littérature
7 romans mythiques sur les amours de vacances
Appelle-moi par ton nom, d'André Aciman, 2007
Quand l'idylle d'un été demeure un souvenir intact
Un été marqué par le désir et l'attraction irrépressible pour un bel et brillant chercheur. Voilà ce qui hante la mémoire d'Elio. Il se rappelle particulièrement de cette saison, à la fin des années 80, où son père, comme chaque année, avait invité un universitaire prometteur à séjourner à la maison. Cette fois, c'était Oliver, un séduisant Américain.
L'été était alors devenu ce palais des glaces où l'on se cherche, on s'observe, on se dérobe ou l'on s'abandonne à tant de reflets fascinants. Avec ce livre à forte charge érotique, tissé d'une langue élégante et sensuelle, André Aciman a écrit le grand roman contemporain sur la puissance des amours estivales et la permanence de leur souvenir pour toute l'existence. Timothée Chalamet et Armie Hammer ont interprété les deux amants dans une adaptation au cinéma sortie en 2017.
Sur la route de Madison, de Robert James Waller, 1992
Quand un amour impossible hante toute une vie
Dans le nord-ouest des Etats-Unis, l'été 1965 est moite et aveuglant. Comme la rencontre entre Francesca Johnson et Robert Kincaid. Elle est une mère au foyer dévouée, il est un photographe vedette parcourant la planète pour un bon cliché. Et c'est un banal tas de ferraille qui va se faire croiser leurs existences pourtant aux antipodes l'une de l'autre.
Venu photographier les fameux ponts métalliques couverts de la région, Robert sollicite en effet l'aide de Francesca pour le guider vers les ouvrages intéressants. Il est tombé par hasard sur cette jolie jeune femme, laissée à la maison par le mari et les enfants partis écumer une foire dans l'Illinois le temps de quelques jours. Comme dans un tango trop pudique pour s'avouer torride, les deux âmes – et corps – solitaires se trouvent, se séduisent, se tournent autour sans pourtant oser céder à la tentation.
Mais pour Francesca, suivre cet homme si différent signifie l'abandon d'un mari aimant et d'enfants chéris plus que tout. L'issue de ce dilemme a tiré les larmes à des millions de spectateurs avec l'adaptation du roman au cinéma par Clint Eastwood, qui livra l'un de ses films les plus bouleversants. L'un des plus féministes, aussi.
Belle du seigneur, d'Albert Cohen, 1968
Quand l'été est le paroxysme de la passion
Roman de l'absolu, par son style comme par sa thématique, le chef-d'œuvre de l'écrivain suisse ausculte la relation passionnelle entre Solal, haut cadre aux Nations Unies, et Ariane, dont le mari est lui aussi fonctionnaire international. Leur idylle naissante, narrée dans une langue luxuriante aux frontières de la poésie, culmine lors d'un été où les amants vivent un amour autant physique que mystique.
Les mois suivants, cependant, sont moins marqués par cet état d'apesanteur. Avec le temps, les jalousies s'installent. Ariane n'a pas encore quitté son époux.
Ce somptueux roman a été porté au grand écran avec Jonathan Rhys-Myers et Natalia Vodianova dans les rôles titres, bien que la beauté de la langue si caractéristique du livre se soit quelque peu perdue au passage.
Le blé en herbe, de Colette, 1923
Quand l'air marin fait naître le désir
Ce roman de la grande écrivaine française fit scandale à sa parution, et pour cause: il dépeint la naissance d'un amour de vacances sous l'angle du désir charnel. Une audace certaine à l'époque où l'on tend à intellectualiser les relations amoureuses et à pratiquer l'ellipse dès qu'on se rapproche de la chambre à coucher.
Le blé en herbe est le récit de deux amis adolescents parisiens, Vinca et Phil, dont les expériences estivales à Saint-Malo, d'abord vécues en parallèle, vont finir par les rapprocher. Pour Vinca, quinze ans, cette villégiature en Bretagne va ainsi la rendre consciente de l'impact qu'une femme peut avoir sur les mâles de tous âges.
De son côté, Phil perd sa virginité avec une femme plus âgée que lui,
avant de s'apercevoir qu'il regarde désormais Vinca avec des yeux
différents. Les deux ados se rapprochent alors inexorablement. Le récit
culmine avec une scène d'amour où l'érotisme le dispute au non-dit: «Il
entendait son souffle trembler dans sa voix, et il tremblait aussi. Il
retournait sans cesse à ce qu'il connaissait le moins d'elle, sa
bouche.»
