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Portrait inspirant

Rencontre avec Fanny A., sculptrice d’âmes

Rencontre avec Fanny A., sculptrice d’âmes

Ce qui fait vibrer l'artiste Fanny A.? «Cela peut paraître bête mais… la vie, tout simplement!»

© DOMINIQUE OTHENIN GIRARD

Samedi 18 juin 2022, 10h59, Le Brassus. Sous un soleil de plomb, la foule s’impatiente. Pas autant que Fanny A. – son nom d’artiste – qui, dans un instant, va présenter officiellement les Âmes du Temps. Enfin. Car cela fait près de dix ans que cette horloge hydraulique et monumentale qu’elle offre à sa commune la hante. Cœur et âme. Dix ans qu’elle se bat pour surmonter les difficultés techniques, les contingences pratiques, les impératifs mécaniques. Et ses propres doutes artistiques, aussi. Parce que créer cette œuvre-clé s’est révélé un cheminement initiatique bien plus intimement bouleversant qu’elle ne le soupçonnait.

L'œuvre d'une décennie

Onze heures sonnent. Levant le voile sur la pyramide de verre de 5 sur 5 mètres et de 3,7 mètres de haut qui protège son chef-d’œuvre, Fanny A. rayonne. Être si chaleureusement applaudie la ravit. Évidemment. Mais plus encore, elle se sent libérée. Elle a achevé l’ultime épreuve de son parcours d’apprentissage compagnonnique. C’en est maintenant fini des inquiétudes, de la pression, des «et si…».

Rencontre avec Fanny A., sculptrice d’âmes
© MARKO STEVIC

C’est que doublement méticuleuse et perfectionniste – elle n’est pas à la fois Audemars et Piguet pour rien! –, elle a eu des craintes jusqu’à la dernière seconde. Or maintenant, elle sait que sa «folie» est à la hauteur de ses fantasmes. Que sa complication est au point. Que le mouvement unique au monde qu’elle a rêvé et que l’HE-Arc Ingénierie de Neuchâtel a réussi à concrétiser va désormais égrener le temps au gré de ses sculptures mobiles et rendre ainsi un hommage perpétuel à la tradition horlogère de sa famille et à La vallée de Joux – cette terre originelle âpre et taiseuse, riche et intense dont elle est si profondément imprégnée.

Les yeux plus clairs que jamais, la quinquagénaire se détend et se lâche. Un peu.

Avec pudeur – «on ne se refait pas», rigole-t-elle – l’artiste raconte en mode trotteuse son enfance à Aubonne, les galères financières – «l’horlogerie était moribonde, à cette époque…» –, les vacances dans la maison familiale du Brassus avec son frère et sa sœur aînés, les rires, «les disputes qui laissent des traces». Puis parle de sa scolarité contrariée par la dyslexie – «un enfer!» –, des complexes et du vague à l’âme qui la dévorent.

Elle se souvient aussi de ses études à l’École Technique du Sentier et à l’École des Métiers de Lausanne (elle est dessinatrice en microtechnique et technicienne en mécanique de formation), des postes dans de grandes maisons horlogères et industries mécaniques. Et du ras-le-bol existentiel qui la submerge.

Le temps du changement

Fanny A. sourit alors – évoquant la rencontre avec son âme sœur, le peintre Joe Boehler. Bouillonnant, exigeant et sans concessions, il la bouscule, la challenge en permanence. Tout l’amour du monde dans la voix, elle explique que, ce faisant, son compagnon lui a ouvert de nouveaux horizons philosophico-artistico-amoureux et donné le courage de tout chambouler dans son existence. Et, quitte à fâcher son entourage qui ne comprend pas, de rompre avec le monde industriel pour suivre le chemin de la création, à la découverte de son vrai «moi». Il était temps, elle étouffait.

«Quand je travaille la terre ou le plâtre, avant le coulage dans le bronze, c’est comme une urgence.»

«Mes mains ne m’appartiennent plus, presque malgré moi j’extériorise mes angoisses, même les plus refoulées. Pièce après pièce, cela me fait avancer!»

Une évolution qu’on peut d’ailleurs suivre au fil de ses «Têtes», exposées à Lausanne à la Galerie ABPI, jusqu’au 5 novembre 2022: après les hurlements silencieux mais si violents et tourmentés des âmes des débuts, le retour aux sources de l’humanité. Puis la libération et l’apaisement. Enfin.

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