#STOP
Stop Suicide s’attaque à l’isolement
Créé en l’an 2000 par un groupe d’étudiants suite au suicide d’un collégien, l’organisme genevois honore ses 20 ans en lançant la campagne #STOP. Chaque mois, un nouveau thème en lien avec le risque suicidaire sera traité: le harcèlement, les tabous, les discriminations, etc. La première thématique abordée? L’isolement. Léonore Dupanloup, chargée de communication, répond à nos questions.
FEMINA Votre nouvelle campagne, #STOP, place l’isolement au centre des préoccupations. Est-ce un hasard du calendrier?
Léonore Dupanloup Cette année, la campagne est plus longue que d’habitude, car nous fêtons les 20 ans de l’association. Elle a commencé début mai et se terminera en décembre, alors qu’habituellement nous nous concentrons sur septembre-décembre. Baptisée #STOP, cette campagne anniversaire déclinera chaque mois une thématique en lien avec le risque suicidaire: le harcèlement, les discriminations, les tabous, etc. L’isolement était l’un des thèmes que l’on avait initialement prévu de traiter en automne. Mais étant donné la situation, on a jugé qu’il était utile d’en parler plus rapidement, car on est tous aujourd’hui concernés par le sujet.
Cette crise sanitaire vous inquiète-t-elle?
Oui, car rester socialement et émotionnellement proche malgré les mesures d’éloignement est un défi. La situation sanitaire entraîne toute une série de conséquences, dont on sait qu’elles peuvent avoir des effets négatifs sur la santé mentale. Il y a le fait d’être isolé bien sûr, mais aussi de perdre son emploi, d’avoir des difficultés financières, des craintes quant à l’avenir, l’angoisse de la maladie elle-même, etc. Ce sont des facteurs de risque qui contribuent au mal-être. Ce que l’on redoute, c’est que ces derniers amènent davantage de pensées suicidaires, voire de suicides aboutis. Avec le suicide, il n’y a jamais une relation de cause à effet, il ne suffit pas d’un élément pour envisager cette extrémité. Il y a vraiment une accumulation de différents problèmes (relations conflictuelles, maladie mentale préexistante, harcèlement, crise actuelle, etc.).
Comment faire pour éviter de tels drames en cette période?
Il faut renforcer les facteurs de protection qui viennent contrebalancer les facteurs de risque. Il s’agit de toutes les ressources qui nous permettent de nous sentir mieux. Ce peut être des moyens personnels, comme s’engager dans une activité artistique, cultiver une passion, faire du sport, etc. Au niveau interpersonnel, il s’agit d’avoir des relations amicales ou familiales qui soient soutenantes. Les soins et la prise en charge jouent également un rôle majeur lors d’états dépressifs.
Concrètement, comment prendre soin de personnes vulnérables durant cette crise?
Le plus important, c’est de rester en contact. Les moyens technologiques notamment nous permettent de trouver des alternatives: appels téléphoniques, vidéoconférences, etc. Ce ne doit pas forcément être quelque chose de long et de lourd, on peut très bien se contenter d’envoyer un message, de partager une image qui nous a fait rire, etc. Cela permet de garder un contact, d’offrir une petite respiration dans des journées qui peuvent être stressantes et angoissantes. En Suisse, on a la chance d’avoir le droit de sortir et de se voir à distance. De ce fait, on peut proposer une petite activité, une balade, un peu de sport ensemble. On peut aussi montrer son attention et son soutien en apportant quelque chose à la personne.
C’est bien de penser un petit peu à tout le monde, même aux personnes avec lesquelles on est moins en relation habituellement. Si l’on a vu quelque chose qui nous a fait penser à elle par exemple, cela vaut la peine de le lui partager. Avoir des contacts est toujours bénéfique. Savoir que les liens que l’on a au quotidien, également entre collègues par exemple, sont toujours là et qu’ils n’ont pas été coupés par la crise sanitaire contribue à créer un cadre rassurant.
Dans votre message, vous insistez sur le fait que chacun peut être «acteur de la prévention». Mais comment s’y prend-on concrètement?
Cela passe tous les petits gestes que l’on peut mettre en place pour aider ses proches, garder un contact avec eux. Il est également important d’oser aborder le sujet avec la personne en difficulté. Lui dire «J’ai envie de t’aider, ensemble nous allons trouver des solutions» va vraiment la soulager. Il est essentiel d’être à son écoute, prendre des nouvelles régulièrement, ne pas ignorer sa souffrance, la prendre au sérieux. Le rôle de l’entourage est d’instaurer un climat de confiance afin que la personne qui a des pensées suicidaires puisse être à l’aise pour en parler.
Quels sont les signes qui doivent nous alerter?
Le signal d’alerte principal, c’est d’avoir l’impression qu’on ne reconnaît plus la personne, qu’elle n’est plus comme d’habitude, que ce soit dans son comportement ou dans son attitude. Ces changements peuvent se traduire de nombreuses façons: ce peut être quelqu’un qui s’isole soudainement alors qu’il était très expansif ou à l’inverse quelqu’un de très isolé qui devient du jour au lendemain très extraverti, une personne qui modifie sa façon de se nourrir, de dormir, qui consomme soudain avec excès de l’alcool ou des stupéfiants, etc. Si on se pose des questions sur une personne de son entourage, si plusieurs signaux s’accumulent, cela doit mettre la puce à l’oreille.
L’année dernière, notre campagne était dédiée aux signaux d’alerte. Sur notre site internet Stop Suicide, vous trouverez beaucoup de contenus sur ce sujet.
Faut-il contacter un professionnel de la santé si l’on se fait du souci pour un proche?
Il n’y a pas de règle absolue, chacun doit faire selon son propre ressenti. L’idéal, c’est d’être dans une relation de confiance, de pouvoir dans un premier temps essayer de soi-même parler soi-même avec celle ou celui qui va mal. Petit à petit, on peut lui proposer des solutions, lui dire: «Je vois que tu ne vas pas bien, je tiens fort à toi et je n’ai pas envie de te perdre, j’ai envie que l’on trouve ensemble des solutions pour t’aider. Et pour cela, il faudrait passer par un psychologue, un psychiatre, etc.»
Le suicide est la première cause de mortalité chez les jeunes, cela est toujours le cas depuis 20 ans. Voyez-vous tout de même une amélioration?
Le suicide reste effectivement la première cause de décès chez les 15-29 ans, oui. Par contre, la courbe du taux de suicide baisse d’année en année. Depuis les années 80, le taux de suicide des jeunes a été divisé par trois. Le fait que la prévention et la prise en charge se développent joue un grand rôle dans cette amélioration. J’ai aussi l’impression que désormais, dans notre société, on parle beaucoup plus des problèmes de santé mentale, de dépression, etc. Il y a tout un travail de déstigmatisation qui a été entrepris, ces questions sont moins taboues. De ce fait, il est plus facile d’en parler le jour où l’on est concerné, plus facile d’oser demander de l’aide, car on sait que cela arrive à d’autres.
Besoin d'aide, pour vous ou pour l'un de vos proches?
Il peut arriver à tout le monde de traverser des moments difficiles ou d’être aux prises avec des pensées suicidaires. En parler permet de trouver du soutien et des solutions. Si vous vous inquiétez pour vous ou un de vos proches, contactez de manière confidentielle, 24h/24, 7j/7:
147: ligne d’aide pour les jeunes (147.ch)
143: la main tendue, ligne d’aide pour les adultes (143.ch)
144: urgences médicales
D’autres ressources sur stopsuicide.ch/besoindaide
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