Pasta party
L’édito de Sonia Arnal: Trop la honte
J’ai connu ma première honte sociale post-coronavirus. Je suis allée faire des courses, il restait des spaghetti, j’en ai pris deux paquets de 500 grammes. Pas un, deux. Le truc qui ne se fait plus du tout, tu passes pour un affreux égoïste prêt à marcher sur le ventre de familles affamées dans le seul but de constituer des réserves qui dépasseront la date de péremption toutes seules dans leur placard.
Je me suis ensuite projetée dans ce qui nous reste de vie sociale. A priori, on a encore le droit de se voir à quatre, si on respecte les distances et qu’on ne se dit pas bonjour à grand renfort d’effusions physiques. Bien. Imagine, tu te fais inviter à une Pasta party, tu amènes quoi? Certainement plus du vin, ça coule à flots partout. Totalement inadéquat. Non, si tu veux montrer que tu es quelqu’un de bon goût qui respecte l’étiquette, à mon avis, tu amènes un paquet de pâtes, histoire de prouver que tu as compris la vraie valeur de l’invitation. C’est tout le système du potlatch qu’il va falloir réinventer.
Parce que si le même repas comprend des denrées moins précieuses, de la viande et des asperges, mettons, et que tu te pointes avec tes farfalle, n’est-ce pas un camouflet que tu infliges à ton hôte? Une gifle en pleine face, genre tu ne m’offres pas un repas de qualité et je t’humilie avec ma supériorité gastronomique?
La question du rouleau
Autre exemple: tu es chez tes amis pour la fameuse Pasta party, tu es pris d’une petite envie pressante. Plus question d’entrer en sifflotant dans le cabinet et d’utiliser plusieurs carrés du PQ déposé là. C’est évident, les bonnes mœurs réprouvent un tel comportement de profiteur. Il faut donc désormais se rendre aux quelques invitations qui nous restent avec son propre rouleau. Mais comme on sait, faire juste en matière de politesse est toujours beaucoup plus délicat qu’on ne le croit.
Ou faut-il repartir avec pour ne pas offenser l’invitant, car le laisser en don soulignerait à quel point il est démuni? Bref, je me sens perdue devant ces nouvelles bonnes manières. J’implore donc un confrère de la presse dite sérieuse de courir interviewer la baronne de Rothschild, qu’enfin on sache. Merci.