Dans les coulisses du spectacle
Cirque du Soleil: Daniela, accessoiriste aux doigts de fée
Présenté à Genève jusqu’au 3 juillet 2022 par le Cirque du Soleil, Luzia est un spectacle total et superlatif. Un voyage enchanteur dans un Mexique fantasmé à la fois époustouflant, émouvant, luxuriant, haut en couleurs et festif, où alternent humour et émotions, lumières éblouissantes et pluie tropicale (si, si!)... Bref, une merveille!
Née dans l’imagination débridée de la dramaturge Julie Hamelin Finzi, malheureusement décédée en 2016, et de l’auteur-metteur en scène tessinois Daniele Finzi Pasca, notamment reconnu pour avoir œuvré à la Fête des Vignerons, cette joyeuse et féérique dinguerie doit évidemment énormément au talent fou et à la virtuosité des quarante-deux acrobates, jongleurs, équilibristes, contorsionniste, trapézistes, danseurs et musiciens venus du monde entier pour lui donner vie.
Mais aussi à l’ingéniosité, à l’inventivité et au savoir-faire des artistes qui s'activent dans l’ombre - ces petites mains qui, gérant le pratique, la logistique ou la technique au sens large, en assurent la réalisation et permettent à la magie d'opérer pleinement.
Parmi ces perles, une femme indispensable: Daniela Romero Pasin, cheffe accessoiriste. Comment cette trentenaire argentino-espagnole qui a grandi à La Tour-de-Peilz (VD) - son père était employé chez Nestlé - vit-elle cette existence au Soleil? Rencontrée à Barcelone, où la troupe de Luzia avait planté son chapiteau ce printemps, elle raconte…
Interview
FEMINA Comment votre aventure avec le Soleil a-t-elle commencé?
Daniela Romero Pasin Grâce aux hasards de la vie! Après une enfance passée sur les bords du Léman, je me destinais à être comédienne. De par ma trajectoire familiale et personnelle, je suis partie en Espagne, où j’ai fondé une petite compagnie théâtrale. Or, comme je devais m’occuper de tout, j’ai gentiment et naturellement glissé vers la direction artistique de mes shows et pris en main les costumes, les décors… non seulement pour mes propres spectacles mais aussi pour ceux que préparaient mes amis! Et puis à l’occasion de la tournée de Corteo, il y a une dizaine d’années, j’ai eu la chance que le Cirque ait besoin de mes services comme assistante locale aux costumes - ce qui est un énorme travail, au passage, car il faut veiller tous les jours, avant chaque représentation, à ce que tout soit complètement impeccable, aussi bien en termes de propreté que de couture, d’ajustement, etc. Mais bref, de locale, je suis devenue permanente et ai donc pu participer aux tournées!
Donc vous étiez aux costumes et vous voilà aux accessoires!
C’est vrai… Je ne saurais pas dire exactement comment ça s’est passé mais comme je suis bricoleuse et que j’ai en effet un certain talent avec mes mains, le changement s’est opéré au fond assez logiquement…
Cela fait donc dix ans que vous tournez avec le cirque?
Oui, mais je n’ai finalement pas fait grand-chose: après quatre ans sur Corteo, je me suis embarquée sur le projet Luzia... un très joli titre qui est une contraction des mots espagnols luz (lumière) et lluvia (pluie)! En clair, cela fait depuis la création, il y a 6 ans, que je tourne avec Luzia!
C’est long, non?
Oui mais non! Normalement, on change, on passe d'un spectacle à l'autre (Le Cirque du Soleil, fondé en 1984 au Québec, compte actuellement 18 productions à thématiques - 10 shows en tournée dans le monde et 8 fixes, ndlr). Mais il y a eu la pandémie et tout s’est arrêté pendant deux ans. Du coup, quand on a enfin pu reprendre, il a été décidé qu’il était plus simple de remonter et relancer le spectacle avec l’équipe qui le connaissait. Ce d’autant que côté infrastructures,
Vous participez à cet exploit?
Pas directement. Moi, je m’occupe de maintenance, de l’entretien de tout ce qui est décor et suis en charge de l’apparence de tous les accessoires et objets acrobatiques que l’on voit sur scène!
La scène, justement… elle ne vous manque pas?
Si. Je suis ravie d’être dans la technique parce que j’aime travailler et créer avec mes mains - mais je dois avouer que retourner dans le département artistique pour être plus dans la création scénique me titille beaucoup aussi - ce d’autant plus que j’adore la mise en scène.
Vous avez des envies, des idées qui vous trottent dans la tête?
Bien sûr! Mais les concrétiser… c’est plus compliqué: en tournée, on travaille vraiment énormément, on finit tard et pendant les temps libres, on a aussi besoin de se reposer. Donc l’un dans l’autre, il n’y a pas beaucoup de place pour d’autres projets!
C’est intense, donc. Mais pratiquement, comment se passe une vie de tournée?
Eh bien très simplement, en fait! C’est comme pour n’importe qui - sauf qu’on vit dans des hôtels ou des appartements meublés et que tout ce qui est personnel finit par se mêler au travail parce qu'on habite ensemble, on bosse ensemble, on mange ensemble, on passe notre temps libre ensemble…
Ce n’est pas lourd, parfois?
On s’organise! La vérité, c’est qu’une troupe, c’est une vraie famille. Avec ce que cela implique de fantastique ou de potentiellement plus compliqué: on n’a pas forcément des atomes crochus avec tout le monde - mais on n’en a pas toujours non plus avec tous nos parents - qu’il s’agisse de papa-maman, frères-sœurs, oncles, tantes, cousins, etc.! Cela dit, pendant une tournée, on crée des amitiés qui n’auraient peut-être pas pris si on était dans une vie «normale». C’est justement ça qui est très fort, très beau et très intéressant:
Vos proches ne vous manquent-ils pas?
Mes autres proches, vous voulez dire?!... On peut aller les voir pendant nos vacances - alors franchement, ce n’est pas un problème!
Et le fait que la technique soit un milieu assez masculin, ce n’est pas compliqué à gérer?
Oui et non. Pour cette tournée, dans une équipe technique de 20 personnes, nous ne sommes que deux femmes… autant dire que cela manque de diversité et que nous ne faisons pas le poids! Dans les faits, nous travaillons harmonieusement avec de bonnes personnes et c’est plutôt une dynamique de base qui est à faire évoluer: il n’y a pas de machisme actif mais plutôt un système traditionnellement patriarcal et paternaliste et une manière de prendre les décisions sans méchanceté aucune mais avec une seule couleur. Si bien que je me sens parfois au volant d’une voiture qui n’aurait qu’une seule vitesse: je ne peux pas conduire de manière aussi fluide que si nous évoluions dans un milieu plus équilibré en termes de mixité.
Luzia, présenté par le Cirque du Soleil, à déguster du 28 mai au 3 juillet 2022 à Genève...
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