nettoyage de printemps
L'édito de Géraldine Savary: «Montre-moi ton placard à balais, je te dirai qui tu es»
Quand nous avons célébré les soixante ans de Femina, en septembre 2022, on me demandait: ça ne vous dérange pas de ne parler que de cuisine, de beauté, de mode? d’honorer le futile, de stimuler le superficiel, de consacrer les stéréotypes? Comme si les journaux féminins n’étaient que ça. Comme si les magazines plutôt destinés aux femmes n’avaient pas imposé des thèmes et des débats qui aujourd’hui encore touchent tout le monde: contraception, avortement, espace public, salaires, temps de travail, éducation, famille, sexualité, égalité entre les genres, etc.
Je suis persuadée, en outre, qu’il n’y a pas de sujet mineur, comme il n’y a pas de question idiote. La place qu’on se fait dans le monde repose certes sur la manière dont une communauté vous permet d’exister mais aussi sur le regard que vous portez sur vous-même. Les apparences, le rapport au corps, l’âge, l’intimité freinent ou inspirent pas beaucoup moins que la position de la Suisse sur la neutralité ou une révision de loi sur l’aménagement du territoire.
Sitôt dit sitôt fait, et parce que justement, c’est considéré comme une histoire de filles, Femina propose un dossier spécial sur le ménage. Nettoyage, rangement, ordre et propreté disent beaucoup de nous et sous quels tapis se cache la poussière. Après des siècles de questions sur «qui descend la poubelle», la répartition des tâches domestiques entre hommes et femmes bouge à peine; et quand on les externalise, alors ce sont aussi des femmes qui frottent nos habits, nos sols et nos vitres pour des rémunérations basses, voire qui travaillent au noir.
Ce que l'état de nos intérieurs disent de nous
Plus globalement, le ménage nous raconte. Nos tics, nos tocs, nos manies… Notre espace intime se dresse tant comme une protection vis-à-vis de l’extérieur que comme l’expression de notre identité. On sait qui on est à la manière de ranger notre bibliothèque et de classer nos livres, si on exige de nos invités et invitées qu’ils et elles enlèvent leurs chaussures à l’entrée. Une chambre régulièrement en désordre peut constituer un motif de divorce, et que dire des conflits entre générations qui se jouent autour des chaussettes qui traînent partout dans l’appartement.
Nos intérieurs trahissent aussi nos angoisses, nos égoïsmes, ou la nécessité de se réfugier sur ces îles domestiques quand le travail prend la tête, qu’une épidémie nous confine ou qu’on n’a pas les moyens de s’évader autrement. On se met donc au nettoyage de printemps, et interdit d’utiliser ces pages pour faire briller vos miroirs.
Vous avez aimé ce contenu? Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir tous nos nouveaux articles!