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L'édito de Géraldine Savary: «Je regarde ma mère»

Edito Geraldine Savary redactrice en chef Femina

«Parce que même en ayant enfanté, aimé, quitté, [...] gagné, perdu, traversé des ruisseaux, des mers, des océans, gravi des montagnes, vaincu des maladies, vieilli, on reste toujours la fille de sa maman.»

© ELSA GUILLET

Ma mère vient de fêter ses quatre-vingts ans. Je la regarde et pour moi elle n’a pas changé. Elle porte ses cheveux courts, un peu comme la fille des paquets de cigarettes Marylong, la même coupe que le jour de son mariage et tous ceux qui ont suivi. Elle a un sourire éclatant, des yeux vifs, une taille de luciole. Je la regarde et me remémore qu’à 20 ans, elle s’élançait dans la vie, orpheline de mère depuis peu, quittant son pays pour s’installer au fin fond d’une vallée, ici en Suisse romande, sans avoir le droit de voter, d’ouvrir un compte bancaire à son nom, sans congé maternité alors qu’elle travaillait à 100%. Le dimanche soir, elle corrigeait des copies d’élèves, mixait des trucs pour la semaine, repassait un peu et nous, on lui disait: «Tu ne peux pas faire un peu moins fort?»

Je la regarde et je me dis que rien entre nous n’a changé. Elle s’inquiète pour ma santé comme quand j’avais 12 ans, me conseillant consultations, médicaments et autres potions, je réponds «oui, oui» pour passer à autre chose. On s’appelle une fois par semaine, elle trouve que c’est trop peu, j’essaie de caler ce rendez-vous téléphonique dans mes longues journées.

On reste la fille de sa maman

La vie file trop vite, entre le travail, les enfants, les week-ends avec des amis, les vacances, les anniversaires de mariage. Aller voir ses parents passe en dernier, normal, ils sont là pour l’éternité. Je sens qu’elle aimerait plus de moi. Plus de discussions, plus de rencontres, plus de confidences. Et moi, depuis cinquante ans, comme toutes les filles, je résiste un peu, je défends mon territoire, j’agite les ailes de mon indépendance tout en restant pas trop éloignée du nid de l’enfance.

Parce que même en ayant enfanté, aimé, quitté, éduqué, galéré, acheté des maisons, des châteaux, des pavillons, travaillé, gagné, perdu, traversé des ruisseaux, des mers, des océans, gravi des montagnes, vaincu des maladies, vieilli, on reste toujours la fille de sa maman.

Nos rapports résistent au polissage du temps, tout peut partir en larmes, en rires, en vrille, en un instant. Je regarde ma mère, et je sais que je dois accepter sa vulnérabilité comme j’ai dû accepter la mienne. Être un peu plus indulgente, plus douce, montrer ma tendresse plutôt que mon impatience. Une fois sur deux, allez, devenir la mère de ma mère.

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