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Elles ont vécu, voyagé, aimé, ont consacré deux décennies et des poussières à consolider leur carrière, se sont essayées une première fois au mariage, ou non, chacune selon son histoire. Puis, à l’approche de la cinquantaine, un désir longuement mûri les saisit: vivre, ou revivre, les joies de la maternité. Parfois même en solo. Quitte à défier à la fois les lois biologiques et les normes de la bien-pensance.

Il faut dire qu’à force d’afficher leur grossesse épanouie à l’âge où d’autres deviennent grand-mères, des célébrités toujours plus nombreuses leur montrent la voie. Et les persuadent que, peu importe l’âge, tout est toujours possible. Si bien que de plus en plus de femmes misent à leur tour sur une maternité tardive, voire très tardive.

Ancienne directrice de l’Unité de médecine de la reproduction du CHUV, la doctoresse Dorothea Wunder a longtemps été aux premières loges pour observer ce phénomène: «En Suisse, les grossesses après 45 ans sont clairement en augmentation», constate-t-elle. En une quarantaine d’années, les naissances chez des mères de 46 ans et au-delà ont plus que quintuplé, apprend-on de l’Office fédéral de la statistique. 45 cas en 1975 contre 235 en 2014. Avec, après 50 ans, une progression encore plus criante, le nombre de grossesses passant ici d’une à… 40 par année. «Les mentalités ont bien changé», commente la spécialiste qui travaille aujourd’hui pour le Centre de procréation médicalement assistée de Lausanne. «Il y a vingt ans, passé 30 ans, on était une vieille mère, aujourd’hui on ne parle de grossesse tardive qu’à 45 ans.»

Coauteur, avec Marc Bessin, d’une large enquête intitulée «Parents après 40 ans» (Ed. Autrement), le sociologue français Hervé Levilain replace lui aussi ce phénomène dans un mouvement plus large: «A partir des années 1970 et de l’arrivée d’une contraception médicalisée (ndlr: pilule, etc.) , la moyenne d’âge de la maternité n’a cessé d’augmenter. Dorénavant, on choisit le moment d’avoir des enfants. On ne crée une famille qu’après avoir réglé la question de sa carrière, et seulement lorsqu’on se sent prêt à devenir parent.»

Un désir en suspens

La nouvelle donne en matière de contraception a bel et bien libéré la femme. Mais voilà qu’une pression sociale imprévue est venue peser sur ses pas si frêles épaules, complète le sociologue. «Pendant longtemps, pour une femme, s’accomplir c’était avoir des enfants. Or, dès les années 1970, on voit se diffuser un autre modèle: celui de l’accomplissement professionnel.» Et les femmes de se retrouver soumises à la double contrainte de devoir réussir (et concilier) leur vie familiale ET leur vie professionnelle.

Ironie du temps: à peine ont-elles gagné la liberté de ne pas procréer avant de l’avoir désiré, ces dames se voient contraintes de ne fonder une famille – si elles veulent le faire sereinement – qu’après toutes sortes de néopriorités. «C’est un vrai problème de société», pointe Dorothea Wunder. «En Suisse particulièrement, on n’est pas très «family friendly». Contrairement à ce qui se passe dans des pays tels que la Suède, il reste ici très compliqué pour une femme de conjuguer carrière et enfants.» Pour fonder une famille, donc, il ne suffit plus de trouver le bon partenaire: il faut d’abord avoir assuré sa vie professionnelle et trouvé une solution de garde pour bébé. Quand on sait le parcours du combattant qu’est aujourd’hui la recherche d’une crèche (sans même parler de la recherche d’emploi), on comprend que certaines remettent à toujours plus tard l’heure de pouponner joyeusement.

Toute-puissante, la science?

Et c’est là que la nature, même aidée par la science, a le mauvais goût de reprendre ses droits. Parfois. Car les femmes ne sont pas toutes égales devant la ménopause: si certaines doivent renoncer à enfanter avant la quarantaine, une minorité peut tomber enceinte naturellement après 50 ans. Avec les risques que présente une grossesse tardive. Risques de complications postnatales, fausses couches, prématurité, problèmes chromosomiques ou de malformations qui «augmentent de façon exponentielle avec l’âge», précise la doctoresse. Si bien que la science, appelée en renfort à ce désir de procréation, est forcée de poser certaines limites. Celles-là mêmes qu’elle rencontre. «Beaucoup de femmes croient qu’avec la procréation médicalement assistée (PMA) tout est encore possible», regrette ainsi Dorothea Wunder, qui se retrouve trop souvent à devoir décevoir l’attente de ses patientes. Certes, la loi suisse ne prévoit pas de limite d’âge aux traitements de PMA, mais la limite s’impose d’elle-même. Elle est biologique. Et elle se situe… au-delà de 45 ans.

