censure
L'édito de Géraldine Savary: «Dans le sport aussi, on cancelle»
«Le monde du sport olympique se trouvant régulièrement épinglé pour des affaires pas nettes de corruption ou de dopage n’accepte-t-il pas la liberté d’expression d’une de ses athlètes?» - Géraldine Savary
© ELSA GUILLETPendant qu’on se désole à n’en plus finir de la suspension momentanée de Gérard Depardieu des écrans de la RTS, une sportive émérite vient de subir un lynchage d’une grande violence. Emilie Gomis, donc, menait sa carrière avec les hauts et les bas classiques d’une professionnelle talentueuse.
Une entrée fracassante dans le monde du basketball féminin, un titre européen en 2009, des médailles en veux-tu en voilà gagnées au nom de la France, des blessures, des retours difficiles, puis le redéploiement de son engagement sportif au service de la relève. En 2021, elle est nommée ambassadrice des Jeux olympiques de Paris; fière, elle déclare que cette nomination est en accord avec sa vision humaniste du sport.
Depuis le 9 octobre 2023, patatras.
Questionner la colonisation
Emilie Gomis poste sur son compte Instagram une carte de la France progressivement recouverte par le drapeau d’Israël, en écrivant: «Et vous, que répondriez-vous à ça?» Elle supprime très vite son message, condamne les attaques du Hamas, s’excuse, reconnaissant que l’image était inadéquate et ne correspondait pas à son propos. Qui était de s’interroger, comme l’ONU et pas mal de personnes dans le monde, sur la problématique de la colonisation.
Ses explications, ses excuses, le fait qu’elle ait très rapidement retiré son post ne suffisent pourtant pas au Conseil des institutions juives de France, qui demandent avec insistance à la ministre des Sports de démettre Emilie Gomis de ses fonctions.
En décembre 2023, le comité d’éthique des JO obtempère et l’exclut. Début janvier 2024, le Comité national olympique français propose la radiation d’Emilie Gomis pour «atteinte avérée aux principes éthiques». Cette dernière s’estime déshonorée par les accusations d’antisémitisme et s’oppose à ces décisions, la planète basket a le cœur brisé de voir une des égéries du sport d’élite intégratif victime d’une si brutale sanction.
Et nous, nous nous étonnons: le monde du sport olympique, qui se donne rendez-vous sous les ors du Qatar, se trouve régulièrement épinglé pour des affaires pas nettes de corruption ou de dopage n’accepte-t-il pas la liberté d’expression d’une de ses athlètes, lui refuse son pardon? Quel crime a donc commis Emilie Gomis pour subir une telle humiliation, un tel effacement? Et pourquoi celles et ceux qui sont prompts à condamner la censure et les bûchers hâtivement montés restent-ils silencieux?
