écologie
La Marche Bleue: Des femmes bougent pour le climat
L'avocate Irène Wettstein, l'experte du GIEC Julia Steinberger, l'infectiologue Valérie D’Acremont et la politologue Bastienne Joerchel sont les quatre organisatrices de cette marche pour le climat.
© CHRISTOPHE BOTT/KEYSTONEElle marche depuis une dizaine de jours entourée d'une vague bleue, formée de participant-e-s venu-e-s de tous les horizons, vêtu-e-s d'azur ou de cobalt. L'avocate veveysanne Irène Wettstein, connue pour avoir défendu des militant-e-s pour le climat, s'est élancée le 1er avril 2023 sous le ciel grisâtre de Genève, en compagnie de volontaires et des trois autres initiatrices de la Marche Bleue: l'économiste écologiste et experte du GIEC Julia Steinberger, la politologue et directrice du Centre social protestant Vaud Bastienne Joerchel et l'infectiologue Valérie D’Acremont.
Leur projet en une vingtaine d'étapes, baptisé en hommage à notre planète bleue et dont le cortège traversera cinq cantons sur 224 km, a pour objectif de rejoindre Berne et de déposer auprès des autorités une pétition exigeant que la Suisse respecte les engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris, ratifié en 2017. Pour rappel, cet accord engage les États signataires à limiter le réchauffement climatique mondial en dessous de 2 °C. La Suisse doit, pour ce faire, réduire ses émissions de gaz à effet de serre de moitié d'ici à 2030 par rapport à 1990, et à zéro net d'ici à 2050.
Or, pour Irène Wettstein, la Suisse n'est actuellement pas à la hauteur. «Notre pays n'est pas sur la bonne trajectoire, dénonce-t-elle. Les scientifiques et le dernier rapport du GIEC le disent: nos émissions de gaz à effet de serre sont en hausse.» En effet, l'Office fédéral de l'environnement a annoncé le 11 avril 2023 une légère augmentation de ces émissions en 2021, surtout dans le secteur du bâtiment. Les émissions de la Suisse en 2021 sont ainsi inférieures à 18,2% par rapport à 1990. Encore loin des 50% requis d'ici à 2030.
Marcher pour garder espoir
Irène Wettstein a toujours été attentive à son impact environnemental. Mais c'est quand émergent les marches pour le climat en Suisse que l'avocate prend vraiment conscience de la gravité de la situation. «J'ai bien déprimé pendant quelques mois, puis j'ai décidé de me mobiliser. Car lorsqu'on sait ce qu'il va advenir si on n'entreprend rien, on ne peut pas rester les bras croisés», explique-t-elle. À l'occasion d'une manifestation à Lausanne, elle aperçoit des jeunes activistes se faire arrêter par la police et à cet instant, elle décide d'user de ses compétences professionnelles pour leur venir en aide. C'est ainsi qu'Irène Wettstein devient l'une des figures de la défense des militant-e-s écologistes en Suisse romande. En 2021, elle cofonde l'association Avocat-e-s pour le climat, qui a pour but de porter à la connaissance des tribunaux suisses des affaires soulevant des questions de protection environnementale.
Cependant, soucieuse de la façon dont sont traité-e-s certain-e-s lanceur-euse-s d'alerte par des tribunaux, pas forcément conscients de la gravité de la situation d'après elle, l'avocate a décidé de porter son combat autrement.
«Avec la Marche Bleue, nous voulons sortir de l'immobilisme, montrer qu'il existe des solutions - malgré l'éco-anxiété ambiante - et faire en sorte que le sujet du climat devienne enfin une priorité politique. Sortir des énergies fossiles, modifier nos modes de consommation, de transport, isoler les bâtiments, etc.: des mesures doivent être prises urgemment.»
Au téléphone, l'écologiste nous raconte sortir d'une rencontre avec des agriculteurs dans le canton de Vaud. «Notre démarche est apartisane, souligne-t-elle, et vise, à travers de nombreux échanges sur notre parcours, à dialoguer avec les autorités locales, des associations et des personnes confrontées directement aux conséquences du dérèglement climatique, dans leur activité professionnelle par exemple.»
Pour Irène Wettstein, le sujet du climat doit dépasser les rivalités politiques gauche/droite: «On doit se parler, exprimer nos besoins et trouver des solutions ensemble. Toute personne doit être entendue, car la crise climatique impacte tout le monde.»
Les femmes écologistes au front
La Marche Bleue est une initiative portée par les femmes. «Nous sommes quatre professionnelles ayant agi et alerté dans leur domaine respectif, et nous constatons que des mesures tardent à être mises en œuvre. À travers nos réseaux, nous avons fait appel à des femmes impliquées dans des lieux de pouvoir et au sein de leur entreprise, car nous croyons en leur détermination, à cette sororité, pour faire bouger les choses. D'ailleurs, des études montrent que les femmes, lorsqu'elles ont un pouvoir décisionnel, agissent plus que les hommes dans l'intérêt de la collectivité, précise l'avocate. Mais nous marchons aussi avec les hommes, bien sûr!», ajoute-t-elle.
Mais comment s'engager dans la lutte, lorsqu'on se sent impuissant-e face à la gravité de la crise climatique? Irène Wettstein nous confie que de nombreux-ses marcheur-euse-s se sentent régénéré-e-s, joyeux-ses et moins seul-e-s grâce à ce projet unificateur qu'est la Marche Bleue. «Être ensemble, entouré-e de personnes qui nous comprennent, crée du lien et peut soulager. C'est une petite thérapie de trois semaines, mais aussi une façon de penser une responsabilité collective, et non pas seulement individuelle.» Rencontrer des personnes, rejoindre une association et agir à son échelle comme l'on peut, voici des façons de se mobiliser, selon elle. «Et utiliser le pouvoir démocratique en notre possession: voter aux élections fédérales et en juin 2023 sur la loi en matière de protection du climat. Il faut accepter que certes nous allons vivre différemment, mais pas forcément moins bien.»
Rendez-vous le 22 avril 2023 sur la place Fédérale, à Berne, où les organisatrices attendent de nombreux-ses participant-e-s. D'ici là, il est toujours possible de participer à une étape du cortège sur inscription.
