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Découverte de la forêt de Yakushima, qui a inspiré Miyazaki

Yakushima forest Alamy design pics Ghibli Studio Mononoke

Sorti en 1997, le film Princesse Mononoké par Hayao Miyazaki met en scène la paysage fabuleux de la forêt de Yakushima, située sur une île mystique au Sud du Japon.

© ALAMY DESIGN PICS/GHIBLI STUDIO

«13 février 1914. Je prendrai, demain, le train de 8h 30 pour Kagoshima, dans l’extrême sud du Japon. De là je me rendrai à Yakushima où, me suis-je laissé dire, se trouvent de belles forêts de cryptomeria sauvage.» Tel est le télégramme qu’envoie le célèbre botaniste britannique Ernest Henry Wilson, alias «Le Chinois», à son collègue le professeur Sargent. Quelques jours plus tard, il débarque sur un bout de terre brumeux, à 60 kilomètres au large de la pointe sud de Kyushu, la plus méridionale des quatre grandes îles constituant le Japon.

L’homme ne séjournera que quelques semaines sur place, mais son voyage restera l’un des plus mémorables de toute sa carrière. Et pour cause: tout ce qu’il a vu l’a bouleversé. À son retour dans le cœur de l’archipel nippon, ce scientifique très respecté en Asie se précipitera auprès des autorités impériales pour les implorer de protéger autant que possible la forêt de l’île de Yakushima, sans doute «la plus remarquable de tout le Japon», et «plus riche en végétation» que tout ce qu’il avait pu voir auparavant, même lors de son long périple en Chine.

Tableau fantastique

Un siècle et neuf ans plus tard, la superbe forêt de 10’747 hectares dépeinte par Wilson n’a rien perdu de sa capacité à subjuguer les visiteurs. Il faut dire que les lieux, heureusement préservés, en partie grâce aux recommandations du botaniste voyageur, ont quelque chose d’unique, comme une vision sortie d’un conte fantastique japonais: une île presque circulaire, hérissée de montagnes de près de 2000 mètres et recouverte d’une épaisse forêt mélangeant des essences subtropicales et tempérées dans un même paysage. Macaques et cerfs y sont plus nombreux que les humains.

Sa flore époustouflante rassemble près de 1900 espèces et sous-espèces, dont 600 rien que pour les mousses, qui envahissent la forêt du sol à la canopée. Mais c’est surtout une essence d’arbre qui est la star ici, Cryptomeria japonica, le cèdre du Japon, appelé sugi dans l’archipel.

Cette espèce omniprésente constitue la majorité des conifères rencontrés sur l’île et participe à dessiner un environnement fabuleux, aux immenses troncs immémoriaux, aux racines s’incrustant en infinies arabesques dans le sol chaotique en granite.

Convoitée par les seigneurs

Nombre de ces arbres sont nés il y a plusieurs siècles, voire plusieurs millénaires, et ont affectueusement été surnommés yakusugi par les Japonais, contraction des mots Yakushima et sugi. Pourtant, cet éden qui semble n’avoir pas voulu choisir entre deux climats a failli disparaître de la surface de la Terre. Entre les XVIIe et XIXe siècles, lors de la période Edo, la zone n’a pas échappé à l’exploitation forestière par le clan Shimadzu.

Ce sont surtout les fameux sugis qu’on convoitait, dont le bois, gorgé d’une résine imperméable permettant de les préserver du pourrissement et des maladies, en faisait malheureusement l’arbre idéal pour découper des tuiles destinées aux toits des maisons. La forêt est d’ailleurs parsemée de souches gigantesques aux allures antiques, reliques de cette chasse sans merci aux géants du passé.

Björk en est tombée amoureuse

Si le milieu du XXe siècle a vu l’exploitation du bois reprendre à un niveau inquiétant, les autorités ont fini par classer Yakushima comme réserve naturelle dans les années 60, peu de temps après que les industriels japonais du bois ont élaboré une monstrueuse tronçonneuse de vingt kilos, dont la lame de deux mètres aurait rapidement pu venir à bout des sugis les plus vénérables.

Aujourd’hui classée au Patrimoine de l’humanité (ce fut le premier site à l’être au Japon, en 1993), la forêt de Yakushima recèle encore des dizaines de cèdres millénaires, dont le Jomon Sugi, haut de 25 mètres pour un tronc large de 5 mètres, qui serait âgé de 6000 ou 7000 ans et figurerait ainsi parmi les dix arbres les plus anciens de la planète. Comme la plupart des autres sugis préhistoriques, il a probablement échappé à la scie grâce à sa forme tarabiscotée, qui le rendait peu idéal pour le découpage de tuiles.

Il fait de nos jours l’objet d’une vénération de la part des visiteurs japonais (mais aussi, paraît-il, de la chanteuse Björk), qui viennent l’admirer après un trek périlleux de plusieurs heures et de 1300 mètres de dénivelé à travers la forêt sur des racines et des roches glissantes. Un dicton local un peu marseillais sur les bords raconte qu’il pleuvrait 35 jours par mois, même si 25 jours est déjà un chiffre plus que réaliste. Une vraie île de mythes et légendes.

Son icône: La Princesse Mononoké

Le paysage fabuleux de la forêt de Yakushima vous dit vaguement quelque chose? Peut-être parce que vous l’avez, sans le savoir, déjà aperçu en arrière-plan au cinéma. L’île et sa flore si singulière ont en effet servi d’inspiration à Hayao Miyazaki, le célèbre créateur de dessins animés japonais et icône du studio Ghibli, pour l’élaboration de son film Princesse Mononoké. L’artiste est ainsi venu séjourner à Yakushima au milieu des années  90 afin de se perdre encore et encore dans sa forêt.

Sorti en 1997, cet opus devenu légendaire prend place dans un Japon médiéval fantastique et raconte l’histoire de l’affrontement entre une princesse, protectrice de sa forêt natale, et Dame Eboshi, maîtresse des forges d’un village voisin, dont les activités menacent les ressources naturelles du lieu.

On y retrouve une ambiance évoquant fortement celle de Yakushima, notamment ses brumes, ses cèdres immenses et tortueux, ses blocs granitiques et ses mousses recouvrant toutes les surfaces disponibles. Un chef-d’œuvre au discours écologiste malheureusement visionnaire, qui a définitivement consacré Miyazaki comme l’un des maîtres modernes du film d’animation.

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