littérature
11 livres qui invitent au voyage et à l'introspection
Vent d’âme
Vibrez, avec des romans qui racontent les émotions au centre de nos points cardinaux
La Nouvelle éducation sentimentale, de Guillaume Devaux
Comme beaucoup, Arthur, pas encore 30 ans, cherche l’amour et utilise pour ça les outils de son temps: Tinder, Happn, etc. On suit, en mode voyeur, ses aventures sensuelles et sentimentales, pas toujours très classe mais terriblement authentiques, sur fond de confinement. Dédicacé «à tous les swipers», ce roman en «je» est une pure manifestation de la génération «moi moi moi». Il parlera néanmoins à celles et ceux nés avant ou après 1990, avec l’objectif annoncé (et atteint) de déculpabiliser les utilisateurs de Tinder (comme ceux qui hésitent encore). [VF]
(Ed. Albin Michel)
Journal amoureux, de Benoîte Groult et Paul Guimard
Si l’on connaît Benoîte Groult pour son militantisme féministe, sa plume extraordinaire ou ses prises de position courageuses, on oublie souvent qu’elle était aussi une grande amoureuse. C’est justement ce que rappelle (notamment) ce Journal amoureux 1951-1953 qu’elle écrivit avec Paul Guimard. Au fil des pages, en un doux quatre mains, on suit l’itinéraire d’un jeune couple au début des années 50. Tout comme on déguste leur complicité, leur talent d’écriture et la naissance du féminisme de Madame Groult. Au passage, on ne remerciera jamais assez Blandine de Caunes, fille de Benoîte, d’avoir publié (et sensiblement préfacé) ce magnifique témoignage. [SG]
(Ed. Stock)
La Quête (ou éventuellement un titre bien meilleur), d’Anne Depetrini
En dix chapitres et presque autant d’éclats de rire, la comédienne et réalisatrice Anne Depetrini raconte sa quête. Celle qu’elle mène pour trouver le bonheur depuis que son premier chagrin d’amour l’a jetée dans son premier travail thérapeutique, à la fin des années 90. Du cabinet d’une psy à l’antre d’une voyante, d’une astrologue qui disserte de Mercure rétrograde ou d’un magnétiseur qui rote, Anne égrène ses expériences pour faire de sa vie un monde meilleur, si possible avec un amoureux au bras. On s’y reconnaît, on rit (beaucoup) et, surtout, son récit personnel qui finit plutôt bien donne envie d’entamer soi-même sa propre quête, si ce n’est pas déjà fait. [FR]
(Ed. Flammarion)
Vent du sud
Plongez dans ces histoires passionnantes qui sentent bon la Grèce et la Sardaigne
La Cité de larmes, de Kate Mosse
Depuis le best-seller Labyrinthe, sorti en 2005, on sait que Kate Mosse (l’auteure, pas le mannequin!) aime l’histoire, la France et plus particulièrement l’Occitanie, que l’on découvre sous différents aspects dans la majorité de ses romans. On n’est donc pas surpris qu’elle y situe sa nouvelle trilogie, dont le tome deux, La Cité de larmes, vient de sortir. S’il n’est évidemment pas question de divulgâcher, disons tout de même que le récit commence en mai 1572, qu’il y est question des guerres de Religion qui ravagent le pays et du destin forcément hautement compliqué de l’héroïne, l’attachante Minou Joubert. Une saga haletante et passionnante à côté de laquelle il serait vraiment dommage de passer. [SG]
(Ed. Sonatine)
Billy Wilder et moi, de Jonathan Coe
Jonathan Coe fait partie de ces auteurs sans qui le monde serait moins beau. Moins drôle. Moins tendre. Pour le coup, c’est avec beaucoup d’impatience qu’on attendait son nouvel opus. Une attente largement récompensée puisque Billy Wilder et moi est (ô non surprise!) un vrai bijou. L’histoire? Raconté en mode «je» et notamment situé en Grèce, le récit suit Calista, une compositrice de 57 ans qui se souvient avec nostalgie de sa rencontre avec Billy Wilder puis du tournage de Fedora – l’avant-dernier long métrage du réalisateur auquel elle avait participé en 1977. Hommage plein d’humour et de tendresse à ce cinéaste que l’écrivain révère, ce roman initiatique est du Coe pur sucre. Autant dire qu’on savoure… avant de re-re-revoir goulûment Fedora! [SG]
(Ed. Gallimard, coll. «Du monde entier»)
Une saison douce, de Milena Agus
C’est un petit village de Sardaigne. On y cultive l’ennui et les artichauts. Dans ce hameau déserté par les jeunes générations, la vie s’écoulait, immuable et racornie, jusqu’à ce que débarquent des migrants encadrés par une poignée d’humanitaires. Entre les locaux un peu frustes et les réfugiés provisoirement installés dans une maison en ruine insalubre, difficile de dire qui est le plus surpris. Milena Agus s’empare d’un thème brûlant d’actualité pour en faire une sorte de fable contemporaine. La peur, la défiance, la curiosité, l’empathie et les malentendus irriguent cette confrontation forcée entre deux microcosmes que tout sépare. Ou presque. [GC]
