culture
Notre best of de la rentrée littéraire 2015
Conversations d'un enfant du siècle, de Frédéric Beigbeder
Passionné par l’écriture, Frédéric Beigbeder a décidé de consacrer un ouvrage aux écrivains. Des êtres qu’ils semblent attribuer à une caste supérieure de la société. Selon lui, un peu à part et solitaires, ils sont «les dernières personnes intelligentes sur terre». Endossant son rôle de journaliste, l’auteur rencontre différents écrivains tour à tour. «J’ai interrogé les vingt auteurs de ce livre comme un apprenti garagiste questionnerait un professionnel sur la meilleure manière de changer un joint de culasse» explique-t-il. Ainsi, l’écrivain cherche avant tout à s’inspirer de ses maîtres de l’écriture qui l’ont tant marqué. Parmi eux: Umberto Eco, Tom Wolfe ou encore Francis Scott Fitzgerald. L’admiration qu’il leur porte est palpable, et la fascination, mêlée à l’excitation de ces rencontres, communicative.
Une sorte de guide de la littérature que tout écrivain en herbe devrait posséder. Mais attention, l’auteur nous donne le conseil suivant «ne lisez pas tous ces dialogues à la suite, ils deviendraient aussi indigestes qu’un dîner avec vingt plats en sauce». Cet écrit ne se lit donc pas comme un roman avec un fil conducteur, il se «picore» miettes à miettes.
Fidèle à lui-même, l’auteur utilise son ton sarcastique et ironique, qui nous laisse décrocher parfois un léger sourire. Son air érudit et quelque peu supérieur peuvent agacer. Un franc parler toujours piquant et subtil. Pas toujours évident de trouver le sens de ce roman tant on se perd dans les références littéraires, politiques ou culturelles… On devine finalement que ce sont elles l’essence du livre. Sans oublier les quelques bribes de conseils aux écrivains. Bernard Henri Lévy explique par exemple que «ce qui peut arriver de mieux à un écrivain, c’est que ses livres soient plus intelligents que lui»...
Conversations d'un enfant du siècle, de Frédéric Beigbeder, Bernard Grasset, 370p., 34 fr.40. [LM]
Lontano, de Jean-Christophe Grangé
Pour sa livraison 2015, Jean-Christophe Grangé ficelle une intrigue noire comme la magie yombé. C’est en effet en Afrique que ce passionné d’ésotérisme est allé puiser l’inspiration de Lontano, titre de son dernier roman et nom d’une ville minière du Congo. Grégoire Morvan y a traqué puis arrêté dans les années 70 un tueur au série qui transformait ses victimes en fétiches atrocement mutilés et criblés de pointes. L’Homme-Clou est décédé en institution mais des meurtres portant sa signature sont perpétrés à Paris de nos jours, dans l’entourage de Morvan. Son fils aîné Erwan mène l’enquête qui implique toute sa famille, dans une mise en abîme malsaine et remplie de zones d’ombre.
Lontano, de Jean-Christophe Grangé, Albin Michel, 777 p., 40 fr. 70. [VF]
Le Livre des Baltimore, de Joël Dicker
La dernière page de La Vérité sur l’affaire Harry Québert à peine tournée, qu’on était déjà impatient à l’idée de lire le prochain roman de Joël Dicker. Mais le jeune auteur genevois allait-il, comme son héros Marcus Goldman, caler devant la page blanche, accumuler les insomnies, la main et l’imagination paralysées par l’angoisse de décevoir après un premier succès planétaire? A la lecture de ce Livre des Baltimore, on ne peut qu’inviter son auteur de dormir tranquille. Les nouvelles aventures de Marcus, devenu héros récurent, sont parfaitement à la hauteur. Et pour le coup, c’est nous qui avons essuyé quelques nuits blanches, poussés par la curiosité et le plaisir d’aller encore un peu plus loin. Dans ce Livre, pas d’intrigue policière, mais un mystérieux Drame, dont on ne saisira l’ampleur que dans les tout derniers chapitres. Ici, on parle d’amitié, de liens familiaux, d’amour aussi. Tous ces sentiments éprouvés par Marcus, conforté dans son image de belle personne. Tout aussi honnête en amitié qu’en amour.