La Mort à Venise, de Thomas Mann, 1912
Quand le coup de foudre est mortel
Gustav von Aschenbach est un écrivain un peu bourgeois qui n'a plus grand chose à prouver. Mais cet auteur à succès, habitué que le monde entier tourne autour de lui, va soudain expérimenter le sentiment d'être terrassé par quelque chose de plus puissant que sa renommée et son ego. Lors d'un séjour à Venise, alors ravagée silencieusement par une épidémie de choléra, l'Allemand est bouleversé par la plastique surnaturelle d'un jeune homme polonais, Tadzio, croisé dans son hôtel.
Dès lors, fasciné par ce visage qui semble incarner la beauté la plus inaccessible, l'auteur se perd bientôt entre ruminations et réalité, perdant tous ses repères d'homme mûr qui se croyait apaisé, errant dans la cité des Doges jusqu'à perdre pied avec la réalité. Contaminé par le choléra au bout de quelques jours passés à arpenter la ville, il meurt sur sa chaise-longue, face à la lagune, en contemplant une dernière fois celui qui a fait voler ses certitudes et son confort en éclat.
La dame au petit chien, d'Anton Tchekhov, 1889
Quand un coup d'un soir devient un amour obsessionnel
Grand maître de la psychologie, portraitiste humble mais incisif, le plus grand dramaturge russe a également excellé dans l'art de la nouvelle. Ici, en moins de cent pages au style limpide, il examine au scalpel les conséquences de ce qui semble n'être qu'un banal flirt de vacances. Ce chef d'œuvre très accessible de la littérature nous projette ainsi dans les pensées de Dmitri Gourov, un banquier de Moscou en séjour dans la station balnéaire de Yalta, au bord de la mer noire.
Il y fait la rencontre d'Anna, une jeune femme solitaire, mariée mais
délaissée, seulement accompagnée d'un petit spitz. Gourov, sexiste
indécrottable, nourrit pour elle un désir à la fois opportuniste et
presque condescendant, trouvant à redire à ses manières, à son physique,
façon de se persuader qu'il mène le bal. Après moult tergiversations,
ils deviennent finalement amants.
Gourov repart à Moscou mais découvre progressivement, semaine après
semaine, qu'Anna, la petite dame un peu timide de Yalta, hante ses
pensées, au point de vouloir à tout prix la revoir. Lui qui pensait
maîtriser le jeu de cette simple idylle de vacances se retrouve
tourmenté et amoureux fou d'une femme habitant à des centaines de
kilomètres de là. Un virage mental imprévisible, un piège auto-infligé,
que Tchekhov se plaît à dépeindre avec la rigueur d'un entomologiste
observant un insecte tournant désespéramment en rond dans un bocal.
Premier amour, d'Ivan Tourgueniev, 1860
Quand votre amour de vacances préfère les bras d'un autre
En vacances dans la datcha familiale, Vladimir, seize ans, compte profiter de l'été pour réviser et préparer son entrée à l'université. Mais il n'avait pas prévu Zénaïde. Cette jeune princesse de 21 ans, descendante d'aristocrates ruinés, occupe une maison non loin de là avec sa famille. L'étudiant est immédiatement fasciné par la personnalité fantasque et la beauté de sa voisine.
Il n'est d'ailleurs pas le seul: la jeune fille attire dans les parages tous les célibataires mondains de la région, qui se pressent pour étaler leur charme et leur science lors de soirées que Zénaïde anime avec panache. Vladimir découvre tout à coup les vertiges du désir, de l'envie, de la jalousie, du manque, de la frustration aussi, celle d'être rabaissé au statut de cadet face à des rivaux plus flamboyants. Un premier amour unilatéral qui lui renvoie en pleine figure ses complexes adolescents.
Tandis que la princesse ressent pour lui une affection à peine plus que platonique, se refuse, joue au chat et à la souris avec son jeune voisin durant des semaines, elle va finir par s'abandonner à une relation charnelle presque animale avec Piotr, un officier de quarante ans, sûr de lui, qui n'est autre que le père de Vladimir... Celui-ci surprend plusieurs fois son géniteur et l'objet de ses fantasmes batifoler sauvagement dans des lieux incongrus.
Un triangle amoureux à l'étrange mécanique œdipienne qui se révèle d'ailleurs être autobiographique. On comprend mieux pourquoi Tourgueniev eut pendant toute sa vie un rapport plutôt compliqué à la figure paternelle.
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