Fantastica Gaga
«House of Gucci»: Grandeur et décadence à l’italienne
A l’heure où l’Italie se reconfine, une brune fait sensation à Milan courant mars. Il s’agit de Stefani Germanotta, Lady Gaga pour les intimes. Plutôt sage dans son chemisier à pois et sa coupe de Milanaise chic, l’artiste italo-américaine se trouve dans la capitale de la mode pour les besoins du tournage de House of Gucci. Sortie prévue en novembre 2021. Patience! Dirigée par le réalisateur anglais Ridley Scott, à qui on doit notamment Alien, Blade Runner et American Gangster, Gaga est méconnaissable sous les traits de Patrizia Reggiani, la redoutable, la dangereuse épouse de Maurizio Gucci, petit-fils et héritier de la famille florentine. La veuve noire, comme la surnomment les tabloïds. Une personnalité hors normes à faire passer la Glenn Close de Liaison fatale et des Liaisons dangereuses pour une enfant de chœur.
Quelques mois après le décès de l’enfant terrible Franco Moschino, emporté des suites du sida à 44 ans, et deux ans avant le meurtre de Gianni Versace, un beau matin de juillet devant sa demeure à Miami Beach, en 1997, l’héritier de l’empire Gucci se fait tirer dessus sous le porche du bureau milanais de la maison de luxe griffée du double G, le 27 mars 1995.
Faites entrer l’accusée
Quelques tirs suffisent à conclure la sordide mission: trois balles de revolver dans le dos suivies d’une quatrième, fatale, dans la tempe. Affligé, le portier de l’immeuble assiste à la scène et tente – malgré la balle qu’il a lui-même reçue dans le bras – de sauver l’homme à l’agonie. En vain. L’Italie se passionne aussitôt pour ce meurtre réunissant tous les ingrédients du meilleur des polars: luxe, fortune, jet-set et trahisons. Les médias transalpins s’affolent. Serait-ce un règlement de comptes mafieux? Il faut dire que le contexte est sulfureux. Deux ans auparavant, Maurizio Gucci avait cédé les 50% du capital qu’il détenait à Investcorp, un fonds d’investissement de Bahreïn. Au passage, il avait empoché 200 millions de dollars. Un petit pécule s’il en est. Surtout, il s’apprête à se remarier. Après les rumeurs les plus loufoques, les regards se tournent rapidement vers Patrizia Reggiani.
Après deux ans de cafouillage, l’enquête mène sur la piste d’Ivano Savioni. Ce Milanais de 40 ans qui avouera après coup avoir été l’homme de main de la sulfureuse divorcée, celui qui a élaboré le plan avec deux exécutants. L’amie intime et voyante de Patrizia, Giuseppina Auriemma, aurait joué les entremetteuses. Placés sous écoute, la voyante et Savioni dévoilent le pot aux roses aux enquêteurs lors d’une conversation téléphonique précisant le coût de l’opération pour Patrizia: 600 millions de lires, soit environ 330 000 francs. Le 31 janvier 1997, les suspects sont arrêtés par la police italienne. Le procès de Patrizia Reggiani est à son image, excentrique. «Je suis innocente!» clame-t-elle malgré les preuves qui l’accablent. Elle est condamnée à 26 ans de prison. Pragmatique jusqu’au bout de la logique de son personnage, elle refuse une semi-mise en liberté en 2011, consistant en une alternance entre le cachot et un emploi. «Je n’ai jamais travaillé de toute ma vie, ce n’est certainement pas maintenant que je vais commencer!» claironne-t-elle alors.
Veuve noire cherche emploi… chez Gucci
Ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire la grimace, dit l’adage. Aussi, lorsqu’elle voit sa peine écourtée pour bonne conduite et sort de prison après 18 ans, en octobre 2016, Patrizia se rue faire du shopping Via Monte Napoleone, l’avenue la plus chic de Milan. Perché sur son épaule, son perroquet, Ara, ne la quitte plus. Aux journalistes qui se délectent d’autant d’extravagance, elle n’est pas avare en confidences croustillantes. Quand un reporter lui demande: «Patrizia, pourquoi avoir engagé des hommes pour tuer Maurizio Gucci? Pourquoi ne pas avoir tiré vous-même?» elle répond du tac au tac: «Ma vue est mauvaise, je n’aurais pas voulu le rater.» Aussi, elle profite de sa couverture médiatique pour passer l’annonce: à 68 ans, il va bien falloir qu’elle se mette à travailler. «De préférence chez Gucci», précise-t-elle, dont elle dit connaître les valeurs par cœur. Une lubie professionnelle de courte durée.
En 2017, elle obtient une rente annuelle de plus d’un million de francs de la part de la succession Gucci, à la suite d’un accord signé en 1993. Si l’aventure rocambolesque du couple se termine par une tragédie, tout avait pourtant si bien commencé au début des années 1970. Lorsqu’ils se rencontrent, ils font les 400 coups, de Milan à New York, de Londres à Portofino. L’argent coule à flots, la nuit ne s’arrête jamais. Le rêve se fissure lorsque Maurizio reprend les rênes de l’entreprise, à la mort de son père, Rodolfo, en 1983. Mauvais en affaires, il subit les humeurs de son épouse qui lui fait vivre l’enfer. Jusqu’au jour où, soûlé, il quitte le domicile conjugal pour refaire sa vie avec d’autres. Un écart de conduite que Patrizia ne lui pardonnera jamais.
House of Gucci, de Ridley Scott, avec Lady Gaga, Camille Cottin, Jared Leto, Adam Driver, Robert de Niro, Al Pacino, Jeremy Irons... sortie prévue en novembre 2021.
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