Installé en Floride pour y écrire son nouveau roman, l’écrivain replonge dans ses souvenirs et ses amours perdues. Il y a Saul, cet oncle admiré, Alexandra, l’amour de jeunesse. Et Woody et Hillel, ses cousins adorés. Et il y a cette famille, les Goldman de Baltimore et les Goldman de Montclair, unis par un même sang mais séparés par un amer passé. Ce livre des Baltimore nous a bouleversés. Comme le lointain souvenir d’une longue journée d’été passée entre cousins.
Le Livre des Baltimore, de Joël Dicker, Ed. De Fallois, 480 pages, 25 fr. Sortie le 29 septembre 2015. [JS]
Ce qui ne me tue pas (Millénium, Tome 4), de David Lagercrantz
La trilogie de Millénium de Stieg Larsson, c’est 80 millions d’exemplaires vendus dans le monde entre 2005 et 2007, publiés après la mort de l’auteur en 2004. Après une âpre bataille autour de son héritage moral et financier, on attendait impatiemment la suite des aventures de Lisbeth Salander et Mikael Blomkvist, les héros de la saga. Les cinq cents pages du tome 4 une fois dévorées, on n’est pas déçues. Par l’écriture de David Lagercrantz d’abord, qui respecte les codes des précédents romans sans trahir l’univers de Larsson. Par la trame de l’histoire ensuite, qui nous embarque encore une fois dans une intrigue 2.0, avec piratage de l’intranet de la NSA, espionnage industriel et meurtre mystérieux d’un surdoué de l’intelligence artificielle… Avec le duo improbable Lisbeth-Mikael qui mène le bal. Toujours avec le même talent, la même révolte et le même foutu caractère. On adhère, sans réserve.
Ce qui ne me tue pas (Millénium, Tome 4), de David Lagercrantz, Actes Sud Editions, Actes Noirs. 26 fr. 15 chez Payot. [FR]
D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan
Voici une autobiographie qui raconte la vie de Delphine, romancière à succès, saluée par la critique pour son dernier livre consacré à sa mère. «Que vas-tu, que peux-tu écrire après cela?» telle est la question qu'elle se pose. En plein désarroi, victime de vertige lié à la pression de la notoriété, notre héroïne est simplement perdue. Incapable de répondre à LA question qui passe en boucle autour d’elle, souvent posée par ses lecteurs, elle fuit. Une fuite qui est bientôt tourmentée par des lettres anonymes l'accusant d'avoir, dans son roman à succès, livré sa famille en pâture au public. Delphine, fait ensuite fait la connaissance de L. lors d'une soirée amicale, une femme de son âge, la quarantaine. Elles sympathisent, Delphine s'attache à L., se confie, s'abandonne. Mais le tableau n’est pas si rose… La description de cette relation amicale qui dysfonctionne est esthétique et passionnante. Une histoire vraie, belle et habile.
D’après une histoire vraie, de Delphine de Vigan, édition JC Lattès, 478 pages. 33 fr. 60. Parution août 2015. [JM]
La balade des pas perdus, de Brooke Davis
A 7 ans, Millie est déjà toute cabossée par la vie. Son chien est mort, son père aussi, et sa maman l’a abandonnée dans un centre commercial. Karl, lui, a 87 ans et un passé de dactylographe derrière lui. Mais depuis le décès de son épouse, il débloque. Il tapote en l’air, constamment. Son fils l’a fait interner en maison de retraite, mais le vieil homme a pris la poudre d’escampette. Quant à Agatha, 82 ans, elle vit recluse depuis des décennies, ne communiquant avec le monde extérieur qu’en invectivant les passants. A priori, ces trois-là n’ont rien en commun. Et pourtant, le destin va les mettre sur la même route et les lancer, ensemble, dans une course à travers l’outback australien pour retrouver la mère de la jeune Millie. Poétique, décalé, attachant. Mieux: émouvant.
La balade des pas perdus, Brooke Davis, Fleuve Editions. Parution le 8 octobre 2015, environ 29 fr. 50. [EG]
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