Car «la ménopause n’est pas le seul problème, explique Dorothea Wunder. La qualité des ovocytes entre elle aussi en jeu. Une substitution ou une stimulation des hormones n’a pas le pouvoir de changer l’âge biologique. Dès 44-45 ans, les chances de tomber enceinte de manière médicalement assistée avec ses propres ovocytes sont extrêmement faibles. A peine 1%, par exemple, pour la fécondation in vitro.»

En l’absence de limite légale, c’est donc au praticien qu’il revient de prendre une décision. Après investigations. Et au risque de provoquer, en cas de refus, incompréhension et souffrance. «Voir des stars enceintes après 45 ans donne de faux espoirs aux femmes», déplore la spécialiste. «La plupart des grossesses tardives ainsi médiatisées ne sont rendues possibles que grâce à un don d’ovocytes. Mais, de cela, personne ne parle. C’est malheureux», car cela pousse bien des femmes à entretenir de trompeuses espérances.

En effet, et contrairement au don de sperme, le don d’ovocytes est interdit en Suisse. Comme d’ailleurs en Allemagne, en Autriche ou en Italie. Si bien que ces femmes en désir d’être mères «vont se faire traiter hors de Suisse, notamment en Espagne, à Chypre, aux Etats-Unis ou en Ukraine», constate Dorothea Wunder, entrée récemment à la Commission nationale d’éthique pour la médecine humaine. «Or, pour certains centres privés, ce n’est que du business. Ils font le traitement sans s’embarrasser de mener les investigations nécessaires sur l’état de santé de la patiente», alerte-t-elle. D’où la question que l’on peut se poser avec nombre de spécialistes: faut-il (ou non) légaliser le don d’ovocytes?

Et l’enfant dans tout ça?

Autre question, plus immédiate: qu’en est-il du bien-être de l’enfant ainsi né sur le tard? Selon le pédiatre et thérapeute familial Nahum Frenck, tout est fonction des conditions dans lesquelles il est accueilli. «Le bien-être d’un enfant ne dépend pas de l’âge de ses parents, mais de leur disponibilité. Aujourd’hui, cette question de la disponibilité est le problème numéro un des enfants. Et il concerne tous les parents, quel que soit leur âge.» Plutôt que le nombre des années, c’est donc la situation générale de la famille qui est déterminante aux yeux du pédiatre. «On ne fait pas des enfants à n’importe quelles conditions, rebondit le sociologue Hervé Levilain. Parfois, les parents préfèrent augmenter le risque médical en ayant des enfants tardivement plutôt que d’augmenter le risque de ne pouvoir les élever correctement…»

Mais comment l’enfant, bientôt l’adolescent, vit ce si grand écart d’âge entre lui et sa mère? «Ces enfants ont peur que leur parent vieillisse trop vite», répond le thérapeute familial. «Ils y pensent forcément lorsqu’ils comparent leurs parents avec ceux de leurs copains, mais cela ne les perturbe pas plus que ça.» Ces craintes face au temps qui passe, implacablement, se font plutôt ressentir du côté des parents. Il n’est jamais facile d’accepter les signes (et parfois les maux) de l’âge – encore moins dans le regard de sa progéniture. Faut-il vraiment s’en alarmer? A considérer que l’on est de toute façon «vieux» pour nos enfants, et que ces derniers ne se gênent pas de nous le balancer à la figure quel que soit notre âge, pas sûr… Et l’adage ne dit-il pas qu’il n’y a pas d’âge pour aimer?


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«J’ai passé une partie de ma grossesse alitée, mais Je ne regrette rien»

