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Développement personnel: 10 conseils sur l’amour de Jacques Salomé
FEMINA Dans votre nouveau livre, vous parlez de «l’amour à la vivance», qu’entendez-vous par là? Cela veut-il dire, vivre davantage le moment présent?
Jacques Salomé La «vivance» est ce que j’appelle l’élan, le rayonnement, la lumière intime qui nous habite et qui émane de nous à certains moments. C’est elle qui nous fait mieux ressentir nos émotions, nos sentiments et qui va permettre de renforcer la confiance que nous avons en nous, stimuler ainsi nos relations qui se tissent durant notre existence.
La vivance de la vie (ou de la relation amoureuse) nous donne le sentiment d’être plus vivants, de mieux vivre l’instant présent, comme un présent à soi et à ceux qui nous entourent.
Quel est votre conseil pour se mettre sur le chemin du bonheur plus sereinement? Aurions-nous besoin, même en couple, de plus dialoguer avec nous-mêmes?
L'apprentissage du bien-être se révèle être un défi permanent. Nous sommes à tout âge, à la recherche ou en attente du bonheur. Le bonheur que nous cherchons plus souvent vers l’extérieur, est présent en nous.
Etre dans l’écoute de soi, une écoute présente permet d’entendre les attentes réelles de notre corps. Elle fait prendre conscience de sa propre façon d’échanger, de partager, de s’approprier, de se confronter ou d’accepter les différences avec ceux qui nous entourent. Elle nous renvoie à se confronter à nos croyances, à nos certitudes, à nos propres seuils d’intolérance, favorisant ainsi une éthique de vie envers soi-même. Et pourquoi pas l’acceptation d’un changement. Une possible renaissance permettant d’accéder au meilleur de soi, d’en prendre soin et de l’agrandir vers le meilleur de l’autre.
Je rappelle que dans un couple, vouloir posséder l’autre ou se donner à lui, c’est parfois oublier que notre partenaire est un être diffèrent de nous. Mieux l’écouter, éviterait souvent bien des souffrances.
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Est-ce qu'on peut apprendre à bien s’écouter?
L’écoute de soi est un apprentissage au quotidien. Une sorte de rencontre avec soi, dans l’intimité. S’approcher de la vie qui s’éveille en soi. Prendre le temps de se regarder, de se toucher, de s’abandonner quelques instants. Accueillir les émotions, identifier les préoccupations qui envahissent l’esprit, trouver l’espace possible d’un questionnement intérieur.
Apprendre à s’écouter dans cette liberté d’être, c’est l’exercice le plus utile que nous puissions faire pour nous libérer de nos détresses, en retrouvant la part d’universel dans l’unicité de chacun. Assumer par la suite la responsabilité de ses propres ressentis, sera indispensable pour l’établissement d’une relation en respect de soi, et en harmonie avec la personnalité de l’autre.
Parlez-nous des «auto-saboteurs», ces comportements qui semblent détraquer notre équilibre et nos relations sentimentales?
Nos auto-saboteurs sont certains de nos conduites ou comportements que nous avons et qui vont déclencher l’inverse de ce que nous souhaitons, qui vont provoquer ce que justement nous redoutons. C’est dans la traversée d’une situation de crise que nous devenons conscients de nos auto-saboteurs. Toute notre existence est jalonnée de crises, car nous sommes des êtres en évolution permanente. J’attire l’attention à ne pas confondre l’élément déclencheur de la crise (séparations, pertes, événement traumatisant, maladie…) avec l’impact, c’est-à-dire avec ce qui est touché, réveillé, blessé ou au contraire stimulé au plus profond de nous. Car ce n’est pas ce qui nous arrive qui est important mais ce que nous allons en faire.
Accepter de se libérer de quelques-uns de nos auto-saboteurs, c’est souvent une véritable réconciliation avec nous-mêmes.
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N’ayons pas peur des mots… Quelle est votre définition du grand amour?
