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Je n’aurais jamais pensé qu’un jour, j’en arriverais à postuler pour des emplois en parfumerie ou d’aide pour emballer les cadeaux pendant la période des Fêtes. Et que je serais déçue de ne recevoir que des refus… Pour tenter de décrocher ces jobs, j’ai pourtant mis toutes les chances de mon côté en minimisant mes qualifications sur mon CV, pour ne pas décourager un recruteur éventuel. Mais là, je n’ai pas vraiment le choix. Financièrement, cela devient difficile, d’autant plus avec l’augmentation prochaine des assurances maladie. Et puis, psychologiquement, la situation commence vraiment à m’atteindre. Il faut que je trouve quelque chose à faire, que je me sente utile.

Mal du pays

J’ai 40 ans et pour la première fois de ma vie, je n’arrive pas à envisager l’avenir de manière sereine. Je tourne en rond et même les rapports avec mon mari se tendent. Pour la première fois, moi la Mexicaine, j’ai le mal du pays. Lorsque je suis arrivée en Suisse en juillet 2016 pour suivre mon époux qui avait trouvé un job ici, j’ai tout de suite commencé à chercher du travail dans mon domaine, le marketing. Avec mes six ans d’études et mes quatorze ans d’expérience dans de grandes multinationales et dans plusieurs pays, je pensais que je ne rencontrerais aucune difficulté. J’étais hyperoptimiste.

Hélas, un an et demi et plus de 150 postulations plus tard, j’en suis toujours au même point.

Je n’ai même pas réussi à obtenir ne serait-ce qu’un entretien et j’ai l’impression de tourner en rond. Depuis toute petite, j’ai été élevée dans l’idée qu’il fallait réussir par le travail, ne dépendre que de soi et être toujours en mesure de gagner au moins de quoi payer sa croûte au quotidien.

L'éducation en héritage

Je suis née à Mexico, dans cette ville gigantesque qui compte, avec son agglomération, plus de 20 millions d’habitants, où chacun doit se faire sa place, où la fracture sociale entre les riches et les pauvres est immense, où, pour beaucoup, la seule manière de s’en sortir est de tout quitter pour tenter le très hypothétique American Dream. Mes parents, originaires d’un milieu très modeste, ont réussi à monter leur entreprise de produits de nettoyage. Ils ont énormément bossé pour y parvenir et nous ont inculqué, à mes deux sœurs comme à moi, cette valeur du travail. Ils nous ont toujours dit: «L’héritage le plus sûr que l’on puisse vous donner, c’est une bonne éducation et une bonne formation.» Nous avons toutes suivi nos études dans des écoles privées bilingues espagnol-anglais puis des universités privées. J’ai toujours été une bonne élève, intéressée, appliquée, douée en maths et en analyse.

Une expérience internationale

Au moment de faire des études supérieures, j’ai eu envie de quelque chose de créatif et j’ai envisagé de faire des études d’art. J’avais le projet de peindre. Mais je me suis très vite dit que je n’avais pas envie d’être pauvre (elle rit) et que ce genre de carrière était quand même assez incertain. Je me suis orientée vers le marketing, qui me permettait d’allier le côté créatif au côté analytique. Après cinq ans d’études, j’ai commencé à travailler tout de suite pour Telmex, une grande société de télécommunication mexicaine. Après quelque temps, j’ai eu envie de voir une autre manière d’aborder le business que la façon anglo-saxonne, j’étais curieuse, passionnée par ce que je faisais. Je me suis inscrite à l’Alliance française pour apprendre les bases du français et un an plus tard, j’ai pris la direction de Grenoble pour y faire un MBA. J’avais 30 ans et j’étais curieuse de tout. Ce diplôme en poche, j’ai reçu de multiples offres d’emploi, dont certaines venant de Genève. Quand j’y pense…

Une recherche acharnée

J’ai choisi d’opter pour un job dans le sud de la France pour la société Royal Canin. Après un an et demi, je suis retournée au Mexique où j’ai travaillé pour Coca-Cola, et Wal-Mart. J’ai ensuite rencontré mon mari, un Français que j’ai suivi dans sa Bretagne natale puis en Suisse. Ayant reçu des propositions de job de Suisse après mon master, j’étais persuadée que trouver un emploi serait une formalité. J’étais plus qu’optimiste quant à mon avenir. J’ai consulté tous les sites d’annonces d’emploi, répondu à des quantités d’offres. Je réseaute aussi sur LinkedIn, j’appelle, je me présente. Pour rien.

Parfois, je me demande si mon accent hispanique ne me dessert pas, si mes origines dérangent.

J’ai conscience que le marketing est un milieu où la communication compte, c’est pour cette raison que j’oriente mes recherches vers le marketing analytique plus que vers la gestion de produits, domaine qui m’intéresse tout autant. J’ai voulu m’inscrire à l’ORP, non pas pour toucher de l’argent, je n’ai jamais travaillé ici, je ne prétends à rien, mais juste pour avoir des conseils, des orientations. Mais franchement, je ne me suis pas sentie soutenue.

Difficultés d’intégration

Aujourd’hui, pour décrocher un job, il faut cultiver son réseau. Les rencontres, le bouche à oreille sont indispensables. Je suis Mexicaine, mariée à un Français, donc on ne connaît pas grand monde à part quelques collègues de mon mari. S’intégrer est très difficile. Et puis avec un salaire pour deux, on ne peut pas se permettre de sortir tous les soirs pour se faire des amis. Ne pas avoir de vie sociale me pèse terriblement. Ma seule activité, ce sont des cours de yoga et de Pilates à Montreux où je vis. Mais la plupart des gens qui suivent ces cours avec moi sont des retraités hors du monde du travail. Je postule dans d’autres cantons, même en Suisse alémanique où, paradoxalement, le fait que je ne parle pas l’allemand semble avoir moins d’importance, alors que le français et l’anglais sont valorisés. Il y a huit mois, j’ai découvert ce programme de l’EPER, l’Entraide protestante suisse, avec des gens de pays tiers qui ont tous en commun d’éprouver des difficultés à faire reconnaître leurs diplômes, à mettre en valeur leur parcours professionnel. J’ai une mentor que je vois régulièrement et qui me fait profiter de ses contacts, qui essaie de me promouvoir auprès de son réseau. Nous dialoguons beaucoup, elle m’oriente, me conseille, ajuste mon CV. J’espère sincèrement que tout cela portera ses fruits. Et que je vivrai enfin mon Swiss Dream!


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