILLET / MAKEUP SANDRINE THOMAS

Les deux sœurs iront manifester à Genève main dans la main le 14 juin. Un engagement pour une société plus égalitaire qu’elles partagent en famille, avec la ferme intention de le transmettre à Cesare, 23 mois, le fils d’Ornella, 29 ans. «Il est primordial pour moi de l’éduquer dans des valeurs de respect, de compassion et d’égalité envers les femmes. Je veux lui inculquer l’importance du consentement, du respect mutuel et de la remise en question des stéréotypes de genre.»

À 20 ans, sa sœur cadette Oyanna ressent une véritable connexion avec cette cause, et juge crucial de faire entendre sa voix à cette occasion. «Ce mouvement représente une opportunité unique de mettre en lumière les inégalités auxquelles les femmes sont confrontées au quotidien.

En tant que jeune femme, j’ai déjà été témoin et victime de discriminations basées sur mon genre.

J’ai ressenti la pression des stéréotypes, les attentes injustes et les barrières qui peuvent parfois sembler insurmontables.» Sans se laisser pour autant décourager, elle se dit tout comme son aînée fière de voir les femmes se rassembler pour revendiquer leurs droits et exiger une société plus égalitaire. «Je crois en la force du collectif et en la capacité de faire évoluer les mentalités. Pour moi, ce mouvement est une source d’inspiration et d’espoir. Il me rappelle que je ne suis pas seule dans cette lutte, que nous sommes nombreuses à ressentir les mêmes injustices et à aspirer à un monde meilleur. Je veux être jugée sur mes compétences, ma passion et ma détermination, pas sur des normes dépassées.»

Pauline, Caroline, Aurélia et Marcela, Lausanne: «Nous sommes quatre enseignantes et le 14 juin nous a inspiré une bière féministe.»

© ELSA GUILLET / MAKEUP SANDRINE THOMAS

FEMINA Pourquoi allez-vous manifester le 14 juin 2023?
Pauline
Pour occuper l’espace public et pour ressentir une complicité, une sororité. Ce lien qui nous unit, toutes ces femmes ensemble quelles que soient nos différences.

Caroline On se rend compte du nombre qu’on est aussi en fait, cela montre que nous ne sommes pas chacune dans notre coin avec une petite banderole à sa fenêtre, mais que nous sommes fortes ensemble.

Marcela On a vraiment été habituées à se pousser tout le temps et à s’effacer partout. Manifester signifie que cet espace public nous appartient aussi et qu’on a le droit de l’investir, d’y faire du bruit, d’exister.

D’où la définition sur l’étiquette de votre bière nommée «Féministe!»
Marcela Il s’agit vraiment de cette notion d’égalité entre femmes et hommes. Au début, quand nous avions décidé de faire cette bière et de se réapproprier ce métier qui est très genré, très rapidement est venue la question de pourquoi faire cette bière et comment l’appeler. Redéfinir le féminisme est devenu hyper important et central dans notre démarche.

Pauline C’est ce qui est génial avec la grève du 14 juin, qui est en fait un catalyseur de projets. Sans cela, nous n’aurions peut-être pas fait ce projet ensemble.

Pourquoi avez-vous choisi de faire de la bière?
Caroline
La bière est une boisson genrée et nous avons toutes une anecdote à raconter par rapport aux femmes qui en boivent versus les hommes. Comme lorsqu’on dit aux femmes: «Tiens, tu es venue à ma soirée, alors je t’ai acheté une bière allégée.» Et puis c’était aussi par intérêt personnel que nous voulions apprendre à fabriquer cette boisson, à la vendre. Avoir un produit qui n’est pas attaché au féminin. Donc casser les stéréotypes de genre par rapport à la bière et reverser notre bénéfice au fonds de grève Vaud. C’est notre manière de soutenir les personnes qui organisent la grève et ça a marché!

Était-ce voulu de faire une bière forte?
Marcela Non, nous avons juste voulu faire une vraie bière.

Aurélia Nous n’avions pas la volonté de casser les rites des bières doucereuses. Mais on est contentes que cette bière ait du caractère!

Allez-vous manifester avec votre bière?
Toutes S’il nous en reste encore, oui! Nous étions déjà au marché de la rue de la Madeleine (les 3 et 10 juin) pour commencer à faire passer le message. Il y en a aussi au Café du Loup, un café littéraire situé aux Plaines-du-Loup. La tenancière en a également acheté par soutien.

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