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Ne jamais s’excuser, signe d’une vision malsaine du pouvoir

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«Les hommes s’excusent moins, surtout en public. Il s’agit de l’un des résidus de la culture phallocrate.» - Saverio Tomasella, psychologue et psychanalyste

© GETTY IMAGES/MALTE MUELLER

La faillite de la Silicon Valley Bank et la chute de Credit Suisse, deux exemples qui marquent l'actualité de ce début d'année 2023. Pourquoi certaines personnes sont-elles incapables de s’excuser des maux qu’elles ont générés? Interview de Saverio Tomasella, psychologue et psychanalyste.

FEMINA Les boss des banques en faillite ou en difficulté ne se sentent pas coupables, alors que leurs agissements mettent en danger l’économie mondiale et menacent des milliers d’emplois. Pourquoi cette incapacité à s’excuser?
Saverio Tomasella Je ne connais pas ces gens, mais ce qu’on peut souligner, du point de vue de la psychologie, c’est que le fait de ne jamais vouloir admettre ses erreurs, ses torts, malgré toutes les évidences, est souvent la marque d’un trait de personnalité perverse et sociopathe. Ces individus se posent comme dominants, se pensant investis d’un grand pouvoir, et interprètent cette supériorité acquise comme en contradiction avec le fait de pouvoir avoir tort.

Même si leur poste au sommet les rendait responsables de facto du destin de leurs entreprises? C’est une sorte de déni, non?

Ces personnes sont peut-être clivées et savent bien, au fond d’elles-mêmes, qu’elles ont tort. En fait, les personnalités manipulatrices consentent aussi à se manipuler elles-mêmes, c’est une posture défensive. Si elles ne se manipulaient pas elles-mêmes pour se protéger, leur déni ne tiendrait sans doute pas longtemps. Ce clivage mental permet de continuer à oublier les conséquences de ses actes.

Elles sont en outre depuis longtemps dans une idée de défi, de provocation, et utilisent les autres pour leurs propres intérêts et jouissances. On sait que dans certaines banques, les crises, l’inflation, les problèmes économiques ou politiques permettent de spéculer et de s’enrichir. Ces gens sont non seulement responsables de cette situation, mais ils l’ont également quasi provoquée en étant conscient des risques pris.

Faut-il en conclure qu’exercer un pouvoir exonère de se justifier?
Cela dépend de la conception qu’on a du pouvoir. Les individus qui exercent un pouvoir synonyme d’être au service du bien commun auront plus facilement tendance à s’excuser en cas d’erreur ou de comportement inapproprié. Mais pour ceux qui voient le pouvoir comme une façon d’être dans une position contre les uns ou au-dessus des autres, formuler des excuses revient à perdre la face.

S’excuser, est-ce la même chose que demander pardon?
On peut très bien s’excuser, mais peut-être juste pour calmer le jeu, pour faire bonne figure, dans une attitude un peu hypocrite. Le pardon, en revanche, est une posture d’humilité où l’on reconnaît ses limites, on accepte de désigner ses limites en tant qu’individu, avec ses imperfections toutes humaines. C’est une posture saine de retour à une sorte de parité, où l’on n’est pas meilleur que les autres. Mais le pardon est davantage attendu lorsqu’il y a une demande explicite de reconnaître ou réparer un dommage, quand l’excuse se fait surtout dans la spontanéité.

Cela permet-il d’atténuer ses fautes?
Les erreurs commises ne s’oublient pas ou ne se minimisent pas, sinon cela reviendrait à proclamer que les choses n’ont pas eu lieu. En revanche, s’excuser relance la possibilité d’une relation et permet qu’on puisse refaire confiance. Nouer des relations de confiance est très important pour l’être humain. Car davantage encore que la sécurité, nous cherchons de la fiabilité dans nos relations. Reconnaître ses torts et les dommages qu’on a pu créer pose la question de ce que l’on fait maintenant ensemble.

Par ailleurs, formuler des excuses permet à un individu, à une entreprise, à un État, de se réunifier, de se décliver comme je disais tout à l’heure. On accepte en quelque sorte sa part d’ombre. C’est un soulagement de reconnaître qu’on dysfonctionne.

Faire ses excuses, est-ce genré?
Les hommes s’excusent moins, surtout en public. Il s’agit de l’un des résidus de la culture phallocrate. Certains voient en effet cela comme une faiblesse, sauf ceux ayant intégré que la force masculine est ailleurs que dans cette image de puissance. Les femmes, elles, ont parfois tendance à trop s’excuser, là encore, l’un des vestiges du patriarcat voulant qu’elles soient plus dans la compassion.

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