(Ed. Liana Levi)
Vent du nord
Frissonnez devant ces récits glaçants venus d’Islande et de Suède
1794, de Niklas Natt och Dag
Vous aviez aimé 1793 et vous étiez fan du héros, Jean Michael Cardell? Réjouissez-vous, il est de retour dans 1794! Et si vous ne le connaissez pas… jetez-vous dans ce pavé tout simplement formidable. L’intrigue? Nous sommes à la fin du XVIIIe siècle. Plus traumatisé et désespéré que jamais, Cardell, invalide de guerre reconverti en enquêteur, nous entraîne dans une Suède pas spécialement reluisante (et ce n’est rien de le dire!) pour tenter de débusquer d’immondes criminels. Non, non, on n’en dira pas plus. Bon à savoir, tout de même: l’atmosphère franchement glauquissime de ce thriller historique ne conviendra pas aux âmes (trop) sensibles. Mais si on supporte, on crie au génie. Carrément. [SG]
(Ed. Sonatine)
Elma, d’Eva Björg Aegisdottir
Prenez un bourg isolé du fin fond de l’Islande et faites-y revenir Elma, une enquêtrice de la brigade criminelle de Reykjavik qui avait naïvement cru pouvoir s’en échapper. Ajoutez le cadavre d’une femme apparemment sans histoire découvert au pied d’un phare. Et laissez mitonner le tout dans une atmosphère pas franchement jouasse. Vu comme ça, la recette du premier roman de l’Islandaise Eva Björg Aegisdottir n’a rien de bien original pour qui aime le polar nordique. Mais qu’on ne s’y trompe pas: la jeune autrice fait montre d’une adresse et d’une intelligence redoutables pour nous «choper» – et ce jusqu’au twist final. Une plume à suivre! [SG]
(Ed. La Martinière)
Vent d’est
Que des beaux bouquins à l’est de Berlin! Laissez-vous emporter par les récits qui viennent de Pologne ou de Russie
Zouleikha ouvre les yeux, de Gouzel Iakhina
Dans les années 1930, au Tatarstan, au cœur de la Russie musulmane, Zouleikha a quinze ans. Elle est mariée à un homme cruel et bien plus âgé qu’elle. Pendant la dékoulakisation menée par Staline, le mari est assassiné et Zouleikha déportée en Sibérie. Un voyage de plusieurs mois. En chemin, elle découvre qu’elle est enceinte. Avec ses compagnons d’exil, paysans et intellectuels, chrétiens, musulmans ou athées, elle participe à l’établissement d’une colonie non loin du fleuve Ienisseï, en Sibérie orientale. Elle donnera naissance à son fils, trouvera l’amour, et paradoxalement la liberté d’être elle-même. Zouleikha est un des plus beaux personnages féminins de la littérature. Le récit tient de l’épopée, la langue est merveilleuse, on dirait du Pouchkine. Traduit en cinquante langues, le livre sort en poche en août 2021. Son deuxième roman, Les Enfants de la Volga, paraîtra également aux mêmes dates, et l’auteure sera présente à Morges, au Livre sur les quais. [GS]
(Ed. Noir sur Blanc)
Histoires bizarroïdes, d’Olga Tokarczuk
Lauréate du Prix Nobel de littérature en 2018, Olga Tokarczuk nous offre un recueil de nouvelles qui vient confirmer l’étendue de son talent: qu’elle se penche sur les époques passées ou qu’elle s’amuse à imaginer celles du futur, elle a toujours le souci d’éclairer le temps présent et ne se défile devant aucune des questions qui se posent aujourd’hui à nous. L’esprit d’enfance, le désir d’immortalité, le rapport à la nature, la fragilité de la civilisation… Jamais Olga Tokarczuk ne tombe dans la complaisance du pessimisme. Elle dit aussi que le bizarre est beau, et que l’étrangeté qui nous habite nous rend encore plus humains, et vivants. [GS]
(Ed. Noir sur Blanc)
Ce n’était que la peste, de Ludmila Oulitskaïa
Une épidémie galopante qu’il faut stopper à tout prix, un pays en mode paranoïa collective, un dirigeant devenu dictateur méticuleux… En 1988, une certaine Ludmila Oulitskaïa, auteure quasi inconnue à l’époque en Russie, se présente à un concours littéraire avec un texte surprenant entre histoire et science-fiction. Elle y imagine l’Union soviétique de Staline soudain aux prises avec une vague de peste particulièrement contagieuse et mortelle. Hautement prémonitoire dans la description d’une autorité qui doit tout à coup tracer les citoyens et les contrôler, l’auteure de Sonietchka manie surtout la métaphore pour dénoncer les purges staliniennes et le climat de chasse à l’homme qui traumatisa le pays dans les années 30. Un livre enfin traduit en français. Merci la pandémie? [NP]
(Ed. Gallimard)
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