Explosion des demandes
Tout ce qu’il faut savoir sur le détatouage
Il n'y a jamais eu autant de personnes rêvant d'avoir un tatouage sur la peau, mais il n'y a également jamais eu autant de gens voulant qu'on le leur enlève. En Europe comme aux États-Unis, les demandes pour faire effacer un tattoo sont en effet en plein boom depuis la fin des années 2010. Nouveau trend d’ailleurs bien visible chez les people: Angelina Jolie, Megan Fox, Eva Longoria ou encore Khloé Kardashian se sont déjà fait retirer un tatouage, cette dernière expliquant son geste en disant «qu’on ne met pas un autocollant sur une Bentley». Matt Pokora a, lui, carrément feuilletonné son rétropédalage en matière de motifs encrés sur les réseaux sociaux.
Bref, un spectaculaire afflux de client-e-s en quête de nouvelle virginité dermique qui a généré une hausse du nombre des centres et des salons pratiquant ces interventions.
L'ombre du regret
Selon une étude d'Allied Market Research, détatoueur et détaoueuse semble ainsi être un véritable métier d'avenir: le cabinet de prospective américain prophétise que l'industrie du tattoo removal devrait peser environ 23 milliards de dollars en 2023, soit le double du chiffre estimé pour l'année 2016. De son côté, le cabinet d'analyse international Data Bridge Market Research avance que le marché des appareils de détatouage devrait atteindre près de 245 millions de dollars en 2029.
Serait-ce pour autant le signe d'une mode planétaire du tattoo sur le déclin? Pas vraiment, à en croire les expert-e-s. «Les tatouages et le nombre de tatoueur-euse-s et de tatoué-e-s n'ont cessé d'augmenter, il n'est donc pas étonnant que les demandes d'effacement de tatouage soient également en hausse», diagnostique Karine Grenouille, secrétaire du Syndicat National des Artistes Tatoueurs et des professionnels du tatouage (SNAT).
Une analyse partagée par le Dr Maurice Adatto, dermatologue spécialiste du laser à Genève et ancien président de l’ESLD (European Society for Laser Dermatology):
Le principal moteur de ces démarches n'en reste pas moins, dans l'immense majorité des cas, le regret.
Parfois un tabou
Une émotion mathématiquement de plus en plus présente, puisque la population tatouée est toujours plus importante. En Suisse comme en France, une personne sur cinq serait aujourd'hui porteuse d'un tatouage. Aux États-Unis, c'est même un tiers des habitant-e-s qui aurait cédé aux charmes du dessin encré.
Comme le mentionnait une récente enquête du journal belge Le Soir, environ 30% des tatoué-e-s regrettent au moins l'un de leurs motifs, et une personne encrée sur dix franchit le pas pour se faire enlever un tatouage. Autant dire que le réservoir potentiel de client-e-s pour l'effacement est devenu gigantesque.
Mais au fait, pourquoi regretter une œuvre qu'on savait par principe indélébile? «Même si cette situation devient plus rare, le tatouage, bien que démocratisé, peut encore être un tabou professionnel dans certains secteurs», constate Maurice Adatto. Un début de carrière ou une reconversion dans une entreprise concernée peut ainsi motiver un tattoo removal, du moins pour les dessins situés dans les zones du corps dites de visibilité sociale: le visage, le cou et le décolleté, les bras et les mains, de même que le bas des jambes.
Tout le monde change
Il y a aussi le cas de ces passionné-e-s du tatouage qui, ayant de plus en plus de difficulté à trouver un emplacement libre sur leur peau, vont vouloir procéder à un effacement d'un ou de plusieurs motifs pour faire de la place et repartir avec une œuvre plus belle et plus fraîche. Mais dans la majorité des situations, le regret semble d'abord découler d'une évolution de la perception de tel ou tel tatouage sur soi.
Car si le tattoo devient immuable, notre personnalité, notre parcours, nos goûts aussi, changent au fil des ans et des expériences.
Confondre vitesse et précipitation
En 2018, une étude menée par l'Université anglaise de Portsmouth se penchait justement sur les catégories de dessins encrés les plus regrettés par leurs propriétaires. Chez les femmes comme chez les hommes, c'est le prénom qui trône clairement tout en haut de ce podium des tatouages les plus honnis. Prénom qui est souvent celui d'une ou d'un partenaire avec lequel l'idylle a mal tourné...
