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Césars 2020: «Désormais on se lève et on se barre»
Comme Florence Foresti, maîtresse de cérémonie des Césars, Virginie Despentes n’a pu dissimuler son écœurement. Scandalisée par le prix du meilleur réalisateur attribué à Roman Polanski, la romancière a pris la plume pour affirmer haut et fort son soutien à Adèle Haenel et à toutes celles et ceux que l’industrie du cinéma ne cesse de piétiner, d’humilier. Dans une tribune parue dans «Libération», elle s’attaque ainsi aux «puissants, boss, chefs et gros bonnets» qui ne se sont pas seulement contentés d’offrir 25 millions de budget au réalisateur franco-polonais pour «J’accuse» (soit 14 fois le budget des «Misérables», sacré «meilleur film», comme le rappelle la féministe), ils ont été jusqu’à lui remettre la plus prestigieuse des statuettes.
«Vous serrez les rangs, vous défendez l’un des vôtres», condamne-t-elle, citant toutes les entreprises qui ont financé «J’accuse»: Gaumont Distribution, les crédits d’impôts, France 2, France 3, OCS, Canal+, la RAI… «Les plus puissants entendent défendre leurs prérogatives: ça fait partie de votre élégance, le viol est même ce qui fonde votre style. La loi vous couvre, les tribunaux sont votre domaine, les médias vous appartiennent. Et c’est exactement à cela que ça sert, la puissance de vos grosses fortunes: avoir le contrôle des corps déclarés subalternes.»
Silence, soumission et servitude
Virginie Despentes pointe également du doigt l’hypocrisie du cinéma: «Florence Foresti est la seule à oser faire une blague sur l’éléphant au milieu de la pièce, tous les autres botteront en touche. Pas un mot sur Polanski, pas un mot sur Adèle Haenel. On dîne tous ensemble, dans ce milieu, on connaît les mots d’ordre: ça fait des mois que vous vous agacez de ce qu’une partie du public se fasse entendre et ça fait des mois que vous souffrez de ce qu’Adèle Haenel ait pris la parole pour raconter son histoire d’enfant actrice, de son point de vue».
Pour l’écrivaine, il n’y a pas de hasard quant au fait que «Portrait de la jeune fille en feu», film réalisé par Céline Sciamma et dans lequel joue Adèle Haenel, n’ait reçu aucun des grands prix lors de la cérémonie. Silence, soumission, servitude étaient les maîtres mots vendredi 28 février. «Il s’agit de bien faire comprendre aux victimes qui pourraient avoir envie de raconter leur histoire qu’elles feraient bien de réfléchir avant de rompre la loi du silence», note-t-elle.
«Une robe de soirée portée à la guerrière»
L’auteur de «King Kong Théorie» n’a pas manqué d’afficher son soutien infaillible à la comédienne qui a immédiatement quitté la salle Pleyel lors de l’annonce du prix à Polanski. «C’était le sacrilège en marche. Une employée récidiviste, qui ne se force pas à sourire quand on l’éclabousse en public, qui ne se force pas à applaudir au spectacle de sa propre humiliation.»
Fanny Ardant ne partage probablement pas le point de vue de la romancière, étant donné qu'à l'issue de la cérémonie, l'actrice a déclaré: «Quand j'aime quelqu'un, je l'aime passionnément. Et j'aime beaucoup Roman Polanski, donc je suis très heureuse pour lui». Mais suite au malaise palpable durant toute la soirée, les Césars devront se poser les bonnes questions si la remise des prix souhaite perdurer. L’Académie devra se réinventer, le cinéma français est désormais forcé d’évoluer avec son temps, avec #MeToo, avec celles et ceux qu’il oppresse. Adèle, Céline, Florence et Virginie se sont levées, même si elles sont «celles d’en bas». Et Despentes de conclure: «On se lève et on se casse. C’est terminé. On se lève. On se casse. On gueule. On vous emmerde.»
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