L'édito de Sonia Arnal: Les GAFA sont sourds (et aveugles)

«N’achetez pas d’aide auditive avant de lire ceci!» m’enjoint la pub sur le Net. On ne cesse de s’émerveiller devant les algorithmes qui nous suggèrent des hôtels avantageux à Grenade sur notre téléphone alors qu’on a fait une recherche de vol sur Séville avec notre ordinateur fixe au bureau, lequel n’est évidemment pas raccordé à la même messagerie ni au même compte. Bluffant, certes, mais comment ont-ils pu savoir? Au secours, Big GAFA is watching me. Toutefois, il y a encore quelques progrès à faire pour cerner totalement nos goûts et nos couleurs. Je me suis ainsi vu suggérer l’achat de prothèses auditives – alors que j’entends très bien, merci et que je n’ai rien demandé à personne – et de fauteuils roulants. Comme je vous dis. Sans compter les 7 recettes de cuisine pour les estomacs fragiles.

Manifestement, quelqu’un ou quelque chose, chez Google ou Dieu sait où, me croit vieille – à cause de mes préférences littéraires surannées, de mes recherches Wikipédia obsolètes, de mon vocabulaire désuet (la preuve)? En tout cas, c’est vexatoire ces propositions constantes d’achats pour nonagénaires. Il ne me manque plus que le déambulateur et la baignoire avec porte latérale pour entrer dans son bain sans lever la gambette et j’aurais la panoplie complète, parée pour attendre la mort.

Barbara Cartland ou Mamie rockeuse

Soyons juste et ne caricaturons pas totalement: j’ai aussi eu des propositions de poufs roses (les sièges, pas les filles), de blousons de cuir noirs, de santiags et de voitures de sport italiennes rouges. Là-bas, dans la stratosphère, on a l’air assez sûr de mon âge (canonique), mais on hésite un peu sur mon look (romantique éthéré façon Barbara Cartland ou Mamie rockeuse?).

Par ailleurs, comment faire pour que l’image que me renvoient les pubs soit un peu plus flatteuse pour mon ego. Lancer des recherches frénétiques autour de noms d’actrices de 12 ans vues dans des séries à succès? De Boys Bands (mais est-ce que ça existe encore)? Etre vexée par l’analyse d’un ordinateur et se lancer dans des moyens de remédiation pathétiques pour sauver la face devant une machine, ça doit être ça la modernité.