Skincare
CBD en cosmétique: Top ou flop?
Nous sommes en 2017, le cannabidiol a été légalisé en Suisse: les boutiques spécialisées se multiplient et les marques lancent une myriade de produits estampillés «CBD». Sérums, crèmes pour les mains, baumes à lèvres, tout y passe... Deux ans plus tard, la tendance persiste. Malgré l’épidémie de Covid, la substance n’a cessé d’être prisée pour son côté naturel et ses bienfaits apaisants. Mais voilà, en 2024, les entreprises qui avaient parié sur le CBD quittent le marché de la beauté et d’autres suppriment discrètement certains articles de leurs rayons.
Les clés sous la porte
En effet, l’ingrédient semble être passé de la phase (méga)boom à la récession. Sur le site internet de Manor, les produits enrichis en CBD proviennent essentiellement de cinq marques: Garnier Bio, I.D. Swiss Botanicals, Swiss CannaMed, Nature Box et Osiris. À noter que certains articles ne sont pas des cosmétiques à proprement parler mais des huiles calmantes à appliquer de manière externe ou à ingérer. Dans l'ensemble, les marques ne misent plus sur le CBD et les nouveautés à base de chanvre ou de molécules de chanvres se font rares. Chez The Body Shop, la boutique en ligne suisse propose tout de même quelques best-sellers contenant l'actif. En revanche, pas de nouveauté à l'horizon pour le moment. Surprenant quand on sait que la fondatrice, Anita Roddick, fut l’une des premières à proposer des articles de ce genre.
Aux États-Unis, la substance a pris de l’ampleur dans les cosmétiques au moment de l’adoption du Farm Bill de 2018. Le chanvre est ainsi devenu légal, à condition que sa teneur en THC soit inférieure à 0,3%. Après son autorisation, certains pensaient que le marché allait être inondé, c’est ce qui s’est produit – du moins pendant un certain temps… Lord Jones, une marque américaine considérée comme leader dans le domaine, a cessé ses activités dans le pays en mai 2023. Sa petite sœur, Happy Dance, cofondée par l’actrice Kristen Bell, a, quant à elle, complètement fermé ses portes.
Publicité et mauvaise réputation
Mais alors, pourquoi l’engouement n’est-il plus au rendez-vous? «La tendance s’est imposée de manière très rapide et sans règles strictes, indique Anne-Sophie Bongain-Decosne, ingénieure spécialisée en chimie et fondatrice de Nutrition Cosmetics Creation à Genève. Résultat: certaines marques ont cessé de s’intéresser au CBD». Pour la spécialiste, ce marché a vu défiler beaucoup d’acteurs d’un coup. Le trop-plein d’offres – pas toujours de qualité – n’a pas contribué à fidéliser la clientèle.
Autre problème: dans leurs conditions générales, les émetteurs de carte (VISA, Mastercard, American Express) interdisent le commerce d’articles à base de molécule de chanvre. «Un détaillant, que cela soit en vente physique ou en vente en ligne, doit donc contracter un service de paiements, comme POWERPAY. Ces sociétés font la passerelle entre les vendeurs et les émetteurs de cartes», nous précise Johan Peerbolte, fondateur de Happy Officine. Il ajoute qu’il est possible de contourner la situation mais cela demande de signer des contrats spécifiques avec ces entreprises, de leur soumettre des résultats d’analyse en laboratoire pour chaque produit et de payer de frais annuels de gestion, par exemple… Bref de quoi rendre les choses encore plus complexes!
Dernier point et pas des moindres: la publicité. Les marques vendant des produits à base de CBD sont parfois confrontées à des restrictions. Il reste difficile, voire impossible, de faire de la pub pour ce type de cosmétiques sur les réseaux sociaux ou via Google (Adwords, Google Shopping…).
Un marché en phase d’alignement
Comme le rapporte le magazine Allure, en été 2023, Typology a été signalée par Google pour avoir tenté de lancer ses produits à base de cannabidiol aux États-Unis. L’entreprise a essayé de lever l’interdiction, mais le mal était fait: la société a dû retirer ses gammes des rayons américains.
Force est de constater que la mauvaise réputation du cannabis est tenace. De quoi dissuader ceux qui voudraient s’y lancer. Pourtant, malgré ces difficultés, le secteur du CBD dans les cosmétiques reste prometteur. D’après Grand View Research, une plateforme américaine d’études de marché, le chiffre d’affaires mondial des soins de la peau au CBD était évaluée à 964,1 millions de dollars en 2022 et devrait atteindre un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 31,5% d'ici 2030. Anne-Sophie Bongain-Decosne en est convaincue: «Nous sommes dans une phase d’alignement. Lorsque l’on maîtrisera le produit fini, que le marché sera davantage contrôlé et que les marques auront analysé les besoins de leurs potentiels clients, le CBD aura toutes les chances de séduire.» Et si les grands noms de la cosmétique ne s’y mettent pas par peur pour leur réputation, les petites sociétés pourraient faire mouche.
Chanvre, CBD, THC: Petit guide pratique
Chanvre: Une variété de plantes aussi appelée Cannabis sativa L. Le chanvre ne bénéficie pas d’une législation harmonisée en Europe. En Suisse, l’utilisation des graines et des feuilles est autorisée, mais pas celle de la fleur.
CBD: Il s’agit des molécules contenues dans le chanvre.
THC: Aussi appelé delta-9-tétrahydrocannabinol, le THC est un composé organique de la famille des cannabinoïdes présent dans le chanvre. En Suisse, seuls les produits cannabiques contenant moins de 1% de THC sont autorisés.