Amour et liberté
L’édito de Géraldine Savary: «Bonne Saint-Valentin!»
Plus de 70% des couples qui se marient en Suisse optent pour le nom du futur mari. Et pourtant, on n’est plus dans les années 50 où les femmes abandonnaient leur patronyme, épousaient les ambitions professionnelles, le compte bancaire et les dimanches après-midi Formule 1 de l’homme qu’elles avaient choisi. Les liturgies religieuses jouent un moindre rôle, les femmes acquièrent leur indépendance financière, les familles des deux époux ont globalement lâché la grappe aux traditions. Comment expliquer donc qu’une femme qui passe près de trente ans de sa vie avec un nom qui l’accompagne au travail, en voyage ou en sorties, le change en une visite à l’état civil et quelques nuits de miel?
Parce qu’on n’attrape pas les guêpes avec du vinaigre, diront certains. Parce que l’amour s’enracine dans une société pétrie de patriarcat, rétorqueront les autres. Par exemple, la journaliste et essayiste Mona Chollet, qui dans son récent livre, Réinventer l’amour (éd. Zones), pointe du doigt les représentations sociales avec lesquelles on grandit et qui reproduisent une forme d’infériorité féminine. Genre les comédies romantiques, genre les contes pour enfants, ou certains romans qui consacrent l’idée qu’une femme sans prince charmant n’a pas vraiment réussi sa vie. Si je simplifie, l’amour serait un truc bourgeois, réactionnaire, hétéronormé et inégalitaire.
L'amour de soi, avant l'amour de l'autre
C’est là que vous vous dites que Femina, à la veille de la Saint-Valentin, est vraiment en train de casser l’ambiance et de pourrir votre soirée entre amoureux, déjà qu’il faut y mettre beaucoup du sien pour fêter le grand Amour un lundi de février qui s’annonce plutôt gris. Nulle n’est notre intention. Nous aimons les belles rencontres, le romantisme des «Je t’aime pour la vie», les coups de foudre, les étoiles dans les yeux et les baisers fougueux.
Mais il s’agit plutôt de se convaincre que la beauté de l’amour se love dans la liberté des unes à partager celles des autres. La quête légitime d’une personne à aimer commence par la quête de l’amour de soi, et du respect qu’on se porte et qu’on est en droit d’attendre de son proche et de son prochain. Dire à son amoureux que l’amour n’est pas une terre à conquérir, mais une vaste immensité qu’une vie commune ne suffira pas à découvrir en entier. Que si deux mains s’unissent, elles n’ont certes pas la même taille mais le même nombre de doigts.