Francine*, 53 ans, mariée, un enfant

«Si j’ai eu mon premier enfant à 47 ans, je n’ai pas «choisi» de le faire si tard. J’en ai toujours voulu un, la vie a simplement fait que, comme on dit… Mon parcours a été épanouissant, ma carrière à l’international palpitante, mais je n’ai jamais rencontré «le bon». Côté cœur, j’ai en effet souvent été malheureuse, et quand je regarde en arrière, je me dis que c’est une chance de ne pas avoir eu d’enfant avec les hommes en question! Longtemps, j’ai pensé à adopter en mère célibataire, mais c’est un tel parcours du combattant. L’une de mes amies proches l’a vécu, moi, je n’en ai pas eu la force. Et puis, à 45 ans, j’ai rencontré Paul*. Il avait refoulé son envie de paternité – sa précédente femme ne voulait pas d’enfants et il avait cru pouvoir s’y faire. Bien sûr, mon gynécologue nous a parlé des risques, cependant, notre désir était plus grand. Alors oui, j’ai passé une partie de ma grossesse alitée, mais je ne regrette rien. La vieillesse et la mort? Bien sûr que j’y pense. Quand notre fils aura 20 ans, j’en aurais 67, j’en suis consciente. Je compte donc largement dépasser cet âge! Et je vis très sainement, notamment dans ce but. Il n’y a pas de garantie, une jeune mère peut très bien être fauchée par une voiture. Ainsi, j’y pense, mais je relativise aussi. Mon objectif est qu’aujourd’hui notre fils soit heureux. D’ailleurs, nous le sommes tous.»
* Prénoms connus de la rédaction.

Une «nouvelle» maman

3 questions à Hervé Levilain, sociologue et coauteur de «Parents après 40 ans» (éd. Autrement).

Qui sont ces femmes qui tombent enceintes à l’approche de la cinquantaine?
Les situations sont extrêmement plurielles, à l’image de la famille contemporaine. On trouve essentiellement trois grandes configurations. Les familles nombreuses, qui ont diminué sans disparaître pour autant, notamment dans les milieux populaires. Les mères au profil de battantes: une femme très diplômée, souvent seule, quoi que pas toujours, qui s’est longtemps consacrée à sa carrière. Et la configuration la plus courante: la famille recomposée, dans toutes ses variétés.

Observe-t-on des différences entre les grossesses tardives d’aujourd’hui et celles du passé?
Absolument. A présent, du fait des moyens de contraception à disposition, les grossesses tardives sont des grossesses choisies, qui correspondent à un vrai projet éducatif. Auparavant, elles étaient souvent vécues comme un fardeau, et ce d’autant plus qu’il s’agissait rarement d’un premier enfant.

Comment ces mères sont-elles perçues par la société?
Il pèse sur elles un soupçon d’irresponsabilité, bien plus fort qu’à l’encontre des pères d’âge avancé. D’abord, si on reconnaît à ces derniers le statut de père, c’est plutôt aux femmes que l’on renvoie la responsabilité de cet état de fait. Ensuite, dans les mentalités, une mère reste prioritaire en matière d’éducation. Si on donne désormais plus de place aux pères, on a toujours du mal à admettre l’idée d’un homme élevant seul ses enfants. Dans la vision communément partagée, une mère se doit d’être là pour son enfant et d’assumer son rôle, elle est indispensable.

Ces people qui se moquent de l’âge

Halle Berry Après une fille née en 2008 de ses amours avec le Québécois Gabriel Aubry, l’actrice américaine donne naissance au petit Maceo, en 2013, fils de l’acteur Olivier Martinez. Elle a alors 47 ans.

Geena Davis La star de «Thelma et Louise», a accouché de son premier enfant à 46 ans. Elle remet ça deux ans plus tard et donnera encore naissance, à l’âge de 48 ans, à des jumeaux. Il lui aura donc fallu attendre son quatrième mariage pour trouver le père de ses enfants.

Margarita Louis-Dreyfus Fin mars, à l’âge de 53 ans, la milliardaire et femme d’affaires suisse, propriétaire de l’Olympique de Marseille, a accouché de jumelles. L’heureux père est Philipp Hildebrand, ex-président de la BNS. Madame avait déjà eu trois enfants avec feu Robert Louis-Dreyfus.


©LatinContent/Getty Images; WireImage/Getty; Paris Match/Getty; AFP Photo/Fred Dufour

Janet Jackson C’est à travers une vidéo postée sur Twitter, le 6 avril 2016, que la chanteuse de 49 ans a annoncé la nouvelle: «Mon mari et moi projetons d’avoir un enfant et les médecins ont dit que je devais me reposer.» Le bébé est-il déjà en route? Ce serait alors une grande première pour elle…

Holly Hunter L’actrice américaine, oscarisée pour son rôle dans «La leçon de piano», a attendu ses 47 ans pour devenir la maman de deux petits garçons. Ces dernières semaines, la rumeur d’une nouvelle grossesse, à l’âge de 55 ans, s’est propagée – sans être confirmée ou démentie. Suspense…

Laurence Boccolini A 50 ans et après un long combat contre la stérilité, Laurence Boccolini donne naissance, en 2013, à son premier enfant. Ce n’est qu’avec une cinquième fécondation in vitro que l’animatrice a pu voir son rêve se réaliser et prendre le doux nom de Willow.


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