1990 VS 2020
«Les Cœurs Insolents»: Ovidie ausculte l'adolescence
Pas de smartphones, pas de réseaux sociaux, moins de débats s’invitant dans les écoles... L’adolescence était-elle plus cool et plus insouciante dans les années 90? C’est la question qui s’est tout-à-coup imposée à Ovidie en voyant sa fille, Capucine, franchir le cap des quinze ans à l’ère de MeToo, de la woke culture et des polémiques sur la consommation précoce de porno en ligne.
De cette réflexion inspirée par la parentalité sont nés Les Cœurs Insolents (Ed. Marabulles), un roman graphique mis en image par l’illustratrice Audrey Lainé. L’écrivaine, réalisatrice et ex-star du porno y fait résonner le monde de ses 15 ans, en l’occurrence le milieu des années 1990, avec celui des 15 ans de sa fille Capucine. Un dialogue imaginaire entre les époques qui s’avère plutôt malin, s’amusant à souligner les points communs, plus nombreux qu’on pourrait le penser, notamment du côté des aspirations.
Décennie faussement apaisée
«Finalement, j’ai le sentiment que, sur bien des points, on n’a pas une adolescence si éloignée que ça toutes les deux, lançait l’auteure lors d’une interview accordée au magazine Les Inrockuptibles. Certes, le monde a changé mais j’ai l’impression qu’il y a un véritable déterminisme social donc je ressemble à mes parents et ma fille me ressemble.»
Des similitudes, mais quand même de grands écarts, voire des gouffres entre les générations. En particulier avec tout ce qui concerne les mœurs et la sexualité. Décennie souvent présentée avec nostalgie comme plus libre et plus tolérante, les années 90 montraient surtout une fausse tranquillité, une fausse harmonie entre les sexes.
La génération qui dit non
Derrière
les images et les discours décomplexés, harcèlement, sexisme et
violences sexuelles prospéraient dans une atmosphère qui n’était pas
prête à écouter les voix des victimes. «Et je n’avais qu’une trouille,
c’est qu’un jour, la violence du sexisme à laquelle j’étais habituée et
contre laquelle j’étais habituée à lutter puisse se retourner contre mon
enfant», écrit Ovidie.
Pourtant, lueur d’espoir dans ce tableau, les adolescents d’aujourd’hui semblent avoir bien mieux intégré les notions de consentement, d’abus. Les limites sont mieux identifiées. Même si l’adolescence demeure cette aventure individuelle et sociale qui construit autant qu’elle déconstruit. Après plusieurs livres aussi engagés que bien ancrés dans leur temps, Les Cœurs Insolents touchent juste, encore une fois.
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