Un amour est une école de vie - nous sommes à la fois le créateur et le chercheur d’un accord, d’une plénitude avec l’inaccessible si proche de l’autre. A ne pas confondre le sentiment d’amour, sur lequel nous n’avons aucun pouvoir, et la relation amoureuse, qui se construit à chaque instant, étant nourrie de partages, d’une reconnaissance mutuelle et d’apprivoisements successifs entre les deux Êtres en devenir.
Le grand amour, je le sens comme un état d’effervescence, un mouvement d’émerveillement qui me porte vers l’autre, une musique qui transcende l’instant présent m’invitant à vivre mon existence à plein-temps. Vivre en amour c’est comme la rencontre de deux notes de musique qui vont s’accorder, s’harmoniser, se relier pour produire un son unique, vibratoire, élançant. Je le dis souvent: car nul ne sait à l'avance la durée de vie d’un amour, apprenez à le vivre au présent.
Et celle d’un couple heureux? Ou du moins sa recette?
Il faut tout d’abord savoir que vivre en couple, c’est partager par chaque protagoniste une double intimité: l’intimité commune, celle qui permet la création de liens solides en cheminant ensemble dans l’expérience relationnelle, et l’intimité personnelle, celle qui répond au besoin d’avoir son jardin secret qu’on ne souhaite pas nécessairement partager.
Savoir accepter et respecter cet aspect de l’intimité, pouvoir rester fidèle à soi et dans le même temps fidèle à l’autre, c’est un des ingrédients qui donne du bonheur, et surtout de la longévité à un couple. Il doit y avoir partage, complicité et surtout une communication efficace pour désamorcer les éventuels malentendus à la source, avant qu’ils ne prennent de l’ampleur.
J’insiste sur la nécessité de prendre soin de la communication qui s’installe dans le couple. Mieux communiquer, c’est être capable dès le début d’une rencontre et à chaque étape importante de la vie d’un couple, à bien définir trois choses: ses attentes, ses apports et ses zones d’intolérance individuelle. L’interaction de ces trois points dans la relation, l’impact des attentes de l’un vis-à-vis des apports de l’autre et ses intolérances quand conflit il y a, détermine la qualité de la relation. Ce qui maintient deux êtres ensembles dans la durée, ce n’est par l’amour, mais la qualité de la relation qu’ils vont se proposer l’un à l’autre.
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Comment dépasser en amour, la peur et le sentiment d’abandon?
D’abord, il faut distinguer plusieurs cas. Il y a celui qui aime (qui donne de l’amour) et celui qui est aimé (qui reçoit de l’amour). Il y a celui qui aime et qui se sent aimé en retour (amour en réciprocité, où chacun donne et reçoit) ou encore celui qui aime et qui ne se sent pas aimé en retour (amour à sens unique). Chacune de ces situations va se développer chez l’homme et la femme avec des dynamiques amoureuses différentes.
Il me semble que celui qui aime avec un amour oblatif (tourné vers l’autre), est dans l’abandon inconditionnel, donne tout, sans compter, même s’il n’y a pas de retour. Sont rares les amours qui peuvent se vivre sans qu’il y ait réciprocité ou au moins l’espoir de réciprocité… Dans la plupart du temps, tout se passe comme si celui qui aime, attendait implicitement que son amour soit alimenté, nourri, soutenu et amplifié par l’amour d’un autre, «qu’il soit payé de retour» comme l’espèrent ceux qui aiment.
Il conviendra aussi de ne pas se laisser séduire ou enfermer dans un amour de besoin (l’autre exprime une demande, voire une exigence d’être aimé), un amour de peur (ne me quitte pas, ne m’abandonne jamais!) ou de manque (aime-moi comme aurait dû m’aimer ma mère ou celle qui vient de me quitter…). Il s’agit là des pseudo-amours, qui ne sont pas tournés vers l’autre, mais visent à combler des manques chez soi.
Vous expliquez qu’en chinois, faire l’amour se dit «rencontre des nuages et de la pluie». Comment interprétez-vous cette traduction? Et est-ce que comme dans la chanson, «les histoires d’amour finissent mal en général»?
