Protection des animaux
«J’œuvre à la sauvegarde des pangolins»
Savez-vous que le pangolin est un animal qui a 80 millions d’années? C’est une créature préhistorique aussi sympathique qu’inoffensive: elle n’a pas de dents et se roule en boule pour se protéger des prédateurs. Malheureusement, elle subit une extinction silencieuse. Je m’y intéresse depuis longtemps et j’ai monté un projet de sauvegarde qui avait bien pris en début d’année, avec notamment une conférence, le 15 février, pour la journée internationale du pangolin. Ensuite, tout a été stoppé par cette pandémie. Le virus complique passablement mon travail, déjà difficile, dans le pays où je me suis installée, la République centrafricaine.
Je suis née et j’ai grandi à Genève. Après des études de vétérinaire à Berne, j’ai eu la chance de partir en Namibie pour travailler aux côtés d’un vétérinaire chirurgien réputé et dans un centre de réhabilitation pour animaux sauvages. J’ai pu soigner et opérer des guépards, des léopards, des lions, participer aux transports de girafes et de multiples antilopes. Ce fut une expérience extraordinaire qui m’a sensibilisée aux problèmes de l’écologie et de la conservation. Je suis ensuite rentrée en Suisse pour travailler à la clinique vétérinaire de l’Université de Berne et enchaîner diverses expériences professionnelles, dont un bref passage dans la pharma.
En 2014, j’ai eu l’opportunité de partir en Afrique du Sud pour apprendre le métier de field guide, ces rangers qui s’occupent des réserves ou encadrent les safaris. J’habitais alors un grand loft, à Zurich. J’ai vendu mes affaires et empaqueté le nécessaire, qui tenait dans deux valises. Ce fut une aventure fabuleuse, professionnellement et humainement. Après cette formation, j’ai été employée deux ans dans une réserve non touristique dédiée à la conservation, dans la région du Greater Kruger Park. J’étais en contact avec les animaux et la nature toute la journée pour des tâches de management faunique, de monitoring et de protection des rhinocéros noirs et blancs, de recherches sur la population et l’identification de léopards et un travail de vétérinaire général: pose de colliers émetteurs, prises de sang, vaccinations, etc.
Ni eau ni électricité
Après la fin de ce mandat, je suis partie en République centrafricaine, dans la jungle du bassin du Congo, pour y développer un projet de sauvegarde des pangolins. Je les avais un peu côtoyés en Namibie sans bien les connaître, je savais juste que c’était une des espèces les plus trafiquées au monde. Je me suis rendu compte qu’il existait peu d’infos sur cet animal. La République centrafricaine est un des seuls pays qui concentrent les quatre espèces existantes en Afrique, mais elles ne sont même pas répertoriées.
La loi y est plus facile à contourner, bien qu’il soit désormais protégé. Il est vrai que la conservation n’est pas la priorité dans ces régions qui ont tellement d’autres problèmes. Il faut vous imaginer que c’est un pays en guerre où tout est compliqué.
Je me suis installée au sud, dans la réserve Dzanga Sangha. Un autre monde. On y accède par bateau du Congo Brazzaville voisin, par petit avion charter du WWF ou en voiture pour 18 heures de routes laborieuses depuis Bangui, la capitale. Il n’y a pas d’eau courante, pas d’électricité. Une des ethnies qui y vivent, les Ba’Aka – ceux qu’on qualifiait autrefois de Pygmées –, est les gens de la forêt.
D’abord informer
J’ai la chance de collaborer avec de grandes associations comme le WWF, la Wildlife Conservation Society ou African Parks, présentes dans le pays, ainsi qu’avec le Ministère des eaux et forêts. Je suis en train de créer une plateforme de coopération avec ces organisations pour la protection des espèces en danger, dont le pangolin, au niveau national. Mon but est surtout d’informer, car la population connaît rarement le statut des animaux protégés et ne mesure pas les conséquences d’une extinction. Les moyens à disposition pour la sauvegarde sont très limités, alors que le pays possède une biodiversité incroyable. Nous faisons des formations dans les écoles et voulons financer des postes pour que de jeunes universitaires puissent travailler dans les aires protégées.
Pour la suite du projet, je m’installe dans la capitale, Bangui. Je m’y sens moins à l’aise, car c’est une autre dynamique. Au début du Covid, les expats étaient un peu regardés de travers, car c’est par eux que le coronavirus est arrivé.
Financer mon activité est une source de stress, mais je suis quelqu’un d’optimiste. Je reviens en Suisse une fois par année. Là, je suis coincée quelques mois à cause du Covid. J’en profite pour collecter des fonds, du matériel, et accomplir des tâches administratives. Toutefois, j’avoue que j’ai hâte de rentrer et de pouvoir travailler avec le Ministère de l’environnement et les associations environnementales depuis la capitale. Il y a beaucoup de motivation, c’est encourageant. Et puis, je ne comprends pas le besoin de consommation effrénée qui règne ici. J’ai passé deux ans dans la forêt et suis tellement reconnaissante d’avoir pu vivre dans un environnement aussi sauvage et magnifique. Là, on se rend vraiment compte qu’on n’a pas besoin de grand-chose. Ma vie tient toujours dans deux valises et ça me suffit.
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