Violences sexuelles
Le stealthing demeure faiblement puni en Suisse
La révision du droit pénal en matière sexuelle, adoptée par le parlement le 16 juin 2023, permettra notamment de combler les lacunes du code pénal suisse en ce qui concerne le stealthing, le fait d’ôter secrètement son préservatif pendant la pénétration. La nouveauté? S’il est avéré, il sera automatiquement qualifié d’atteinte sexuelle voire de viol. Mais en attendant, il faut toujours se contenter du droit actuel, clairement inadapté pour juger ce type d’acte.
La preuve: dans le dernier jugement d’une affaire en cours depuis plusieurs années, le tribunal supérieur de Zurich a estimé qu’un homme ayant enlevé son préservatif lors d’un rapport sexuel consenti (mais seulement sous condition d’être protégé) s’était rendu coupable de harcèlement sexuel. Au stade actuel de cette saga judiciaire ayant connu maints rebondissements, le prévenu risque donc 2500 francs d’amendes. Autant dire une peine dérisoire au regard de ce qu’il aurait encouru avec la future loi.
Difficile à catégoriser
Ce jugement surprenant est l’illustration de l’embarras de la justice face à cet acte, qu’elle peine actuellement à faire entrer dans l’une des catégories du code pénal. En cause? Le stealthing a ceci de vicieux qu’il se déroule généralement pendant des relations sexuelles au départ consenties. Autre point complexe à gérer pour le droit actuellement en vigueur: le retrait du préservatif étant souvent opéré à l’insu de la ou du partenaire, on ne peut faire entrer en jeu les notions de contrainte ou de violence.
Car jusqu’à aujourd’hui en Suisse, la qualification de viol ne peut être retenue qu’en cas de rapport sexuel imposé contre la volonté clairement explicitée de la victime. Celle-ci, n’étant pas informée du retrait du préservatif, n’est pas dans la capacité de s’opposer à quoi que ce soit. D’où la qualification, par certains juges, du stealthing comme «acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance» (art. 191). C’est d’ailleurs par ce verdict que s’est terminée la première plainte pour stealthing en Suisse, jugée à Lausanne en mai 2017.
Plusieurs pays s'y attaquent
Dans d’autres cas, les magistrats optent même pour l’acquittement pur et simple, rebutés par le vide juridique existant. C’est ainsi ce que montre l’affaire zurichoise évoquée plus haut: le tribunal de district de Bülach, puis le tribunal cantonal de Zurich en deuxième instance, avaient tout deux préalablement acquitté ce prévenu de l’accusation d’acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Un verdict ensuite confirmé en 2019 par le tribunal fédéral, qui avait seulement demandé le renvoi au tribunal zurichois pour statuer sur une éventuelle qualification de l’acte en harcèlement sexuel.
L’entrée en vigueur de la révision du Code pénal est, on le voit, plus qu’urgente, puisque ces actes demeurent peu ou pas condamnés du tout en Suisse, alors que de plus en plus d’Etats autour du globe adaptent leur législation pour qualifier le stealthing de viol: la Californie et la Nouvelle-Zélande l’ont fait dès 2021, puis l’Australie et le Canada en 2022.
En plus de contourner le consentement de la ou du partenaire et d’être ainsi, dans les faits, une véritable agression sexuelle, le stealthing est également une menace potentielle pour la santé et la vie sociale de la victime, en l’exposant au risque de grossesse non désirée ou de contracter des maladies sexuellement transmissibles parfois mortelles.
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