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«Je suis une surfeuse sans mer»

«Je suis une surfeuse sans mer»

«Je veux développer des cours de surf inclusifs, car je sais que l’océan peut être intimidant», confie la jeune femme.

© Corinne Sporrer

Mon accent raconte mon histoire. Je suis moitié suisse côté maternel, moitié australienne côté paternel. À 28 ans, ma mère a rencontré mon père en Australie et elle n’est jamais repartie. J’ai grandi avec ma sœur jumelle sur la côte ouest du pays et j’ai appris à surfer sur des bodyboards. Même si chaque vague a sa beauté, la droite de Lennox Head Point, souvent convoitée par les dauphins, demeure la plus belle vague que j’aie eu la chance de surfer. Comme on habitait à quarante minutes de la mer, on surfait durant le week-end.

Vers 16 ans, j’ai commencé à m’entraîner dans un club de surf de filles. J’ai souvent regretté de ne pas avoir débuté plus tôt à pratiquer avec elles, car cette équipe était géniale et composée de personnes de tous niveaux. Dans ce club, j’ai tout appris du surf et de ses règles, même à juger lors de compétitions. L’ambiance était bienveillante. Il y avait, par exemple, des petites filles de 5 ans qui surfaient dans la mousse. Les avoir vues prendre leur première vague reste un merveilleux souvenir. Puis, vers l’âge de 20 ans, je me suis rapprochée de l’océan et j’ai commencé sérieusement les compétitions.

Entre mer et montagne

Quelques années plus tard, un événement a tout fait basculer. À 25 ans, j’ai suivi en Suisse ma sœur, qui venait faire une saison à Verbier. J’étais partie pour dix mois et, treize ans plus tard, comme ma mère mais dans l’autre sens, je ne suis toujours pas repartie! Bien sûr, je surfe beaucoup moins depuis que je suis installée à la montagne. Mais j’adore mon style de vie à côté du surf. J’ai une fille de 2 ans et je travaille comme comptable pour une entreprise de pharma. Pendant longtemps, mon quotidien a été de partir surfer dans de nombreux pays d’Europe, comme le Portugal ou l’Espagne, mais aussi au Maroc et dans le monde entier. Depuis 2011, je suis membre de la Swiss Surfing Association et j’ai fait des championnats.

J’ai été six fois championne suisse de surf et suis toujours la championne suisse en titre. Cette compétition se passe chaque année en Espagne.

De manière générale, je considère avoir eu beaucoup de chance dans la vie. Pouvoir participer aux championnats mondiaux a été une aventure formidable. Un vrai rêve. Vivant en Australie, je n’aurai jamais pu faire partie de ces sélections à cause du grand nombre de surfeuses professionnelles. Grâce à tous ces voyages, j’ai également eu la chance de rencontrer beaucoup de gens de nationalités différentes, comme l’équipe d’Israël ou de Hollande. J’ai aussi pu faire la connaissance de personnes qui, comme moi, habitent dans des pays sans mer. Où s’entraînent-ils, où voyagent-ils? Tous ces partages d’histoires ont été vraiment enrichissants. Nombre de ces rencontres sont devenues des amitiés solides. Dès lors, j’ai réalisé d’innombrables surf trips à leurs côtés.

Clichés et nouvelle parité

Par ailleurs, un des meilleurs souvenirs de ma carrière est probablement le Panama, en 2013. J’y ai terminé 8e, c’est le meilleur résultat que j’aie eu durant un championnat mondial. Les qualifications de 2019, au Japon, pour les Jeux olympiques de 2020 ont été un autre temps fort. Mais les places pour participer aux JO sont chères: il n’y en a que 20 pour les femmes et autant pour les hommes. En outre, je tenterai de participer aux JO de Paris en 2024, mais actuellement, il n’y a qu’une place chez les femmes… pour toute l’Europe. Un sacré défi!

Toutefois, si je regarde en arrière, au début de ma carrière, dans les années 1990-2000, je dois avouer que le surf souffrait de clichés. La belle blonde raflait toujours le peu de sponsors qu’il y avait.

Du reste, très peu de filles devenaient pros. Moi, je n’étais malheureusement pas assez marketable, alors j’ai dû renoncer à vivre seulement du surf. Je n’avais simplement pas les moyens de me payer un coach à temps plein et de surfer toute l’année. J’avais besoin d’un job pour payer les factures. Aujourd’hui, l’égalité homme-femme a beaucoup évolué dans les sports de glisse. Désormais, l’equal pay day assure aux surfeuses plus de parité dans les salaires. De plus, l’arrivée du surf comme discipline olympique est également une bonne nouvelle pour les participantes féminines, car elle est synonyme d’aides et de sponsors supplémentaires.

Vague suisse

L’autre bonne nouvelle, c’est la création d’une vague artificielle à Sion (ndlr: le premier bassin de surf en Europe occidentale ouvrira ses portes le 22 juin 2021). Grâce à cette installation, je vais pouvoir m’entraîner davantage et retrouver plus vite les sensations. Pour les gens comme moi, qui ne possèdent qu’un nombre restreint de semaines par an pour aller surfer, cette vague suisse va changer la donne. Je précise que je ne suis pas du genre à me plaindre ou à me faire passer pour une «pauvre surfeuse dans un pays sans mer». Je suis très heureuse de vivre à la montagne! Mais cette vague située tout près de chez moi, idéale pour m’aider à revivre les conditions naturelles, comme les courants marins, c’est la cerise sur le gâteau.

L’arrivée de l’Alaïa Bay est d’ailleurs bénéfique pour tous les surfeurs suisses, car débutants comme confirmés pourront s’y entraîner. Elle pourra également faire naître des vocations chez les plus jeunes.

Côté entraînement physique, enfin, depuis un an, à cause de la pandémie de Covid-19, je dois m’adapter, comme beaucoup de monde et de sportifs. Dans la mesure du possible, j’essaye de continuer à me gainer, à nager et à faire du paddle board pour travailler les épaules. Le futur? J’aimerais voyager à nouveau en Australie pour voir ma famille, apprendre à faire des airs [des sauts en prenant la vague comme tremplin] et passer mon certificat de professeur de surf, en septembre, si la situation le permet. Mon projet est de développer des cours de surf inclusifs, en particulier pour les femmes, car je sais que l’océan peut être intimidant. Mon dernier message? Be positive!



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