révolte en Iran
Mina Kavani: «L’exil est le prix de ma liberté»
Magnétique, «sauvage» et engagée, l’actrice franco-iranienne Mina Kavani, actuellement en tournée avec son spectacle autobiographique I’m deranged, illumine Aucun ours, du réalisateur Jafar Panahi. Lequel purge aujourd’hui une peine de 6 ans de prison pour «propagande contre la République islamique». À l’heure où la situation s’aggrave chaque jour un peu plus dans son pays, elle témoigne.
FEMINA Aucun ours, qui se passe partiellement en Iran, est un magnifique plaidoyer contre la peur et une ode à la liberté de penser et de créer. Comment cela résonne-t-il en vous aujourd’hui?
Mina Kavani J’ai des sentiments très mélangés et contradictoires. D’un côté, je me dis que cette révolte est un signe très positif puisque après quarante-quatre ans de dictature, le peuple est enfin en train de se réveiller et de se lever. Mais… à quel prix? Chaque soir, je me couche en me demandant avec quelle mauvaise nouvelle je vais me réveiller: quelqu’un aura-t-il été arrêté? Persécuté? Exécuté à l’aube? C’est extrêmement violent. En Iran, évidemment. Mais aussi pour nous qui vivons hors du pays.
Une forme de désespoir, en somme…
Oui et non. Avec les arrestations, les condamnations et la répression qui se durcit de jour en jour, je ne vois plus comment garder l’espoir. Pourtant… je sens aussi une énergie folle. Et le fait de vivre constamment avec la mort insuffle une pulsion de vie extrêmement forte chez les Iraniennes et les Iraniens. Et je peux vous dire que ces mouvements ne vont pas s’arrêter – quelles qu’en soient les conséquences!
Comme de nombreux Iraniens et Iraniennes exilé-e-s, vous soutenez énormément les mouvements de révolte, notamment via les réseaux sociaux, tandis que de nombreuses actions de solidarité sont organisées.
Oui, et tous ces mouvements sont magnifiques. Ils donnent du courage aux Iraniens en général, et aux jeunes en particulier, car ils ressentent que leur voix dépasse les frontières. Et ça, pour eux, c’est extraordinaire. Par contre, ce n’est pas suffisant: maintenant, c’est au niveau des gouvernements que les choses doivent se passer. Je ne peux pas vous dire comment mais il est plus que temps que l’Occident «politique» se mobilise!
Red Rose, film sorti en 2014, a marqué un tournant dans votre vie: le fait d’y avoir montré votre corps et vos cheveux «libres» vous a valu de telles menaces du régime que vous avez dû demander l’asile politique en France. Avez-vous parfois des regrets?
L’exil est le prix de ma liberté. Il a un goût amer et c’est évidemment un déchirement. Quand je suis arrivée, il y a une dizaine d’années, je croyais qu’en quittant l’Iran ma vie allait être heureuse, que je venais au soleil… Mais la réalité m’a rattrapée. Et la réalité, c’était que j’étais loin de ma famille et de mes amis, projetée dans une autre culture, dans une autre société.
À l’époque, il m’est même arrivé de me demander si je n’aurais pas mieux fait de rester sous la dictature parce que je réalisais qu’en étant loin je perdais ma colère, mon esprit de révolte et mon côté un peu sauvage – et ça m’attristait beaucoup. Heureusement, j’ai trouvé un juste milieu et je suis très fière de ma décision.
Et si la douleur de l’exil reste toujours, elle est plus facile à supporter que celle que je ressentirais si j’avais renoncé à mon rêve: goûter à ce que veut dire la liberté, goûter le fait d’être une actrice qui peut jouer sans voile ni entraves – comme le résume très bien le fameux slogan «Femmes, vie, liberté» puisque, toute ma vie, j’ai simplement voulu pouvoir vivre libre tout en étant une femme. En restant en Iran, cela n’aurait pas été possible. Donc… des regrets, non!
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