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Interview santé

Médecine au féminin: La recherche a des progrès à faire

Medecine au feminin la recherche a des progres a faire

Les industries pharmaceutiques commencent à réaliser que beaucoup des médicaments qu'ils mettent sur le marché devraient être plus adaptés à la diversité.

© GETTY IMAGES/SORBETTO

Physiologiquement, une femme n’est pas un homme. Et vice versa. Une lapalissade? Pas pour la recherche médicale qui, historiquement, développe des traitements et médicaments adaptés à «l’homme blanc moyen». Ce qui implique des risques réels et potentiellement graves sur la santé féminine: dosage de molécules inadapté, effets secondaires non anticipés, etc.

Comme l’explique la professeure Carole Clair, médecin et coresponsable de l’Unité médecine et genre d’Unisanté, les choses commencent toutefois à évoluer. Lentement…

FEMINA Vous êtes intervenue récemment lors d’un forum organisé par l’entreprise pharmaceutique Lilly et consacré aux considérations de genre et de sexe pour la gestion des maladies. Qu’en est-il ressorti?
PRE Carole Clair C’était intéressant d’y aller parce que dans les pharmas, qui sont à la pointe et font de la recherche extrêmement complexe et précise, il semble encore difficile d’avoir des questionnements basiques comme «Est-ce que ce que j’observe dans ce groupe de population, je l’observe aussi dans l’autre?» Or, après ma présentation sur les biais de genre en recherche médicale, où j’ai expliqué où se trouvaient les problèmes concrets et en quoi l’industrie peut avoir un rôle, j’ai eu l’impression d’une espèce de prise de conscience.

On sait pourtant que bien des médicaments n’agissent pas de la même façon sur une femme ou un homme!
En effet. Mais la situation est très complexe parce que le sexe n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. Il n’y a pas une femme, il y a des femmes: jeunes, âgées, préménopausées, postménopausées… De plus, l’ethnicité ou la masse graisseuse sont, entre autres, des facteurs importants.

En clair, il ne suffit pas de se dire «On adapte le dosage aux femmes!»

Dans ce cas, ne serait-il pas plus simple que les médecins ou pharmaciennes et pharmaciens aient accès à la molécule de base et en prescrivent les dosages selon ces critères-là?
On arriverait là dans de la médecine personnalisée et, dans l’idéal, c’est ce qu’il faudrait faire. C’est dans cette direction que pas mal de choses avancent maintenant, typiquement en oncologie. Cela dit, on ne peut pas non plus imaginer faire un profil génétique à tout le monde avant de prescrire du paracétamol pour des maux de tête! Il faut donc aller vers un entre-deux qui, selon les traitements, ne soit pas nécessairement dans l’ultra-adapté mais ne soit en tout cas plus dans l’aveugle et uniquement androcentré, c’est-à-dire une médecine faite par les hommes pour les hommes. Autrement dit, on doit adapter les dosages au besoin et prendre au sérieux les personnes qui se plaignent d’effets secondaires.

Financièrement, c’est pourtant dans l’intérêt des pharmas et ce «nouveau» marché est potentiellement énorme!
Oui, c’est juste…

Pour autant qu’on ne tombe pas dans les dérives de la récupération marketing: il ne faut pas un traitement rouge pour l’un et rose pour l’autre mais un même médicament adapté à la diversité!

Un médicament adapté à la diversité n’est-il pas plus cher à élaborer?
Le coût est une mauvaise excuse. Certes, il faut un échantillon plus étoffé et cela prend un peu plus de temps en raison des comparaisons à faire entre les groupes «femmes» et «hommes». Mais ceci permet de juger de l’efficacité, qui n’est pas la même dans certaines situations: des équipes canadiennes ont par exemple découvert que les mécanismes de la douleur ne sont pas les mêmes entre les deux sexes, ce qui pourrait impliquer des manières différenciées de la soulager. Et ce n’est pas tout! On sait aussi que les effets secondaires sont potentiellement différents.

Or, un traitement qui doit être retiré du marché parce qu’il n’est pas efficace ou a des effets secondaires qui n’avaient pas été anticipés chez les femmes représente beaucoup plus de frais que d’avoir inclus un panel plus grand et représentatif dès le début!

Cela dit, maintenant, la situation a un peu évolué et ce genre de problème ne devrait plus arriver, en tout cas en Europe ou aux États-Unis, parce qu’il y a maintenant des lois qui exigent que pour les essais médicamenteux, il y ait une inclusion des femmes et de diverses ethnicités.

Et en Suisse?
Malheureusement, on n’a toujours pas une telle exigence. Il y a donc encore du travail!

Dans les labos… mais dans les cabinets de consultation aussi, non?
Oui. Prenons l’exemple du vaccin contre le Covid, qui provoque beaucoup plus d’effets secondaires chez les femmes. Non seulement elles n’en sont pas prévenues et on ne leur suggère pas d’être plus attentives mais, en plus, quand elles s’en plaignent, elles sont moyennement prises au sérieux et peuvent se voir répondre: «Mais vous êtes un peu sensible, ma petite dame, ça va aller!» Je caricature un peu, mais très souvent, la patiente s’entend dire que «c’est dans la tête», alors que ce n’est pas du tout le cas! C’est la double peine: en plus d’être en souffrance, les patientes ne sont ni reconnues ni validées et, pour le coup, ne se sentent souvent pas légitimes à venir consulter. Donc là aussi, il y a un vrai gros boulot à faire pour (in)former le corps médical et pour faire changer les mentalités encore pétries de stéréotypes de genre. Mais je ne désespère pas – notamment parce qu’on commence à former les futurs soignants et chercheuses à ces différences de genre et que ces questions sont davantage thématisées avec l’arrivée des femmes en recherche!

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