puissantes crinières
L'édito de Géraldine Savary: «Quand les cheveux manifestent»
On disait des rousses qu’elles jouaient avec le diable, des femmes noires qu’elles étaient mal coiffées avec leurs cheveux crépus ou tressés. On a condamné à la mort sociale les femmes aux cheveux gris, traité de camionneuses celles qui choisissaient les coupes courtes. On a tondu les femmes après les guerres, on nous a dit qu’après quarante ans, les cheveux longs, ça faisait vulgaire. Yseult cache Tristan sous l’or de ses cheveux, Marie-Antoinette en fait l’étendard de sa frivolité, l’écrivaine Colette coupe sa chevelure et annonce ainsi que le monde est en train de changer, Britney Spears rase ses mèches pour dire son désespoir… jusqu’à aujourd’hui où l’alopécie de la comédienne Jada Pinkett Smith suscite gifle et quolibets.
Les injonctions restent nombreuses, qui vont des personnes afro-descendantes contraintes de lisser leurs boucles aux linceuls qui couvrent la tête des femmes afghanes.
Un rempart, un manifeste
Nos cheveux racontent nos vies et nos envies, et aussi plein d’autres choses. Le moral en berne, et les cheveux sont ternes; l’amour électrise la peau et les cheveux crépitent au même rythme, les hormones dansent et vous voilà avec des mèches qui chutent ou au contraire qui ressuscitent. Enfin, vos cheveux connaissent votre santé, ils alertent quand il y a manque de fer ou de vitamine C, quand votre alimentation est bourrée de pesticides; ils devinent même vos délits ou ceux dont vous êtes victimes, ils vous trahissent quand vous avez abusé de substances illicites.
J’ai souvent rêvé que, pendant la nuit, mes cheveux tombaient. C’est un rêve connu des cabinets des psys, qui révèle une période où l’on manque d’assurance. Comme Samson qui, envoûté par Dalila perd sa toison, je me réveillais désarmée, apeurée, sans force ni énergie. Celles et ceux qui ont à vivre cette épreuve pour de vrai le savent, Lady Gaga le chante aussi: les cheveux sont un rempart, une identité, un manifeste. À Femina, dans le numéro du 10 avril 2022, on a donc décidé de consacrer quelques pages à nos cheveux, histoire de nous brosser un peu dans le sens du poil. Parfois, ça ne fait pas de mal.
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