À noter que les tattoos d'étoiles, de typographie asiatique, de motif tribal, de nature et d'animal figurent eux aussi parmi les styles les plus répudiés. Mais si les signataires de l'étude remarquent bien une certaine corrélation entre regret et tattoo décidé à la va-vite, c'est peut-être, avant tout, l'exécution bas-de-gamme qui est à pointer du doigt. «La plupart des tatouages qu'on me demande d'enlever sont quand même des dessins assez moches, voire ratés», informe Maurice Adatto.
Des sommes folles
Une analyse partagée par la tatoueuse Amy Mymouse: «Ces motifs qu'on renie sont souvent le fruit d'un mauvais choix de tatoueur-euse, qui a mal réalisé l'œuvre par manque de formation ou parce que le style était trop éloigné de ce qu'il ou elle maîtrise habituellement.» D'où l'importance de bien choisir l'artiste en fonction du résultat que l'on souhaite, et pas juste sur des critères de prix ou de proximité géographique. Car sinon, le retour de bâton peut être sévère – et très, très cher – en cas de regret.
Beaucoup plus cher que l'exécution du motif, mais également plus douloureux, certains comparant la sensation à de l'huile brûlante coulant sous la peau... La faute à l'usage du laser, qui est utilisé pour casser le pigment métallique des encres qui est stocké dans la peau.
Sous le rayon laser
Au fil des séances, qui doivent être espacées au minimum d'un mois, les débris de pigment sont fragmentés au niveau de la peau «mais ils ne sont cependant pas éliminés du corps, car ils migrent vers les ganglions lymphatiques, un phénomène déjà constaté lors de la mise en place des tatouages, où des particules de pigment vont dans ces zones sans que cela représente toutefois un danger avéré pour la santé», décrit le dermatologue genevois.
Si l'on est prêt à casser sa tirelire pour se faire ôter un tatouage (et paré à aller au bout d’un processus qui peut durer de longs mois, voire des années), l'idéal est alors de s'adresser à un cabinet de dermatologie expérimenté dans l'usage du laser, disposant des équipements les plus modernes, comme le laser picoseconde, plus précis que le laser Q-Switch ou nanoseconde, même si ces derniers sont parfois recommandés pour les premières séances.
«Le résultat est normalement très propre si le savoir-faire est de bon niveau», souligne Maurice Adatto. Du moins, dans les limites de ce qu'il est possible d'obtenir. Car si les pigments noirs sont les plus aisés à enlever, les couleurs claires comme le blanc, le jaune, les teintes chair et le rose sont plus compliqués, voire parfois impossibles à effacer, avec le risque que subsistent des vestiges du tattoo.
Effacer ou recouvrir
Dans ce cas, pour éviter de se retrouver avec un tatouage à moitié délavé et le portefeuille délesté pour rien, peut-être vaut-il mieux se tourner vers l'option du cover, principe consistant à recouvrir un tattoo problématique par un autre, plus adapté. Le bémol: cette solution ne conviendra pas à celles et ceux qui cherchent à enlever un tatouage pour raison professionnelle, ni à celles et ceux qui ont le fameux tatouage sur des zones étriquées, comme la main, car le tatouage de cover est généralement deux à trois fois plus grand au moins que celui qu'il cache.
«Même avec cette option, quelques séances de laser peuvent être intéressantes pour estomper le tattoo à recouvrir, car cela donnera plus de libertés pour l'exécution du nouveau motif», signale Amy Mymouse.
Pour se faire un tatouage comme pour l'enlever, la règle d'or reste donc la même: prendre le temps de la réflexion et privilégier les exécutants de qualités.
Les conseils des pros avant de faire son premier tatouage:
- Privilégier un premier tattoo de couleur noire, plus facile à effacer en cas de regret, mais aussi parce que ces pigments ont moins de potentiels d’allergie.
- Ne pas faire de tatouages trop jeune, car les goûts évoluent souvent après la fin de l’adolescence.
- Éviter de se faire tatouer sur des surfaces trop visibles du corps avant d’avoir trouvé sa voie professionnelle et s’être assuré-e que des dessins encrés sur ces zones ne sont pas un tabou dans le métier choisi.
- Prendre le temps de trouver un-e tatoueur-euse dont le travail nous satisfait et dont la pratique et la maîtrise technique sont compatibles avec le style graphique du tatouage. Le SNAT a notamment publié un guide très utile pour orienter les candidats au tattoo dans leur démarche.
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