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«Il faut préserver les Rivières Volantes d’Amazonie»
A 25 ans, je suis partie seule à Rio pour réaliser mon rêve d’habiter au Brésil. Originaire du Kenya, ayant grandi entre voyages et safaris, ma vie a toujours été une sorte d’aventure. En 1985, j’ai rencontré mon mari, Gérard, venu au Brésil pour ouvrir le bureau d’une entreprise d’affrètement maritime lausannoise. Très vite, nous avons décidé de faire le tour du monde en petit avion. Il pilotait déjà à cause de son travail. Basé à Rio il devait en effet souvent se déplacer de port en port.
Ce tour du monde a changé notre vie. Nous avons voyagé pendant presque trois ans, sans itinéraire précis. On ne savait jamais combien de temps on resterait ni où on serait le mois suivant, ça dépendait des pistes où on pouvait atterrir. Nous avons traversé l’Atlantique, le Pacifique, on est passés par l’Afrique, l’Asie, l’Australie… Comme nous volions à basse altitude, nous voyions la terre de près. Ce que nous avons découvert était préoccupant. Nous avons vu l’effet négatif de l’homme sur la planète, les rivières asséchées par l’irrigation massive, la déforestation. Bref, revenir à une vie normale fut très difficile. Alors, nous avons continué à voyager lorsque l’occasion se présentait.
Des couloirs de nuages
Gérard a refait un tour du monde en 2001, seul, et a été encore plus choqué, notamment par l’état précaire des rivières. Il s’est dit qu’il fallait aider à son échelle. Le Brésil étant un pays d’eau, nous avons travaillé avec des scientifiques sur un projet, Eaux du Brésil, afin de sensibiliser les habitants. Il y avait une sorte d’insouciance à ce sujet, on en utilisait en quantité sans se soucier de préservation. Grâce à ce projet, nous passions des heures à survoler le pays, dont l’Amazonie. Nous avons observé un phénomène qui se produit tout de suite après la pluie: de petits nuages montent de la forêt en créant des couloirs. Nous savions que ça pouvait se produire, mais pas qu’on pouvait le voir à l’œil nu et de façon aussi rapide! Quelques années plus tard, en 2006, nous avons rencontré le professeur Antonio Donato Nobre, spécialiste du climat et de l’écosystème amazonien. Il parlait déjà de ce qu’on appelle aujourd’hui les rivières volantes. Nous avons demandé à pouvoir l’aider et faire connaître ce phénomène atmosphérique au plus grand nombre.
Plantez des arbres!
Les rivières volantes sont un cercle vertueux pour la planète. Elles naissent dans l’océan Atlantique et se déplacent grâce au vent. Attirées par l’évapotranspiration de la forêt amazonienne, qui émet plus de 20 tonnes d’eau par jour (soit jusqu’à 1000 litres par arbre), ces rivières de nuages suivent les courants vers l’ouest et frappent la cordillère des Andes. Cela a pour effet de les ramener dans l’autre direction, transformant l’humidité en pluie. Si vous observez les autres pays à la même latitude, ce sont des déserts, comme en Australie ou en Afrique.
Nous avons donc aidé le professeur dans ses recherches. Pendant deux ans, Gérard a récolté, en avion, des échantillons de vapeur d’eau. Les scientifiques sont capables de savoir combien de fois une goutte est passée par les arbres. Les résultats mettent en évidence le lien entre la déforestation et le dérèglement climatique.
Notre idée, et celle d’Antonio Donato Nobre, est de montrer l’importance de ce phénomène. Nous avons donc créé du matériel didactique à l’intention des écoles brésiliennes pour éduquer les générations futures. En ce moment, on peut aussi voir l’exposition Rivières Volantes à Aquatis, à Lausanne (jusqu’au 28 juin 2020).
Malheureusement, la déforestation à outrance de l’Amazonie continue, tout comme les incendies. Il est difficile de faire entendre aux gouvernants l’importance de sauvegarder la forêt. Ils doivent passer des lois dans ce sens, mais il y a toujours quelqu’un qui ne veut pas jouer le jeu.
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