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Je n’ai plus peur de la mort

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Cette fois, je ne pouvais plus douter: c’était bien mon fils qui s’exprimait là.

© Sophie Brasey

Je n’oublierai jamais aucun détail de ce 22 avril 2007, jour de mon quarante-cinquième anniversaire. Avec mon fils, l’une de mes jumelles, mon compagnon et son fils, nous partagions un repas en terrasse, au bord du lac Léman. La température était quasi estivale. Même si mon autre fille n’avait pu venir de Londres, où elle vivait, nous étions en famille. J’étais heureuse. En arrivant, mon garçon m’avait avoué avoir oublié mon cadeau et promis de me le remettre bientôt. Peu m’importait, en fait: j’étais avec les miens et c’est tout ce qui comptait.

Je me rappelle que nous avons plaisanté de tout

Notamment de cette annonce mortuaire lue la veille dans le journal, et que j’avais évoquée. Moi qui ne fais que survoler d’habitude la rubrique nécrologique, je m’y étais arrêtée, frappée par l’humour du court texte rédigé, semblait-il, par la femme même dont il annonçait le décès. Si bien que le lendemain, en plaisantant, j’incitai mes proches à publier quelque chose de semblable lorsque mon heure serait venue. Après le café, sur un coup de tête – sans doute pour prolonger le plaisir de notre délicieux moment de partage – nous avons décidé d’aller visiter le Musée romain de Vidy. Le thème de l’expo, allions-nous découvrir en arrivant, était la mort. Tout le monde était de la partie. Sauf mon fils, parti rejoindre des amis à Chexbres.

En le regardant partir à moto, je me rappelle avoir songé que sa cotonnade bleue était bien trop fine pour le protéger en cas de chute. Mais il faisait chaud, l’humeur était légère, je n’ai pas voulu la gâcher en jouant la maman poule. Je lui ai adressé un signe de la main… Je n’ai jamais revu mon garçon vivant. Ce 22 avril, vers 19 heures, une voiture lui coupait la route tandis qu’il roulait, toujours à moto. Peu après 22 heures, c’était fini.

J’ai d’abord cru à un cauchemar. A 22 ans et demi, mon fils, disparu? C’était juste impensable! 22 ans et demi, pile l’âge que j’avais quand je l’avais mis au monde… Les jours qui ont suivi, je n’étais plus que l’ombre de moi-même, une sous-vivante. J’avais l’envie irrépressible de remettre mon petit dans mon ventre, et de tout recommencer à zéro. Le lendemain matin de l’accident, j’ai perçu très distinctement la voix de mon garçon, sa voix d’enfant, qui tout doucement m’appelait: «Maman…» A la morgue, il occupait la chambre 22; le froid qui régnait était l’exact opposé de la belle chaleur dans laquelle nous avions baigné le jour de mon anniversaire. Je me suis dirigée vers ce corps allongé et, le découvrant recouvert d’un linceul blanc, je me suis précipitée pour libérer son visage, afin qu’il respire. Je ne pouvais pas, je ne voulais pas accepter l’inacceptable. Il me fallait comprendre, trouver un sens à ce drame. Pourquoi moi? Pourquoi lui? Ces questionnements incessants me tourmentaient. J’avais le sentiment que mon fils s’était perdu, qu’il errait seul dans le néant. Et c’était intolérable. Je ne pouvais plus être auprès de lui? Alors quelqu’un devait prendre la relève! Je devais savoir, absolument, où mon enfant était passé!


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Enquête sur l’au-delà

C’est ainsi que je me suis lancée dans une quête assidue – une véritable enquête, en fait – de tout ce qui se rapportait à la vie après la mort. Sur le sujet, j’ai englouti des tas de livres. Et je n’ai pas tardé à percevoir des signes. Le chiffre 22, par exemple, ce chiffre maudit tant de fois croisé depuis le départ de mon garçon, prenait une dimension nouvelle. Partout, tout le temps, dès que je pensais à mon garçon, il surgissait sous mon nez. Le numéro de l’immeuble que je longeais, un graffiti sur un mur, une plaque d’immatriculation: ça pouvait être n’importe quoi. Je les remarquais, ces «messages», mais provenaient-ils vraiment de mon enfant? Et cette annonce mortuaire évoquée le 22 avril fatal, et la thématique à l’honneur au Musée romain de Vidy ce jour-là: n’était-ce pas autant de signaux que m’avait envoyés l’univers?

Quelque part près de nous

Pour en avoir le cœur net, j’ai poussé un pas plus loin ma recherche sur l’au-delà. Et suis allée consulter un médium. Puis un autre. Puis une troisième, les deux premiers ne m’ayant pas convaincue – je n’avais rien ressenti. Cette troisième personne, recommandée par une amie, je ne l’ai vue qu’une fois. A l’automne 2009. Et ça a suffi pour tout changer. Elle m’a d’abord transmis un bref message; de mon fils, affirmait-elle: «Maman, c’est toi le chef!» Quel choc, pour moi dont le garçon, qui aimait faire le coq et nous faire rire, nous demandait parfois, souvent: «C’est qui le chef?»! Emue, j’étais encore incrédule lorsque la médium a ajouté: «Je sais que tu as du mal à croire que je suis toujours là. Regarde mes mains, elles sont rouges»… Cette fois, je ne pouvais plus douter: c’était bel et bien mon fils qui s’exprimait là, lui dont les mains, chaque automne, séchaient très vite et devenaient toutes rouges.

A la fin de notre séance, la femme m’a dit qu’il était inutile de revenir la voir car je pouvais percevoir directement les messages que mon fils m’adressait… Elle avait raison et, au fond de moi, je le savais.

Un jour, l’une de mes filles étant en vol pour l’Australie, j’avais pensé très fort à elle, priant son frère pour qu’il la protège. A son escale, elle m’a appelée pour me rassurer, m’expliquant que, son portable lui ayant fait faux bond, elle empruntait le téléphone de ses voisins de vol, «Nadia et Michael» (prononcé Maïkel). Or mon prénom est Nadia, et celui de mon garçon: Haïkel. Cela m’a bouleversée. Dès lors, j’ai admis qu’il veillait sur nous.

Pour moi, il n’existe plus ni coïncidence ni hasard: il n’y a que des signes. J’ai cessé de chercher des explications au décès de mon fils, je l’ai accepté comme étant son destin. Bien sûr, l’immense douleur de son absence est toujours là… Mais j’ai pu avancer. Notamment parce que j’ai compris que mon fils n’est pas perdu dans le néant, mais qu’il est bien quelque part près de nous. Et lorsque quelqu’un le rejoint «là-bas», j’imagine leur rencontre. Après la mort de Michael Jackson, par exemple, j’ai souri à l’idée que Haïkel puisse apprendre à danser comme le roi de la pop… Au fil du temps, j’ai gagné en sérénité. Aujourd’hui, je peux affirmer ne plus avoir peur de rien.

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