Culture
Muriel Robin dénonce l’homophobie dans le cinéma
C’est une déclaration poignante dont tout le monde parle depuis ce week-end. Muriel Robin s’est exprimée sans détour sur l’homophobie dans le cinéma, revenant sur son expérience de 30 ans dans le milieu.
La comédienne était présente le 16 septembre 2023 sur la plateau de l’émission Quelle époque!, présentée par Léa Salamé sur France 2. L'interprète de la pièce de théâtre Lapin a dénoncé ne pas avoir été davantage contactée pour des films car elle était ouvertement lesbienne. Et elle ne serait pas la seule. «Citez-moi au monde, un acteur ou une actrice homosexuelle qui fait une grande carrière. Il y en a pas!», a-t-elle assurée.
Muriel Robin a ensuite expliqué que le problème était lié à une question d’une certaine «désidérabilité» souhaitée dans le cinéma:
Elle a ajouté que c’était pareil, «si on est vieille, ou moche».
«C’est totalement vrai», réagit Sylvie Cachin, directrice du festival de cinéma queer Everybody’s perfect. Selon elle, quand il s’agit de cinéma, «on parle de tout un système qui est dominé par des hommes et où les femmes peuvent difficilement exister sans être traitées comme des objets de désir». Des discriminations qui se déroulent «à tous les niveaux, pas uniquement pour les actrices.»
Un point de vue dominant
Concernant les rôles de personnes LGBTQIA+, Sylvie Cachin argumente que les scénarios qui proposent des protagonistes lesbiennes vont souvent se heurter à des producteurs qui demanderont de les remplacer par des hétéros, «soi-disant car ce n’est pas commercialement intéressant». Il y a ainsi une volonté de montrer «qu’une seule réalité des choses, du point de vue dominant, masculin et hétérosexuel.»
La cinéaste franco-suisse met également en avant une double discrimination, «parce que ce sont des femmes, elles vont moins exister socialement et économiquement, mais aussi parce qu’elles sont lesbiennes, elles vont être perçues comme non désirables pour les hommes hétéros, dominants».
Espoir et optimisme
La Française Muriel Robin est également revenue sur l’impact de ces discriminations sur sa confiance en elle, «j’ai pleuré tous les jours les larmes de mon corps, mais aujourd'hui, je vais bien». Elle souhaitait s’exprimer afin de prévenir les plus jeunes, en allant jusqu’à leur dire que ce n’était «pas la peine de faire ce métier».
«Je comprends qu’elle a évolué dans une époque très fermée sur ces questions, mais aujourd’hui, après le mouvement #MeToo, les femmes peuvent plus facilement dire ce qu’il en est», relativise Sylvie Cachin qui porte en elle davantage d’espoir pour la jeune génération, et d’optimisme, «même s'il reste encore beaucoup de chemin à faire». Elle salue notamment les prix donnés à des films aux thématiques LGBTQIA+ dans les grands festivals de films et davantage de visibilité pour «des rôles en dehors du modèle binaire et hétéro.»
Le contexte culturel joue également un rôle: «En Suisse, on prête moins d’attention à ces questions-là», note Sylvie Cachin. Elle reconnaît que cela est peut-être dû à la taille plus modeste de l'industrie et qu'il y a «moins d’enjeux économiques». Organisant elle-même un événement de cinéma queer en Suisse, elle assure ressentir «moins de tensions qu'en France.»
Lors de la 10e édition du festival Everybody’s Perfect qui aura lieu du 6 au 10 octobre 2023 à Genève, de nombreuses productions queer seront projetées. «Nous proposons un concentré de culture et d’expression artistique LGBTQIA+ et cette représentation à l'écran a un effet très positif, car c’est encore quelque chose qui manque», précise la cinéaste. Le documentaire Brainwashed: sexe-camera-power, qui aborde la question de la place des femmes dans le cinéma, sera notamment projeté, les 6, 9 et 12 octobre.