Mieux vaut parler ici de la «communication sexuelle». Car comme moi, vous savez bien que peu importent nos origines, nos cultures, «le faire amour», ne commence pas en se mettant au lit ou en prenant son/sa partenaire dans ses bras. L’accord amoureux, sensuel et affectif se fait avant la rencontre des corps, dans la tendresse donnée, reçue, et surtout dans la qualité du vécu au quotidien.
La rencontre sexuelle dans un couple est porteuse de beaucoup de plaisirs et d’étonnement, mais aussi de nombreux malentendus. Ce qui va augmenter ces malentendus, c’est le non-partage, c’est le refus d’accorder de l’importance au vécu de l’autre, en le minimisant ou en parlant sur lui. La relation sexuelle est certainement la relation qui est porteuse en potentialité de tous les langages de l’humain... mais elle manque de mots pour se faire entendre, pour se témoigner. Car, dans ce domaine, chacun croit que l’autre sait… pour lui. Pourtant, entre plaisirs et doutes, il y a la place pour un dialogue sexuel vivant, porteur d’émerveillements.
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Comment devenir autonome «affectivement parlant»?
Nous avons à nous construire entre semblances et différences. Devenir adulte, c’est avoir accès à une autonomie affective et relationnelle. J’entends par là, avoir la capacité de:
- s’affirmer, c’est-à-dire renoncer à l’approbation des personnes qui comptent pour vous,
- se positionner clairement pour pouvoir d’abord se dire, puis ensuite se donner les moyens d’être entendu,
- se respecter, en sachant dire «oui» ou «non» sans se blesser.
Mais pour parvenir à faire ce choix, il faut du courage: montrer le véritable enjeu qu’il représente pour vous, l’expliquer et l’assumer. Se responsabiliser en parlant de soi à l’autre. En osant se réapproprier sa parole, en prenant le risque de se définir devant autrui avec ses propres références, avec des choix de vie et des fidélités personnelles, chacun se donne ainsi plus de moyens pour s’engager dans un processus de responsabilisation pour devenir coauteur de sa vie…
Sommes-nous tous inconsciemment amoureux de nos souffrances, des «terroristes du relationnel», comme vous le décrivez dans votre ouvrage?
J’ai souvent remarqué que notre choix amoureux se porte sur la personne la plus apte à exacerber les failles et les dominantes de notre système interne personnel. Tout se passe comme si nous cherchions à être touchés là où nous avons le plus mal, là où notre fonctionnement est le plus immature. Notre inconscient cherche peut-être ainsi à mettre à jour et à l’épreuve ses zones les plus fragiles, pour les travailler, les labourer et ainsi aller vers un dépassement, une transformation ou une prudence quant à d’autres choix.
Dans la vie de couple, j’invite à apprendre que l’important n’est pas de vouloir rendre l’autre heureux, c’est de se rendre heureux et d’offrir ce bonheur à l’autre.
Séances de dédicaces Jacques Salomé au Salon du livre de Genève:
«Des choses à vous dire» (L'Homme), «Petit cahier d'exercices pour apprendre à s'aimer, à aimer et pourquoi pas à être aimé(e)…» (Jouvence) ainsi que de nombreux ouvrages parus.
Samedi 30 avril, 11 h 00 – 13 h00, 15 h 00 – 17 h 30, La place du Moi - G731
Dimanche 1er mai, 11:00 - 12:30, 14:30 - 17:00, La place du Moi - G731
Ndlr. Jacques Salomé, atteint aujourd’hui par la maladie, a répondu à nos questions par l’intermédiaire de son épouse, Valeria. Décoré de la médaille d’Officier de l’Ordre National du Mérite, par le ministre de l’éducation nationale pour ses travaux sur la communication à l’école, il garde le rêve qu’un jour la communication puisse être enseignée à l’école comme une matière reconnue à part entière.
Plus d'infos sur le site de j-salome.
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